Le 9 juillet 1996, j’allais voir mon idole pour la seconde fois en concert, la première fois en solo. Mon meilleur souvenir de toute sa carrière.
Sommaire
Un album et un concert que je n’attendais pas
Juillet 1996. Je viens tout juste de me marier. Je termine mon service militaire à la fin du mois. Et depuis avril, j’écoute en boucle le premier album solo (si on ne compte pas ses musiques de films) de Mark Knopfler : Golden Heart. Un album que j’ai découvert de façon totalement inattendue, quelques mois auparavant. Pour l’avoir écouté en boucle au casque, j’en connais les moindres recoins, les moindres mesures, les moindres notes…. comme tous les albums de Dire Straits, au passage.
Et bonne nouvelle : Mark a entrepris une tournée pour promouvoir cet album. Lancée mi-avril par une émission à la BBC, elle passe par de nombreuses villes d’Europe, dont Lyon deux soirs de suite ! Plus exactement dans le cadre du festival des Nuits de Fourvière, au théâtre antique du même nom, lieu où il reviendra en 2010 ( ► chronique du concert).
Autant pour les tournées suivantes je devrai m’y préparer à l’avance (précommande des tickets, éviter de se faire spoiler la stelist, etc…), autant pour celle-ci je n’ai rien anticipé, tout simplement parce que comme pour l’album, j’ai eu l’info au dernier moment. L’époque d’avant Internet, c’était quand même autre chose…
Je prends mon billet pour le premier soir, celui du 9 juillet. Aucune affluence pour l’achat des places, pas de stress avec les « pré-admissions », pas de revente à prix exorbitant au marché noir… bref la vie normale, ou en tout cas comme ça devrait être. Je ne le sais pas encore mais je vais assister à mon meilleur concert.
Une setlist pleine de surprises
Ça fait 4 ans que j’ai vu Dire Straits en concert, en avril 1992. Et j’en garde un souvenir mitigé, du fait d’avoir été trop loin et de ne pas avoir pu pleinement apprécier le spectacle, et que d’un point de vue musical la période On every street n’est pas ma préférée (une chronique plus détaillée sera publiée l’année prochaine, pour les 30 ans). Aussi quand je vais à cette soirée du 9 juillet 1996, je ne sais pas trop à quoi m’attendre. Mark en solo ? Que va-t-il jouer ? Depuis quelques années il s’est surtout consacré à des projets annexes à sa carrière : les Notting Hillbillies, son album en duo avec Chet Atkins, des musiques de films ou des collaborations et productions diverses.
Mais là justement, il va complètement me bluffer ! Les setlists des concerts de 1996 sont sans doute les plus longues de sa carrière. Les concert durent en moyenne 2h30, certains pas loin de 3h ! Et personnellement plusieurs morceaux inattendus pour moi. Je ne me souviens pas de tout avec exactitude, et il n’existe à ma connaissance aucun bootleg de ce soir-là. Mais en recoupant avec les dates précédentes et suivantes, ça devait être pas trop loin de ça :
- Darling pretty
- Walk of life
- Imelda
- The bug
- Rüdiger
- Je suis désolé
- Calling Elvis
- I’m the fool
- Last exit to Brooklyn
- Romeo and Juliet
- Sultans of swing
- Done with Bonaparte
- Father and son
- Golden heart
- Water of love
- Cannibals
- Telegraph road
- Brothers in arms
- Money for nothing
- The long highway
- Going home
Les moments forts du concert
Il n’existe aucune vidéo, ni aucun audio de ce concert, trouvables sur Internet. Mais les versions des autres dates proches donnent une idée de ce que j’ai vu et entendu ce soir-là. Exemple avec le concert à Bern, trois jours avant :
L’ouverture ne m’a pas surpris : Darling pretty, le single, rien de plus normal. Suit Walk of life qui a définitivement pris sa seconde place au sein de la setlist depuis la tournée précédente et n’en bougera plus. Rien d’inattendu là non plus. On continue avec Imelda, Mark déroule son album, rien d’extraordinaire. Première surprise : The bug, joué à la Les Paul ! Mark s’est amouraché de cette guitare et ne la quitte plus. j’aime ce retour au son vintage et aux vieilles guitares. Je n’ai jamais été fan de lé période Pensa, et revoir Mark jouer sur Les Paul me ravit au plus haut point. Retour à l’album avec Rüdiger, normal.
Le premier point d’orgue du concert
Puis Je suis désolé, tout le monde reprend le refrain en chœur, pour une fois que Mark chante en français on ne va pas se priver. Sur le final ils font durer le solo, mais bizarrement tournent progressivement le dos au public, tandis que la musique se fait plus douce, comme en attente de quelque chose…. on regarde, on attend, mais qu’est-ce qu’ils fabriquent ?… et là c’est LE point d’orgue du concert : le riff de Calling Elvis déchire tout d’un coup, sans prévenir ! Le public est en transe, je ne comprends pas ce qui m’arrive… Mark qui enchaine des morceaux comme ça sans prévenir ? comme au temps d’Alchemy ? Oh my god…
Déluge de solos : guitares, basse… seul petit bémol : était-ce bien nécessaire ce sample de guitare électrique joué par Guy ? ne boudons pas notre plaisir, c’est l’éclate totale. Et comme dit Mark à la fin :
I’m the fool m’offre l’occasion de découvrir la Jurassic Strat, et Mark qui joue du vibrato pour un son proche de Hank Marvin, bien que joué avec les doigts. Puis arrive une musique je ne connais pas… comment est-ce possible ? Et bien oui, en 1996 je n’avais pas encore entendu la BO de Last exit to Brooklyn. Je demande le titre du morceau à une personne à côté… la seule fois de ma vie où ça m’arrive à un concert de Mark… à nouveau un enchainement avec Romeo and Juliet, superbe. Je peux apprécier de près la guitare National. Pas le temps de souffler, Sultans of swing déboule. Et en 96 on est encore dans des versions épiques à la Alchemy, avec breakdown. Jubilatoire.
Done with Bonaparte permet à Mark de blaguer avec le public sur ses musiciens. Les private jokes deviendront vite répétitives au gré des tournées, mais à cette époque c’était la première fois ! À nouveau une musique que je ne connais pas… c’est Father and son de la BO du film Cal, un autre disque que je n’avais pas encore entendu en 96. Ici en guise d’intro au morceau-titre de l’album du moment : Golden Heart.
Le deuxième point d’orgue du concert
Et puis, LE deuxième point d’orgue du concert pour moi. Un morceau commence et je ne le reconnais pas… encore une musique de film me dis-je ? Il faut attendre que Mark commence à chanter pour que je réalise qu’il s’agit de Water of love ! En 1996, je n’avais jamais entendu les versions des Notting Hillbillies de 1990, donc impossible pour moi de reconnaitre ce nouvel arrangement. Mark joue à la Les Paul, et c’est tout bonnement magnifique.
Ensuite un sympathique Cannibals, puis arrive la portion des poids lourds : Telegraph road, magistral (je ne m’y attendais pas non plus), et quel bonheur de voir et entendre Brothers in arms et Money for nothing joués à nouveau sur Les Paul ! Et puis Mark annonce qu’il va jouer un inédit ! « peut-être sur le prochain album » précise-t-il… j’apprendrai plus tard que The long highway n’était pas véritablement inédit puisque jouée sur certains concerts de 1991, mais pour ma part c’était bien une première ! Mark tiendra en partie sa promesse puisque le morceau paraitra en bonus du single What it is.
Un final en beauté
Et on finit en beauté avec l’enchainement sur Going Home, joué à la Les Paul ! Certains trouvent que ça dénature le morceau et ne jurent que par la strat pour celui-ci. Effectivement la version d’Alchemy est l’une des plus belles et sert souvent de référence. Mais c’est oublier qu’à la base, la version studio de Going home figurant sur la B.O. du film Local hero contient deux parties de guitare bien distinctes : les arpèges cristallins joués sur l’Ovation Adamas (comme on le voit dans le clip) et le solo en son saturé, a priori sur la Schecter strato.
Par conséquent en concert, Mark devait faire le choix entre privilégier le son clair (ce qu’il a fait la plupart du temps avec la strat) et donc être moins pêchu pour le solo, ou au contraire opter pour la partie saturée, ce qu’il a fait en 1996 et 2019. Je ne trouve donc pas que les versions sur Les Paul soit moins fidèles à la version originale, elle le sont à mon sens tout autant que celles sur strat. Simplement, c’est un autre aspect du morceau qui est mis en avant. Et en 1996, Mark déchirait vraiment sur le final.
S’il y a un concert qui restera dans ma mémoire c’est bien celui-ci. J’étais près de la scène, et pas serré du tout. A quelques mètres de moi, Mark était affable, jovial, et donnait le sentiment sincère de prendre plaisir à jouer. La setlist a enchainé surprise sur surprise pour ma part, et à cette époque aucun risque d’avoir été spoilé à l’avance. Ajoutons à cela le retour de guitares vintage et d’un son plus authentique. Bref, tout était réuni pour garder un merveilleux souvenir de ce moment magique. Et d’ailleurs, du fait qu’il n’existe aucune trace audio ou vidéo de cette soirée, tout est uniquement gravé dans ma tête. Et ce n’est pas près d’en sortir. C’était il y a tout juste 25 ans.
© Jean-François Convert – Juillet 2021
Ce qui m’a bluffé dans cette tournée, c’est le solo de « Calling Elvis » sur quelques dates (dont Vaison-la-Romaine dont il existe en enregistrement complet et d’assez bonne qualité, cf. plus bas) : une montée en tonalité puis une redescente derrière pour retomber sur ses pattes. J’imagine que ce n’est pas simple, tout le monde doit être raccord, mais j’ai trouvé ça jubilatoire quand j’ai écouté ça pour la première fois (très surprenant !).
https://youtu.be/R4ZWP51Bdeg?si=prLU82uzEohodUUM&t=264
Oui tout à fait. C est excellent.
Mais ce changement n’est apparu que sur la fin de la tournée
merci pour ce compte rendu
j’avais découvert Golden heart chez un ami et à cette époque, sans internet, on était bien moins informés que maintenant ; pour ma part je pensais que cet album était une pause dans la carrière de Dire Straits (j’ai compris plus tard que ce n’était pas une pause)
par contre sur certains concerts de cette tournée 96, il semble que MK termine avec 2 titres qui ne sont pas sur golden heart (gravy train & are we in trouble now) ; est-ce que c’était récurrent ?
Are we in trouble now figure bien sur l’album Golden Heart 🙂
Le morceau a été joué au début de la tournée notamment en Irelande puis a été abandonné par la suite.
Pour Gravy Train je crois qu’il ne figure que sur A night in London, pas d’autres concerts à ma connaissance
Concert phénoménal quelques jours plus tard au zénith de Paris. Bien meilleure que la dernière tournée de Dire straits.
J’y étais aussi. Étant élève au lycée Jean Moulin juste à côté (je passais les épreuves du rattrapage du bas S le lendemain matin). Je me rappelle qu’en début de concert un type avait une arme à feu. Il a été évacué. Super concert. Il me semble aussi que le concert n’était pas dans les arènes mais sur la pelouse à côté. Mais ça commence à dater. En tout cas nostalgie de cette époque, c’est sûr.
J’y était aussi ! 1er concert MK/DS de ma vie ! J’ai découvert Dire Straits juste à la fin de la tournée On every street… Depuis j’en ai enchaîné plein d’autres et je te rejoins : le plus beau concert de toute ma vie (pour l’instant 😉)!
Merci pour tes supers/mégas/hypers articles ! Découvert par hasard, je les dévore et n’arrive plus à m’arrêter. Merci Jean-François !