Le méga-hit de Dire Straits sorti en 1985 a fait son grand retour sous les feux de la rampe, cette année, sur la tournée actuelle de Mark Knopfler, qui ne l’avait pas rejoué sur scène depuis presque 15 ans. L’occasion de revenir sur ce morceau, qui a longtemps éclipsé le reste de la discographie du groupe.
Demandez à quelqu’un le titre d’une chanson de Dire Straits, et il y a de fortes chances pour que celui qui vienne en premier soit Money for nothing, ou peut-être Walk of life, avant même Sultans of Swing, Tunnel of love, Telegraph Road ou d’autres compositions toutes aussi mémorables de Mark Knopfler. C’est devenu LE hit incontournable du groupe, alors qu’il n’est pas forcément le morceau le plus représentatif, musicalement parlant. Essayons d’y voir un peu plus clair.
Sommaire
L’origine de la chanson
Mark Knopfler raconte s’être retrouvé un jour dans un magasin d’électroménager à New York, et avoir entendu un des employés commenter allègrement les images de clips vidéos diffusés sur la chaîne MTV, qui tournaient en boucle sur les téléviseurs de ce magasin. Il raille les rock stars “qui ne bossent pas” et fustige ces glandeurs à l’argent facile. Il déblatère tous ces lieux communs à son collègue en même temps qu’ils installent ou déplacent des fours micro-ondes et des réfrigérateurs.
L’auteur-compositeur de Dire Straits adopte le point de vue de cet employé, et aligne les aphorismes affligeants, un brin machistes et homophobes, raccourcis sans distance sur le train de vie des rock-stars. Comme à son habitude, Knopfler joue de sa plume aiguisée pour mettre en perspective et en abyme cette vision quelque peu caricaturale. Bien sûr que nombre de groupes et chanteurs de l’époque ont sans doute eu un succès surestimé, bien évidemment que MTV était loin d’être la tasse de thé du guitar-hero discret. Mais dans le même temps, il est possible que la critique facile et sans nuance de l’employé ait exaspéré notre parolier qui aime les textes subtils et à double sens.
Comme d’autres chansons de Knopfler, celle-ci a pu être mal interprétée et mal comprise par le public qui a pu croire que l’auteur s’exprimait à la première personne, ce qui n’est évidemment pas le cas. Money for nothing a d’ailleurs été interdite d’antenne sur les radios canadiennes, plus de 25 ans après sa sortie, à cause du terme “faggot” jugé homophobe. Nous verrons plus loin que Mark Knopfler s’est également lui-même auto-censuré au début de sa carrière solo, en omettant volontairement le terme “motherfucker” lors des représentations sur scène.
Une musique co-signée avec Sting
Fin 1984, le groupe s’envole pour les Bahamas, et enregistre aux studios AIR de Montserrat l’album Brothers in arms (► chronique de l’album), qui va devenir leur best-seller, et l’un des disques les plus vendus au monde. Célèbre entre autres pour sa pochette arborant la guitare “National steel” de Mark Knopfler, il est promu comme fer de lance de la nouvelle technologie en vogue à l’époque : les fameux “Compact Disques” ou “Disques Lasers” que Philips vient de lancer.
Money for Nothing figure en deuxième position de la tracklist, pour une durée totale de plus de 8 minutes sur les versions CD et K7 (les versions vinyles étant raccourcies faute de place).
Sting est alors en vacances à Montserrat au même moment, et Knopfler l’invite à venir chanter les chœurs sur la chanson. Sans arrière-pensées, le leader de Police utilise la mélodie des couplets de Don’t stand so close to me pour les fameux “I want my MTV”. Ce n’est qu’uniquement après que la presse en ait parlé lors de la promotion de l’album, que les avocats de Sting interviennent et demandent à ce qu’il soit crédité comme co-compositeur, ce qui est fait sur les copies suivantes (Wikipedia).
C’est ainsi une des rares chansons officielles de la carrière de Dire Straits / Mark Knopfler à créditer un second auteur/compositeur. On peut citer What’s the matter baby ? co-signé avec le petit frère David, ainsi que Miss you blues et Oklahoma ponies tous deux issus d’airs traditionnels. Enfin deux morceaux présents sur les musiques de films de Mark Knopfler sont des adaptations d’airs folkloriques : The mist covered mountains sur Local Hero, et Wild mountain thyme sur A shot at Glory.
LA VERSION STUDIO
Un son de guitare singulier
Si Mark Knopfler est célèbre en tant que guitariste, c’est avant tout pour ses sonorités cristallines, qu’il tire de ses Stratocasters. Depuis les débuts de Dire Straits en 1978, le son Knopfler est associé au son clair des Fender, puis Schecter, avec des morceaux emblématiques tels Sultans of Swing, et même Tunnel of love, ou Telegraph Road qui restent dans une plage mi-clean mi-crunch.
Dès le début des années 80, le guitar-hero au bandana en éponge avait commencé à s’aventurer vers des sons plus saturés : Expresso love, Solid rock, le final de Private investigations , et également l’instrumental Going Home sur la B.O. du film Local hero.
Mais c’est surtout sur Industrial Disease qu’il change de style de guitare et s’oriente vers un modèle proche de ceux utilisés par Billy Gibbons. Il s’agit d’une Erlewine Custom, qu’il surnomme “The pig”. On peut la voir furtivement sur Alchemy au tout début d’Expresso Love (qui était enchaîné à Industrial Disease) avant que Mark n’aille changer pour la Schecter Stratocaster. Mais elle est bien plus visible sur la vidéo du concert de Sydney en 1986 :
Et justement lors de l’enregistrement de Money for Nothing en 1984-85, Mark ne cesse de dire à l’ingénieur du son Neil Dorfsman qu’il veut un son “à la ZZ Top”: gras et avec beaucoup d’harmoniques. Pour ce faire, il utilise une Les Paul 1984 reissue 59 (avec le numéro de série à sa date de naissance : 12849) branchée directement dans un Marshall JTM45. Et rien d’autre. A noter que c’est cette même combinaison qui sera utilisée sur le morceau Brothers in arms. L’ampli a été réutilisé en 2008 pour l’enregistrement de Cleaning my gun, mais cette fois avec la Les Paul vintage de 1958. Cette info est connue grâce au diary de Guy Fletcher, et à l’article d’Ingo Raven.
Le son ainsi obtenu par la combinaison Les Paul / Marshall se rapproche du souhait de Mark, mais pas encore tout à fait. C’est alors que se produit quelque chose qui va tout changer, comme l’explique Neil Dorfsman : le micro enregistrant le son de l’ampli est désaxé accidentellement par un des techniciens, et provoque un très léger hors-phase. En entendant ce son nasal, Mark s’exclame : “Ne touchez plus à rien, c’est exactement ce son-là que je cherchais !” Ainsi nait le son légendaire de Money for nothing, râpeux et abrasif, à l’opposé des effluves limpides et éthérées, auxquelles nous avait habitué Mark Knopfler depuis les débuts de Dire Straits en 1978.
Pour plus de détails techniques, Neil Dorfsman s’est exprimé à plusieurs reprises sur le sujet, et ses explications ont été reprises dans plusieurs chroniques parfaitement documentées :
Plusieurs articles sur la question évoquent une Les Paul Junior et un ampli Laney, mais cela semble peu probable. Aucune photo des sessions ne montre une Les Paul Junior, et aucune biographie n’a jamais fait état d’une telle guitare dans la collection de Mark Knopfler, qui n’est pas connu pour utiliser des instruments de studio. Il possédait une Les Paul Special (de l’époque des Café Racers), mais qu’on n’aperçoit pas parmi les guitares à Montserrat. L’utilisation du JTM45 a été confirmée par Guy Fletcher. On peut supposer que Dorfsman se mélange un peu dans ses souvenirs, étant donné le nombre impressionnant d’enregistrements auxquels il a participé.
Quoi qu’il en soit, ce qui est incontestable, c’est que cette version originale en studio ne comporte pas de pédale Wah-Wah, qui arrivera par la suite, comme on va le voir plus bas.
On peut noter que la Les Paul est doublée (à partir du premier refrain), comme je l’ai indiqué sur la page de l’album Brothers in arms de la section “Gear on all songs” sur le site d’Ingo Raven. Cette rubrique, que j’ai contribuée à renseigner avec Ingo, liste l’ensemble des pistes de guitares de tous les morceaux enregistrés par Dire Straits / Mark Knopfler entre 1978 (premier album) et 2012 (Privateering), les deux derniers n’ayant pas encore été rédigés, faute de temps.
La piste de guitare(s) isolée(s) disponible sur le jeu “guitar Hero” aide à mieux se rendre compte des deux Les Paul, qui jouent quasiment la même chose, avec de subtiles variations. Les différences sont plus notables sur la coda de fin. Au début la guitare unique est mixée au centre avec un très léger delay, puis à partir de 0:57 sur la vidéo ci-dessous (02:33 sur le morceau complet) apparaît la deuxième, et les 2 parties de guitares se retrouvent pan-potées sur les canaux gauche et droit. Cette technique de doubler la guitare a été très souvent utilisée en studio par de nombreux artistes, et notamment Billy Gibbons de ZZ TOP, afin de donner plus d’ampleur et d’épaisseur au son.
Il semblerait d’ailleurs que Mark ait tenté de contacter Billy Gibbons pour lui demander comment il produisait le son sur le riff d’un morceau de ZZ Top. Et ce dernier l’aurait envoyé balader :
Les autres instruments
Outre cette guitare au son unique, Money for nothing affiche une couleur globale purement eighties avec ses synthés proéminents, importés par Guy Fletcher, nouvellement arrivé dans le groupe à l’époque. Le claviériste et complice de Knopfler explique sur son blog que les sons de l’intro sont joués au “Synclavier” (qui a également servi à produire le son de la guitare de So far away) et les accords accentués, surnommés “coups de poignard”, au Yamaha DX-1.
“it was the Synclavier, the stab chords was the Yamaha DX-1”
Guy Fletcher
L’intro légendaire à la batterie est bien l’œuvre de Terry Williams, batteur présent dans le groupe depuis l’automne 1982, en remplacement de Pick Withers, parti juste après la fin de l’enregistrement de l’album Love over gold. Terry Williams avait joué toutes les parties de l’album, mais Mark n’étant pas satisfait du résultat, avait demandé au musicien de studio Omar Hakim de rejouer toutes les parties. C’est donc bien ce dernier qu’on entend sur l’ensemble des pistes du disque. Mais l’intro de Money for Nothing jouée par Williams a été conservée sur le mix final. Il se peut également qu’on l’entende sur Walk of life, mais cette info n’a pas été confirmée.
Remarque cocasse : pour cet album, Mark Knopfler voulait éviter au maximum les morceaux basés sur le “basic snare sound” (son de caisse claire marqué sur des mesures à 4 temps) qui prédominait dans les productions de l’époque. D’où les arrangements plus jazzy, funky ou pop atmosphérique de chansons comme Your latest trick, Ride across the river, One world, The man’s too strong, Why Worry ou Brothers in arms. Le comble étant que les trois premiers morceaux qui sont devenus des énormes tubes sont justement des rocks plus classiques avec la caisse claire bien en avant ! On ne peut pas lutter contre les goûts du public…
Le clip vidéo
L’album Brothers in mars sort le 13 mai 1985. Le single Money for nothing sort le 24 juin 1985 (avec en Face B: Love over gold en live, issu du concert du 23 juillet 1983, celui d’Alchemy). La pochette présente Mark et sa Les Paul dans un écran de télévision, en référence au contexte dans lequel il a écrit les paroles de la chanson.
“The MFN video was an actual concert and I believe it was shot in upstate New York somewhere in 1985/6 on the BIA tour”
Guy Fletcher
La tournée a débuté le 25 avril à Split en Yougoslavie. Des images sont tournées lors d’un concert, et vont servir au clip vidéo. Guy Fletcher évoque “le nord de New York”. Sachant que Dire Straits n’a joué à New York qu’en octobre 1985 (le 12 exactement, au Madison Square Garden) cela signifierait que le clip n’est sorti qu’en fin d’année. Ce qui est sûr c’est qu’il va tourner en boucle sur la chaîne MTV, et en devenir la mascotte ! Le comble pour cette chanson dont les paroles raillent la chaîne préférée des yuppies, et même si on a vu plus haut que le texte est à double tranchant, il va de soi que Mark Knopfler n’avait pas envisagé de promouvoir ce nouveau media alors en plein essor. Mais la machine s’emballe, et le clip de Money for nothing (le premier à utiliser des images de synthèse, une révolution à l’époque) devient LE clip vidéo de toute une génération, un symbole des années 80, et malgré lui une vitrine à audience pour MTV ! A partir de ce morceau, Dire Straits héritera d’une image dont il aura grand mal à se débarrasser (lire ma chronique sur franceinfo à ce sujet). “I want my MTV” tournant en boucle sur MTV, la boucle est bouclée !
Retrouvez la chronique “Tubes & Co”du 8 mars 2019 par Rebecca Manzoni, sur France inter
LES VERSIONS LIVE 1985-1990
Tournée Brothers in arms 1985-86
Durant cette tournée, toujours pas de wah-wah. Sur la première partie de la tournée, Mark joue la Les Paul comme sur l’album. Guy Fletcher chante la partie de Sting sur l’intro, puis est aidé sur les refrains et la coda par le fidèle John Illsley, ainsi que Jack Sonni et Chris White (respectivement nouveau guitariste et nouveau saxophoniste enrôlés après la sortie de l’album) :
Sur le deuxième couplet, à 3:00, on peut noter que Mark a remplacé le terme “little faggot “ une première fois par “little Queen”, puis une deuxième fois par “helicopter”.
Le 13 juillet 1985, Dire Straits joue le soir à la Wembley Arena dans le cadre de sa tournée, et l’après-midi au stade de Wembley pour le Live Aid. Sting les rejoint sur scène pour chanter ses fameux “I want my MTV”:
Fin juillet Mark change de guitare et opte pour une Steinberger GL-2. On peut quasiment déterminer le jour exact où il utilise cette nouvelle guitare sur Money for nothing :
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Le 23 juillet à Montreal : il utilise encore la Les Paul (à partir de 37:40 sur la vidéo)
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Le 26 juillet à Toronto : il utilise la Steinberger (à partir de 1:10:40 sur la vidéo)
Seule incertitude : le concert du 25 juillet à Ottawa dont il n’existe pas d’images… Mais on peut voir la guitare sur les vidéos de Helsinki (28 octobre) et Vienne (7 novembre). Ce qui est sûr, c’est qu’il garde cette guitare jusqu’à la fin de la tournée qui se termine le 26 avril 1986 à Sydney (où des images du clip sont diffusées derrière la scène). A noter qu’il utilise également la Steinberger GL-2 sur One World et Solid rock (pas au début de la tournée où il jouait la Shecter Tele). Niveau paroles, Mark tente le “faggot” sur le premier vers du deuxième couplet, puis remplace par “mother…” ensuite, laissant sous-entendre la fin du mot d’un hochement de tête.
Les concerts de charité en 1986, 1988 et 1990
Pour le concert du Prince’s Trust en 1986, il est exactement dans la même configuration que pour Sydney : même tenue, même guitare !
Pour les concerts du Prince’s Trust 1988, du Mandela day (1988) et de Knebworth (1990) : toujours pas de wah-wah, mais la guitare change. C’est le début de l’ère de la désormais célèbre Pensa-Suhr MKI :
5 juin 1988 : Prince’ Trust gala
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9 juin 1988 : concert “warm-up” en prévision du Mandela Day 2 jours plus tard
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11 juin 1988 : 70 ans de Nelson Mandela. A noter qu’Eric Clapton casse une corde pendant son solo ! Et à la fin du deuxième couplet on sent Mark hésiter à dire “Mother fucker” qu’il coupe à la fin de “mother” !
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30 juin 1990 : Knebworth. Nouveauté : l’intro n’est plus jouée, et le morceau démarre directement sur le riff, après quelques échanges entre Knopfler et Clapton. “Mother” devient “mama” et une des premières apparitions de “trucker” en fin du deuxième couplet. A noter également que la coda dure plus que prévu. Mark fait signe désespérément aux choristes et au reste du (super) groupe pour signifier qu’il faut passer sur les accords du refrain, mais ça tarde à venir !
Cette nouveauté de ne plus jouer l’intro a été inaugurée sur la tournée d’Eric Clapton en 1988, où Mark Knopfler jouait la deuxième guitare, et avait droit son moment de gloire avec Money for nothing :
La reprise parodique : apparition de la wah-wah
En 1991, une parodie du morceau est enregistrée par Al Yankovic, et Knopfler est invité à venir rejouer sa partie de guitare.
Il cherche par tous les moyens à reproduire le fameux son d’origine mais n’y parvient pas. C’est Guy Fletcher qui donne l’idée d’utiliser la wah en position fixe pour obtenir ce côté nasal et tenter de se rapprocher du son originel.
LES VERSIONS LIVE 1991-2019
Dès lors, la wah est ensuite utilisée dans toutes les tournées suivantes.
Tournée On every street 1991-1992
Armé de sa Pensa-Suhr MKI branchée dans le Soldano (et donc à travers la wah), Mark harangue la foule en jouant le début du riff. Puis, faisant mine d’arrêter, il taquine le public et le reste du groupe demande à la foule de montrer plus d’enthousiasme, avant de lancer le morceau pour de bon.
Cette façon de jouer avec le public n’est apparue qu’en cours de tournée, car lors des premiers concerts de 1991, le morceau démarrait directement, sans cette mise en scène :
Pour le tout premier concert, le fameux “kickoff”, le 2 août 1991 (avant même la sortie de l’album On every street !), Mark présente les musiciens au début du morceau ! Cela n’a jamais été reproduit après ce concert !
Sur cette tournée, “Faggot” est remplacé par “Mother trucker” comme c’était déjà le cas en 1990 à Knebworth.
Tournée Golden heart 1996
Cette fois c’est une guitare vintage qui vient prendre la place dans les bras du guitariste : une authentique Les Paul de 1958, qui devient son instrument de prédilection pour son début de carrière solo. Toujours la wah et a priori le Soldano. L’intro dans le même style que la tournée précédente, mais sans le “sketch” du riff interrompu. Côté texte, un “faggot” murmuré, et une fin de mot après “Mother…” pas très compréhensible….ou l’art de Mark de noyer le poisson !
Personnellement je n’ai jamais aimé le son avec la wah. Je préfère de loin le son de la version studio. En live, ma version préférée est celle de Mandela 88. Mais s’il fallait vraiment en choisir une avec la wah, je crois que ce serait Vaison 96 pour son énergie et ses solos jouissifs :
Concert de charité pour Montserrat en 1997
Ironie du sort, l’île où a été enregistrée la chanson est dévastée par un cyclone en 1997. Un concert de soutien est organisé pour récolter des fonds en faveur des victimes. Et bien sûr Mark y joue Money for nothing, en compagnie de Sting, Clapton, Collins…
C’est à ma connaissance à ce concert qu’apparaît dans le solo de fin le motif issu d’une mélodie traditionnelle orientale. En fait, il apparaît même d’abord au chant, lorsque Mark entonne “I should lurn to play on these drums” à 4:24. Il reprend cette ligne mélodique à la guitare à 5:10, de façon un peu approximative, mais il gardera cette idée pour les tournées suivantes.
Tournée Sailing to Philadelphia 2001
Grosse innovation sur cette tournée : l’intro est jouée à la guitare “National steel”, au bottleneck, en ternaire, façon delta blues. A cette époque, Mark a arrêté de fumer et peut déployer vocalement un séduisant “basso profundo”, qui sied ici parfaitement au style voulu. Du fait de l’intro, le long break de batterie refait son apparition sous les baguettes de Chad Cromwell, on ne l’avait plus entendu depuis le concert pour Mandela en 1988.
Côté matos, on ne change pas une équipe qui gagne : toujours la Les Paul 58, la wah et le Soldano. La phrase mélodique orientale s’est installée pour de bon (à 7:52). Coté paroles, Mark reste timoré et n’ose plus le “faggot” et murmure un “mother” sans risques !
Concerts “Mark Knopfler & friends” 2002
C’est sans doute la dernière fois où Mark Knopfler et John Illsley ont joué ce morceau (voire joué tout court ?) ensemble. On revient à l’intro directe par le riff. Pas de questionnement à avoir sur les paroles, le deuxième couplet est tout bonnement coupé ! (comme dans les versions edit-radio des années 80 qui voulaient éviter les polémiques). La ligne mélodique orientale semble gagner du terrain car elle est même répétée 2 fois ! (à 3:30)
Tournée Shangri-La 2005
Retour à encore plus de simplicité : Mark est seul à la guitare, Richard Bennett se contentant de jouer sur une “cow bell” (cloche à vache) ! Toujours la Les Paul 58, toujours la wah, mais cette fois le Soldano a laissé la place au Reinhardt, avec enceinte Marshall. Désir de revenir au son de la version originale ? Et grosse surprise : le terme “faggot” est prononcé très clairement sans hésitation, et même s’il ne le dit pas à chaque concert, le “motherfucker” fait son grand retour ! (à 1:20)
Et puis Money for nothing disparaît de la setlist pendant près de 15 ans ! La chanson n’est pas jouée sur les tournées de 2008, 2010, 2011, 2013 et 2015. Seuls les riches invités de quelques concerts très privés auront droit à entendre le morceau, comme par exemple lors d’une soirée de gala pour une banque en 2008, ou le “Range Rover Global Reveal Event” en 2012 (à 1:55)
On peut également aussi citer l’exception du concert du 9 septembre 2009, où Mark a joué quelques extraits de plusieurs de ses chansons, en expliquant comment elles étaient nées :
Tournée Down the road wherever 2019
Et alors que les fans ne l’espéraient plus, Money for nothing a fait son grand retour cette année pour ce qui s’annonce être la dernière tournée de Mark Knopfler. Et même l’intro d’origine est revenue ! Le concert kickoff du 25 avril à Barcelone a eu son lot de surprises, et le tube de 1985 en faisait partie ! Encore une fois le “mother fucker” est de mise, pas mal pour un papy de 70 ans !
Question matos, les aficionados de vintage risquent d’être déçus : c’est le modèle Les Paul signature qui a remplacé l’originale, mais surtout il semblerait que Mark Knopfler ait abandonné les amplis, pour l’émulateur Kemper !
Quoi qu’il en soit, c’est un morceau incontournable de sa carrière, qui se devait de figurer dans cette dernière tournée. Certains argueront : oui, au même titre que Sultans of swing…mais c’est un autre débat…et qui en même temps résume bien la palette musicale de Mark Knopfler : deux morceaux aux sonorités diamétralement opposées, mais au toucher immédiatement reconnaissable. La “marque” des plus grands.
© Jean-François Convert – Mai 2019
Great job mate! 🙂
Thanks 😊
On dit que MK avait composé le titre sur sa guitare National, dont il ne pouvait, par la suite, pas se rappeler l’echainement. L’Erlewine Custom était destinée à ce morceau, avant que MK ne choisit la Les Paul Sunburst, dont certains estiment qu’elle avait un circuit out-of-phase dans la position « middle », utilisée lors de la tournée « Brothers in arms ». Lors des discussions avec Rudy Pensa, MK avait concu sa « Pensa » d’une facon à ce que le micro « bridge » reproduit le même son que la Les Paul sur Money for Nothing (là, on ne sait pas vraiment les détails de l’amplification utilisée …), et que les autres micros soit un peu plus P90 …
Travail prodigieux. Du vrai journalisme allant jusqu’au coté technique. Un grand bravo et merci.
J’ai découvert Dire Straits en 1986 avec Money for Nothing. Et c’est ça qui m’a motivé à jouer de la guitare. Mon jeu est intégralement basé sur de celui de Mark Knopfler. J’ai adopté le fingerpicking avec la même position de la main droite, bien qu’étant gaucher (comme Mark je crois, on le voit dans le clip Private Investigations). Impossible pour moi de changer de jeu désormais !
Je vous partage ma prise réalisée en 2020 avec une Stratocaster car je n’ai que ça. Le tout est branché sur un Fender Hot Rod. La prise a été réalisée avec un micro de chant Rode NT1A.
https://youtu.be/BtclYyu-qzI
J’ai joué la version sans intro batterie n’ayant jamais trouvé un batteur pour me faire ça !
A noter que sur la version studio on entend deux « hic » réalisés avec les harmoniques. Je peux vous dire que c’est super dur à réaliser car il faut être pile poil à une bonne force quand on bloque les cordes. C’est ce qui explique probablement qu’on n’entend jamais Mark les faire en concert aussi bien que sur le disque car il faut être tranquillement assis. Pour ma part j’ai dû m’enregistrer plusieurs fois avant d’avoir la bonne dynamique de ces harmoniques. Je n’en ai d’ailleurs fait qu’une seule (à 0:15) : deux réussies à la fois c’était trop dur pour moi. Je soupçonne la version studio d’être un montage réunissant les meilleurs prises de ces harmoniques.
A noter que « Money for Nothing » ne veut pas dire ici « l’argent pour rien » mais l’argent à partir de rien. En bon français, ça doit être : « Le fric à rien foutre ».
Excellent travail de qualité ! Une foule d’informations.
merci 🙂
Passionnant
Merci !
Un autre détail intéressant (je suis bavard ce soir !) : beaucoup pensent que, eu égard au son assez « atmosphérique » de l’album, on imagine que le groupe enregistrait dans un studio immense. Hé bien pas du tout ! Les studios Air de Montserrat étaient minuscules, moins grands qu’une salle à manger ! Les musiciens se marchaient presque dessus selon différents témoignages… Il y a donc dû avoir pas mal d’effets « reverb » additionnés… Je pense à l’intro de Money For Nothing… difficile de penser que ce fut créé dans une pièce de 15 m² !
oui effectivement. un des liens que j’ai mis dans l’article renvoie vers ce site où un dessin montre la disposition du studio :
https://www.soundonsound.com/people/classic-tracks-dire-straits-money-nothing
« Money For Nothing » est une excellente chanson, qui peut être comprise de plusieurs façons. Au départ, les gens croyaient que les paroles reflétaient ce que le groupe pensait, à savoir: une critique ouverte des groupes de rocks de l’époque en fustigeant la MTV et en traitant les artistes de « faggots ». Il n’en était rien, heureusement.
Selon Mark Knopfler, qui était lui-même dans un magasin de hi-fi à ce moment-là, il s’agit des propos qu’un employé du magasin déblatérait, en critiquant ce qu’il voyait à la TV (branchée sur MTV). Ce sont donc les paroles du type qui ont aidé Knopfler à écrire la chanson.
Au final, la chanson est donc, indirectement, une critique des gens rustres lorsqu’ils donnent leurs opinions sur les artistes en pensant qu’ils « gagnent de l’argent à ne rien faire, à se taper des poulettes gratuites », etc.
Personnellement, je perçois un 3ème sens à ce titre, qui peut être analyse sociologique très fine.
Si on analyse bien les années 80 et l’esprit de cette décennie, on s’aperçoit qu’il y avait énormément de groupes et artistes qui pondaient des tubes « pop » en 30 secondes, en appuyant sur 2 boutons d’un synthé, en chantant en play-back derrière une caméra, maquillés à outrance, pour faire un clip cheap et gagner des millions. Or, Dire Straits était un groupe de vrais musiciens et qui plus est, Knopfler détestait les clips. Ce qui rejoint un peut ce que pense le livreur dans le magasin (protagoniste de la chanson).
Je pense donc que Knopfler a essayé, d’une part, de défendre les groupes de rock en leur disant « Voilà ce que les manutentionnaires imbéciles pensent de la musique », mais il avertit aussi certains artistes de cette époque (du style de ceux décrits dans cette chanson), d’arrêter de faire des tubes vite-faits et des clips navrants car à force de réduire la musique à de la daube commerciale, ça créé des problèmes sociologiques , où les cols bleus peuvent dire « Ben moi, si j’étais musicien, je jouerais mieux que ça ! »
oui tout à fait d’accord. Le texte est à double sens, à la fois contre la critique facile, et à la fois contre la musique facile
Deux titres pour moi résument le mieux les années 80 dans ce que cette décennie avait de mieux : Money for nothing (Dires Straits), et Take on me (A-Ha)… titres d’ailleurs sortis la même année !
Génial cet article, merci !
avec plaisir
Vous pouvez retrouver d’autres chansons décortiquées « à la loupe » dans la liste :
https://textes-blog-rock-n-roll.fr/chansons-par-artiste/
et pour tout ce qui concerne Dire Straits & Mark Knopfler :
https://textes-blog-rock-n-roll.fr/dire-straits-mark-knopfler/
Quel travail précis et de qualité! Un grand plaisir à lire l’article. Merci.