Le 8 décembre 1976 arrivait dans les bacs ce qui reste encore aujourd’hui l’album le plus célèbre des Eagles.
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Un morceau Best seller…
Dites « Eagles » et on vous répondra instantanément « Hotel California ». Leur chanson et leur album les plus connus, sans aucun doute. Le morceau-titre ouvre le disque pour une durée de plus de 6 minutes, ce qui ne l’a pas empêché de sortir en single et de cartonner à la radio. Tout comme Stairway to heaven de Led Zeppelin, Like a rolling stone de Bob Dylan, ou Bohemian Rhapsody de Queen, c’est bien la preuve que la durée d’une chanson n’est pas rédhibitoire à son succès.
Que ce soit à la radio ou en concert, Hotel California a toujours galvanisé les foules et suscité la clameur du public :
… qui a donné cours à de multiples légendes
Et quand une chanson devient autant célèbre, tout le monde cherche à en dévoiler la signification cachée. Il n’existe pas de réel « Hotel California ». Celui photographié au recto et verso de la pochette est le ‘Beverly Hills Hotel’, établissement fréquenté par de nombreuses personnalités du showbizz à l’époque. Un haut-lieu de la vie « sex, drugs and rock’n’roll » pour faire vite. Don Henley et Glenn Frey ont écrit les paroles en pensant à cet endroit, « devenu comme un symbole et le centre de tout ce que Los Angeles représentait pour nous », explique Henley.
« En une phrase, je résumerais cela comme la fin de l’innocence »
Don Henley
Glenn Frey pour sa part a apporté l’aspect cinématographique de la chanson : une personne qui, fatiguée après une longue traversée du désert, recherche un endroit pour se reposer et passer la nuit mais entre dans « un monde étrange peuplé de personnages effrayants », et devient « rapidement terrorisée par le sentiment claustrophobique d’être coincé dans une toile perturbante de laquelle elle pourrait ne jamais s’échapper ».
Mais comme toujours, il a fallu que des esprits torturés cherchent un sens caché, et les théories les plus farfelues ont vu le jour, comme celle d’une chanson satanique ! Beaucoup plus crédible est celle d’une métaphore pour l’industrie musicale de Los Angeles : c’est une prison dorée dans laquelle entre un artiste pour ne plus jamais pouvoir en ressortir. Une autre interprétation propose que l’Hotel California n’est pas un hôtel, mais un établissement spécialisé dans le traitement des dépendances aux drogues, couru par les rock stars de l’époque
Mais surtout un instrumental culte
Pour ma part, en tant que musicien et guitariste, j’en retiens essentiellement une composition jouissive aux arrangements léchés et parfaitement imbriqués. Les arpèges acoustiques, la rythmique chaloupée qui avait donné le titre de travail « reggae mexicain » au morceau, les riffs harmonisés, et bien sûr le duel de guitares final.
Une guitare emblématique
Don Felder a expliqué à plusieurs reprises comment il avait composé et enregistré ces multiples parties de guitares, et comment il ne pouvait les reproduire sur scène qu’à l’aide d’une guitare double manche 12/6 cordes. Une Gibson SG EDS-1275, similaire au modèle utilisé par Jimmy Page pour jouer Stairway to heaven, sauf que celle de Felder est de couleur blanche, alors que celle de Page est en finition « cherry ». Récemment, le bluesman Paul Deslauriers arborait lui aussi une SG double-manche blanche et la jouait même en slide.
De la demo à la version finale
Dans la vidéo ci-dessous, Don Felder raconte le processus créatif de la musique d’Hotel California, ainsi que la façon dont le morceau a été enregistré. Don Henley lui a notamment demandé de rejouer le début du solo comme sur la demo qu’il avait entendue.
NB : les sous-titres automatiques sont parfois traduits de façon un peu trop littérale, mais on comprend globalement le propos de Don Felder
Et la tonalité originale de Mi mineur, passée en Si mineur pour s’adapter à la tessiture vocale de Don Henley, s’est par la suite souvent transformée en La mineur, lors des performances solo de Don Felder. On s’aperçoit notamment que le capo sur le manche 12 cordes est passé de la 7ème à la 5ème case :
La performance acoustique
Parmi les nombreuses versions, l’une d’entre elles a particulièrement marqué les esprits : celle en acoustique sur MTV en 1994. Les cinq membres des Eagles (Henley-Frey-Walsh-Felder-Schmit) jouent et chantent assis. Henley est uniquement au chant, tandis que deux percussionnistes sont venus en renfort. Glenn Frey joue sur une guitare folk (cordes acier), Joe Walsh et Don Felder sur guitares classiques (cordes nylon) :
Mes reprises du morceau
Hotel California est sans doute l’un des morceaux que j’ai le plus joué en jam, en particulier au King Arthur :
Et aussi une fois au Bryan’s Café le 25/02/2023, une autre fois à l’Elephant & Castle le 21/03/2023, une autre fois au G-Restaurant le 04/02/2023, une autre fois à l’Âne sans Queue le 01/02/2024, et surtout à La Vache Rouge en configuration à deux guitares électriques, le 22/02/2023.
Le reste de l’album au même niveau
Mais on ne saurait réduire l’album Hotel California à son morceau-titre. Tout le reste du disque tient parfaitement la distance. Les harmonies vocales sont sublimes (parmi les plus belles de l’histoire du rock, à l’instar de Crosby, Stills & Nash, Simon & Garfunkel, les Beach boys, les Beatles, ou Queen), les guitares à la fois hargneuses et mélodiques, les arrangements peaufinés au cordeau, le tout baignant dans un country-rock qu’on a envie d’écouter au volant d’un pickup en traversant la Californie. Et chaque membre du groupe apporte sa pierre à l’édifice :
Glenn Frey prend le chant lead sur New kid in town, l’autre tube de l’album, où Joe Walsh joue le piano électrique.
Les musiques de Life in the fast lane et Pretty Maids All in a Row sont signées Joe Walsh. Sur le deuxième titre il assure même le chant principal.
Don Felder signe les parties musicales de Hotel California et Victim of love. Sur ce morceau, il joue en slide, après avoir été initié à cette façon de jouer par Duane Allman, comme il l’explique dans cette vidéo. Il joue également de la Pedal Steel Guitar sur le dernier titre The Last Resort, morceau écrit et composé par le duo Henley-Frey.
Et le bassiste Randy Meisner compose et chante la très belle ballade Try and Love Again. Un titre sur lequel Glenn Frey assure le solo de guitare, tandis que Walsh joue le riff sur une Gretsch. Une chanson que Meisner reprendra en solo après avoir quitté le groupe :
On a souvent tendance à penser que les disques à succès sont « commerciaux » ou de « variété ». Vendu à 32 millions d’exemplaires dans le monde entre 1976 et 2011, Hotel California est à la fois un album best-seller et une référence musicale pour tout apprenti guitariste mais pas uniquement. Ses mélodies imparables en font une œuvre à destination de tous publics, même non-musiciens. Et il mérite amplement d’être réécouté en oubliant son étiquette « méga-connu ». On y décèle de véritables petites merveilles musicales. Un disque sorti il y a tout juste 45 ans aujourd’hui.
© Jean-François Convert – Décembre 2021
« la durée d’une chanson n’est pas rédhibitoire à son succès. » c’est bien vrai ! Pour « Hôtel California » tout comme « Morgane de toi » de Renaud et tant d’autres que vous avez cité au début de ce billet . Un album et une chanson mythique qui témoigne aussi d’un époque plus décontractée qu’aujourd’hui . Vanter les mérites d’un lupanar de façon aussi poétique et planante: Du grand art !