Le 13 janvier 1998 arrivait dans les bacs cette sixième bande originale de Mark Knopfler, composée pour le film ‘Wag the Dog’ dont le titre français est ‘Des hommes d’influence’.
Sommaire
Une sortie inaperçue (en tout cas pour moi)
En cette deuxième moitié des années 90, les fans de Mark Knopfler ne savent pas trop à quoi s’attendre. Le guitar-hero a (enfin) débuté officiellement une carrière solo en 1996 avec un premier album sous son nom seul, Golden Heart, suivi d’une tournée. Mais le deuxième opus tarde à venir (il faudra attendre encore pas loin de deux ans), et le chanteur-guitariste semble prendre son temps entre concerts intimistes dans des clubs avec les Notting Hillbillies ou apparition à des galas de charité… Je me souviens à l’époque m’être dit « est-ce qu’il n’est pas en train de nous refaire le coup de la pause, comme entre 86 et 91 ? »
Aussi, j’avoue avoir prêté peu d’attention quand j’ai vaguement entendu qu’il sortait une nouvelle B.O. D’ailleurs je ne me souviens plus si je l’ai su ou non. On était aux balbutiements d’Internet, et ce n’est pas le genre d’info qui risquait de faire la Une des magazines. Et en 1998 je ne connaissais que Local hero parmi ses musiques de films, je n’avais pas encore écouté Cal, ni Comfort & Joy, Princess Bride ou Last Exit to Brooklyn que je ne découvrirai qu’au début des années 2000. C’est en 2003 que je trouve cette B.O. en occasion chez le disquaire Gibert Joseph. Je tombe alors sur une pépite qui reste encore aujourd’hui ma préférée de toutes les musiques de films composées par Mark Knopfler.
Un mini-album de country-blues-rock
Seulement 24 minutes et 8 morceaux, mais une ambiance radicalement différente de ce que j’ai pu entendre précédemment sur Local Hero, Princess Bride ou Last Exit to Brooklyn. Ici pas de « musique pour escaliers » comme appelle Mark les passages musicaux des bandes originales qui n’ont d’intérêt que lorsqu’ils sont associés aux images. Pas de thèmes redondants, à part le final et la chanson-titre. Et c’est d’ailleurs l’autre nouveauté : pour la première fois, Mark chante sur une musique de film, il y reviendra sur A shot at Glory avec cette fois 3 morceaux. Et Wag the Dog a même eu droit à son clip vidéo :
Démarrer sur un tel morceau donne vraiment l’impression d’écouter un album plus qu’une musique de film. Ambiance bluesy laid-back, trois guitares, voix laconique… pas de doute on est en train d’écouter du Mark Knopfler ! Et de la guitare, on va en avoir sur tous les autres titres, sans exception. De quoi se régaler pendant ces certes coutes 24 minutes, mais tellement denses et intenses qu’on y entend bien plus du style qui a forgé la légende du guitariste que dans n’importe quelle autre de ses musiques de films.
La B.O. morceau par morceau
Wag The Dog
La première fois que j’ai entendu ce morceau c’est en concert en juin 2001. Mark jouait sur la Gibson ES-335, comme dans le clip, et Mike Henderson assurait la partie à la Wah-Wah. Je pense que sur la version studio, c’est Mark qui joue la wah. L’expression « Wag the dog » est utilisée pour désigner une diversion politique à l’encontre de l’opinion commune, ce qui est le sujet du film (voir plus bas).
Working On It
Un son de Stratocaster comme on les aime dans le plus pur style Knopfler : fingerpicking et effet violon sur une progression harmonique pas si commune. Des sonorités qui annoncent l’album Sailing to Philadelphia et le retour de la Strat 1961. Un des premiers sites web français consacrés à Mark Knopfler s’appelait Working On It, il était géré par Samuel Lebon.
In The Heartland
Superbe ballade jouée à la guitare National pour les arpèges par Mark, et sans doute Richard en lapsteel. La couleur country-folk colle parfaitement à la séquence du film où les personnages de De Niro et Hoffman sont contraints de voyager en pickup dans un coin paumé des Etats-Unis.
An American Hero
‘Jurassic’ Strat, mediator et barre de vibrato pour reproduire le jeu à la Hank Marvin. C’est à ma connaissance le premier morceau dans la discographie de Mark Knopfler où il joue dans ce style. Il va y prendre goût et y revenir de plus en plus souvent dans ses futurs albums.
Just Instinct
Ritournelle à mi-chemin entre jazz manouche et musique de l’Europe de l’Est. L’accélération du tempo lui donne un côté « Derviche Tourneur ». Vu le titre du morceau, on pourrait penser qu’il était au départ destiné à la séquence où un redneck en chaleur cherche à violer une collaboratrice de l’équipe présidentielle… mais c’est Drooling National qui illustre cette scène.
Stretching Out
L’ambiance laidback du morceau-titre revient mais en mode encore plus feutré. L’atmosphère, la guitare et la rythmique rappellent le morceau Two brothers and a stranger que Mark Knopfler avait composé pour la B.O de La couleur de l’argent en 1986.
Drooling National
La guitare National à nouveau pour un picking bluegrass endiablé. Un morceau qui aurait pu figurer lors des concerts des Notting Hillbillies et qui a également des airs du classique Dallas Rag que Mark a joué à plusieurs moments de sa carrière. Dans le film, il illustre la séquence cocasse qui aurait pu aussi s’appeler « Just Instinct ».
We’re Going To War
Le dernier titre du disque boucle la boucle en reprenant le riff du morceau d’ouverture. On reste en instrumental et la guitare se fait rugueuse à souhait. Difficile de le dire avec certitude, mais la très probable présence d’une barre de vibrato qu’on entend sur plusieurs phrases pourrait laisser penser qu’il s’agit de la Black Pensa-Suhr comme sur Vic and Ray… J’ai longtemps cru que c’était la Les Paul, mais plus je l’écoute et plus j’entends des effets de vibrato…
Le film
Je n’ai vu Des hommes d’influence que plusieurs années après avoir écouté la B.O en boucle. C’est toujours un peu frustrant de n’entendre que des très courts passages des morceaux dans le film. Et on découvre d’autres morceaux qui ne sont pas de Mark Knopfler et jouent un rôle important dans l’histoire : An American Dream et Good Ol’ Shoe, avec l’intervention de Willie Nelson.
Mais le principal est que le long-métrage est de qualité tant au niveau de la mise en scène que de l’écriture. L’interprétation est savoureuse et le scénario à peine exagéré dans cette critique sarcastique de la politique-spectacle et des manœuvres médiatiques en tous genres. En cette fin des nineties, la référence à l’affaire Lewinsky est plus qu’évidente, et le film se regarde avec jubilation. Un des meilleurs pour lesquels Mark Knopfler a composé la musique, à mon goût.
Un très bon film et une superbe Bande Originale qui peut s’écouter indépendamment, presque comme un album de Mark Knopfler, voire de Dire Straits. De la guitare knopflerienne à profusion, sur tous les morceaux, c’est suffisamment rare pour le souligner. Un disque qui sortait il y a tout juste un quart de siècle aujourd’hui.
© Jean-François Convert – Janvier 2023
C’est drôle de vous lire et voir comment nous, fans de l’ère pré-internet, attendions/découvrions les sorties de nos héros. Pour ma part je passais de temps à autre à la Fnac et cherchais si au rayon DS ou MK il y avait une surprise avant de prendre mon train à la part-dieu. Je vous explique pas le plaisir (mais vous devinez mon visage à ce moment là) de trouver ce disque que je sais pas qui avait mis dans la rubrique DS… !
Mais oui, c’est bien un mini-album. Je l’ai découvert grâce à un ami qui m’avait prévenu de sa sortie. Du coup, j’ai pu le choper à sa sortie et depuis, je l’écoute régulièrement. J’aime beaucoup les compositions et le son, bien lêché. Et je me souviens de l’avoir entendu au Zénith, en juin 2001, alors que j’étais au 1er rangé.
Une belle pépite, vivant, varié et qui fait la part belle aux guitares de notre cher Mark.
Petit mais pas mineur.