Mark Knopfler et le Rock’n’Roll

Après le jazz, deuxième chronique sur les styles explorés par Mark Knopfler. Le Rock’N’Roll n’est pas le premier qui vient en tête pour le guitariste laid-back, mais plusieurs de ses morceaux en portent des traces évidentes.

Scotty Moore et Mark Knopfler en décembre 2004 pour le concert hommage à Elvis Presley © DVD TF1 Productions

LES ANNÉES 70

1976 Avant Dire Straits

Né en 1949, Mark Knopfler grandit durant les fifties et les sixties, tout naturellement au son du rock’n’roll naissant. Il est fan d’Elvis et de ses guitaristes James Burton et Scotty Moore, avec qui il aura l’occasion de jouer plus tard (voir plus bas). Et le King sera d’ailleurs le sujet de deux de ses chansons : Back to Tupelo sur Shangri-La en 2004 (► chronique de l’album) et Gator blood sur Privateering en 2012.

Après s’être initié au blues, à la country et au western-swing, notamment à travers le picking avec un certain Steve Phillips, il joue au milieu des années 70 au sein des Café Racers, un combo pur rockabilly. Ils reprennent plusieurs tubes des fifties : Good morning little schoolgirl, Move it, des classiques de Jerry Lee Lewis. Mark Joue au médiator, sur sa Gibson Les Paul Special, avec un ampli Selmer posé sur une chaise.

Nous faisions une version de « Not fade away ». Je me servais d’une pédale wah-wah, exactement comme James Burton à l’époque où il jouait avec les Everly Brothers. C’était une très bonne version. Nous faisions des trucs des Everly comme ça, je crois que nous faisions même « Bird dog »

MARK KNOPFLER – Source : « Dire Straits » par Michael Oldfield ( Ed. Albin Michel – 1984)
Mark Knopfler en 1976 avec les Café Racers

1977-1979 Avec Dire Straits

Quand il lance Dire Straits avec son frère David, John Illsley et Pick Withers en 1977, il abandonne progressivement le jeu « rock » au profit d’un style plus subtil, clairement inspiré du laid-back à la J.J. Cale et du picking à la Chet Atkins.

Néanmoins, dans le premier album du groupe en 1978, Setting me up a des airs de rockabilly, mélangés à du chicken picking typiquement country :

Et en concert en 1978, Dire Straits reprend Nadine de Chuck Berry, une autre référence incontournable du rock n roll :

Le groupe reprendra ce morceau lors d’un concert de charité à Newcastle en 1989, et les Notting Hillibillies le joueront également sur scène durant les années 90.

Dès la fin de la tournée 1979, Dire Straits ajoute deux nouveaux morceaux à son répertoire, d’inspiration plutôt rock n roll : le très rockabilly Twisting by the pool et le bien nommé Solid rock :

LES ANNÉES 80

1980-1986 Avec Dire Straits

Solid Rock devient un titre de l’album Making movies en 1980 et une valeur sûre des concerts jusqu’à la dernière tournée du groupe en 1991-1992, tandis que Twisting by the pool sort sur un EP, juste après l’album Love over gold aux couleurs rock progressif et atmosphérique.

C’est justement pour contrebalancer le « trop sérieux » Love over Gold que sort cet EP à l’ambiance légère et décontractée. Après coup, Mark juge l’album « un peu trop travaillé » et il se souvient avoir un jour entendu dans un bar Telegraph road suivi de Rave On de Buddy Holly, et d’avoir trouvé son morceau beaucoup trop froid, face à l’énergie revitalisante du chanteur à lunettes.

C’est sans doute un peu pour cette raison qu’il revient à des compositions plus basiques, typiquement rock’n’roll sur cet EP : Twisting by the pool donc, et aussi Two young lovers, chanson dans le plus pur style Chuck Berry :

Ce morceau restera dans la setlist pendant les 3 tournées suivantes (82-83, 85-86 et 91-92).

Bien que bâti sur un riff binaire et entraînant, le morceau Industrial Disease ne sonnait pas au départ particulièrement rock’n’roll, mais lors du dernier concert de la tournée Brothers in arms, à Sydney le 26 avril 1986, Mark insère une citation du riff de Day Tripper des Beatles dans l’intro :

Et lors de ce même concert, le chanteur-guitariste se fend d’une duck-walk à la Chuck Berry en fin de Walk of life, un des nombreux tubes de l’album Brothers in arms, avec cette ritournelle à l’orgue mi tex-mex mi-rock, et des « ouh-ouh » peu communs chez Mark Knopfler :

1986 Concert de charité « Prince Trust »

La même année, Knopfler réitère la duck-walk pendant Long tall sally, interprété lors du concert de gala du prince Charles, avec Paul McCartney, Tina Turner, Eric Clapton, Phil Collins, et tout le gotha du rock de l’époque :

https://youtu.be/2pcdqwCsOHM

Sur les deux autres titres I saw her standing there et Get back, le leader de Dire Straits ne cache pas son enthousiasme à jouer sur des standards du Rock’n’roll :

LES ANNÉES 90

1990 Première tournée des Notting Hillbillies

Setting me up fait son retour après plus de 10 ans d’absence, mais reprend des arrangements beaucoup plus country & western :

En revanche, les Notting Hillibillies insèrent dans leur répertoire nombreuses reprises du rock des pionniers, surtout sous l’impulsion de Steve Phillips :

Run me down sur l’album, et en live : les covers de Down the road apiece, Mystery train, Let’s have some fun tonight, That’s allright mama… ou Steel Rail Blues parfois nommé Roll roll roll:

1991-1992 Avec Dire Straits

Après la reprise de Nadine lors d’un concert de charité à Newcastle en 1989, Setting me up revient dans la setlist du groupe en 91-92, avec un tempo accéléré qui accentue la couleur rockabilly :

On ne peut pas qualifier The bug à proprement parler de morceau rock’n’roll, mais en concert, il prend encore un peu plus d’énergie :

1996 En solo

Et sur la tournée solo de Mark en 1996, il devient carrément plus rock avec la Les Paul 58 :

Sur son premier album solo Golden heart en 1996, pas de titre purement rockabily, hormis peut-être le bonus-track Tall order baby qui ne parait que sur les maxis Cannibals et Rüdiger :

1997-1999 Concerts des Notting Hillbillies

Les Notting Hillbillies reprennent du service à la fin des nineties, et incorporent de nouvelles reprises rock’n’roll à leur setlist : Good rockin tonight,  His latest flame, Nadine, et Setting me up avec le tempo accéléré comme sur la tournée 91-92 de Dire Straits :

LES ANNÉES 2000

2000 En solo

Sur son premier disque de la décennie, Sailing to Philadelphia, Mark raconte la virée d’un jeune candide aux states dans le léger Do America. Ce titre, disponible uniquement sur les versions anglaise et américaine de l’album, surfe sur un refrain endiablé avec un parfum sixties entre surf-music et rockabilly :

2001 Avec Jools Holland

En 2001, Mark est invité par Jools Holland sur son album Small World Big Band où figurent d’autres pointures (George Harrison, Paul Weller, Van Morrison, Eric Clapton, Sting, Steve Winwood, David Gilmour, Dr. John…). Les deux artistes enregistrent le titre Mademoiselle will decide. Piano boogie-woogie et chant à la Elvis :

Mark rejouera à nouveau avec Jools Holland en 2006 sur son album
Moving Out To The Country, pour le titre You win again, aux accents nettement plus country, mais toujours dans un parfum typiquement années 50.

2001 Good Rockin’ Tonight – The Legacy of Sun Records

La même année, Mark retrouve encore Jools Holland sur l’album hommage aux légendaires studios Sun : Good Rockin’ Tonight – The Legacy of Sun Records. Ils jouent ensemble sur le titre Rock’n’roll ruby, avec deux sommités : Scotty Moore à la guitare et DJ Fontana à la batterie, respectivement guitariste et batteur d’Elvis Presley ! A noter également la présence de Chris White au saxophone.

Détail : ce morceau n’apparaît que sur la version japonaise du disque

L’histoire de ce morceau est racontée dans cet article. Et la vidéo ci-dessous montre Mark en studio discutant avec les musiciens légendaires ayant accompagné le King du rock’n’roll :

Sur ce même disque, Mark accompagne Bryan Ferry dans sa reprise de Don’t be cruel. Mais il se fait discret à la guitare rythmique, tandis que Scotty Moore tient le solo :

2002 Avec les Notting Hillbillies

Pour les concerts Mark Knopfler & friends en 2002, les Notting Hillbillies ouvrent le bal, mais leur setlist est beaucoup plus courte que leurs précédents shows des années 90. Reste tout de même Run me down (à 7:46) et Setting me up (à 48:16) :

2004 Avec Scotty Moore

En décembre 2004, Mark participe au concert hommage à Elvis, mené par Scotty Moore. Il interprète deux titres : Blue moon of Kentucky et Baby let’s play house :

Le concert est sorti en DVD, et disponible en partie sur YouTube. Autour de Scotty Moore, on retrouve Eric Clapton, Bill Wyman, Albert Lee, David Gilmour…

Mark Knopfler s’était exprimé sur Scotty Moore lors de cette interview en 1999 :

LES ANNÉES 2010

Ces dernières années, Mark Knopfler a quelque peu délaissé les tempos rapides pour se concentrer plus sur des ballades tranquilles ou des blues laid-back. Néanmoins, un morceau peut revendiquer une influence rockabilly : I used to could sur l’album Privateering, en 2012.

En concert, l’harmonica a parfois été remplacé par le saxo, qui renforce un peu plus l’atmosphère fifties :

Mark Knopfler aime à raconter régulièrement comment il a été initié à la musique par son oncle jouant du boogie-woogie au piano. Et force est de constater qu’il a constamment distillé des ingrédients rockabilly dans sa musique, à plus ou moins haute dose selon les époques. Une de ses multiples influences qu’il a su parfaitement assimiler et incorporer à son propre style. Comme tout grand musicien.

© Jean-François Convert – Août 2020

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