Il y a 45 ans Clapton virait country avec ‘No reason to cry’

Le 27 août 1976 arrivait dans les bacs ce 4ème album studio d’Eric Clapton, enregistré avec Bob Dylan, The Band et Ron Wood.

”Eric Clapton and friends”

Même si No Reason to cry est officiellement un album solo d’Eric Clapton, il aurait très bien pu s’afficher sous l’étiquette ”Eric Clapton and friends”. En effet, il est enregistré aux studios Shangri-La de The Band, et le groupe accompagne tout naturellement le chanteur-guitariste. Viennent se joindre à la fête Bob Dylan, Ron Wood, Chris Jagger (le frère de Mick Jagger) ou encore le guitariste amérindien Jesse Ed Davis.

Un album choral aussi bien au niveau de l’interprétation que de la composition : seulement 3 titres écrits uniquement par Clapton (Carnival, Hello old friend et Black summer rain). Une chanson de Dylan (Sign language), une autre de Richard Manuel et Rick Danko de The Band (Beautiful thing), une de Rick Danko (All our past times), une de Dicks Sims (l’organiste) et Marcy Levy (Hungry), et une co-signée avec Marcy Levy (Innocent times). Les autres morceaux sont des reprises. L’ambiance ”bande de potes” transpire tout au long de l’album.

© Denys Legros

D’ailleurs, à plusieurs reprises, le frontman partage le chant avec d’autres : Dylan sur Sign language, Rick Danko sur All our past times (sur la tournée 1979, c’est Albert Lee qui chantera la partie de Danko), Marcy Levy sur Hungry, et Richard Manuel sur Last night (bonus track ne figurant pas sur l’album original, et rajouté sur la version CD).

Marcy Levy prend la lumière

Et le chanteur-guitariste va encore plus loin en laissant carrément la place de lead-singer à Marcy Levy sur Innocent Times. Cette chanteuse assure les chœurs avec Yvonne Elliman dans le groupe de Clapton depuis There’s one in every crowd. Ayant un rôle au départ assez discret (sur le live E.C. was here, elle n’est créditée qu’au tambourin), elle a pris au fil des albums une certaine assurance, au point d’effacer Yvonne Elliman, qui était la choriste principale, en témoigne le live E.C. was here.

Eric Clapton et Marcy Levy en 1975
Eric Clapton et Marcy Levy en 1975 ► SOURCE

Ici, elle co-signe donc ce titre Innocent Times, et le chante seule. Sur l’album suivant, Slowhand en 1977, elle co-signera deux titres, The core (qu’elle chante en duo avec Clapton) et le tube Lay down sally (composé à trois, avec aussi le guitariste George Terry). Et de même sur Backless en 1978, elle co-signe et chante seule Roll it. Elle connaitra ensuite une carrière solo sous le nom de Marcella Detroit.

Marcy Levy en 1975
Marcy Levy, Tournée There’s one in every crowd, Swing Auditorium, San Bernardino, CA, 15/08/1975 ► SOURCE

Clapton se fait discret

A travers ces différents exemples où Clapton se met en retrait, on ressent un peu la même démarche qu’il avait eue en 1969 en se fondant dans le collectif Delaney & Bonnie & Friends et sur son premier album ”solo” en 1970 (ressorti en version deluxe la semaine dernière). Et cette attitude ”profil bas” ne se traduit pas qu’au chant, mais aussi à la guitare. Mis à part quelques interventions sur All Our Past Times, Double Trouble, Hungry (en slide) et Black summer rain, pas vraiment de solo marquant de la part de ”God” sur cet album. En revanche on y entend au premier plan d’autres techniciens de la six-cordes : Robbie Robertson apporte son style caractéristique ”bégayant” sur le solo de Sign language. Ron Wood joue de la slide sur Beautiful thing (Clapton en jeu classique), Sign Language (en contrepoint du solo de Robertson), County Jail Blues (rejoint par Clapton au Dobro) et All Our Past Times (avec Clapton). Et Jesse Ed Davis (aperçu notamment au concert pour le Bangladesh en 1971) illumine Hello old friend de sa lapsteel.

Une lapsteel qui donne une couleur country à cette chanson. Mais ce n’est pas le seul élément à faire pencher l’album dans ce style musical.

Un virage country

Si 461, Ocean Boulevard baignait dans son ambiance de Floride, à l’image de sa couverture, No reason to cry est son pendant côte ouest. Là aussi une atmosphère chaude, faite de plage et de palmiers, sauf qu’il s’agit ici de Malibu au lieu de Mainline Florida. La plage californienne est le décor paradisiaque des studios mythiques Shangri-La, conçus par le groupe The Band en 1975, donc tous neufs à l’époque de l’enregistrement de l’album (Décembre 1975 – Mai 1976). Des studios qui ont ensuite accueilli d’autres pointures jusqu’en 1985, date où ils ont commencé à perdre de l’activité. En 2004 ils seront ravivés par un certain Mark Knopfler, pour son album portant le nom du studio.

En 1975-76, les différents facteurs de la notoriété toute fraiche du studio portée par un groupe typique ”Americana” (on considère même que ce sont eux qui ont inventé le style), le climat océanique avec soleil couchant, et l’esprit ”troupe musicale”, ont sans doute contribué à colorer l’album dans un style country.

La présence de Bob Dylan accentue également la chose, et la voix de Marcy Levy donne une couleur qui rappelle les grandes chanteuses du genre, de Linda Ronstadt à Dolly Parton, en passant par Emmylou Harris. Quant à Clapton, il n’hésite pas à chanter sur une tonalité plus grave qu’à son habitude sur County Jail blues. Une tendance limite crooner ?

Après être passé du british blues boom des Yardbirds et Bluesbreakers au hard-rock psychédélique de Cream et Blind Faith, puis au southern-rock des Dominos, et enfin au laid-back en solo, Clapton amorce en ce milieu des seventies un léger tournant vers le country-rock qui se confirmera sur des titres ultérieurs tels Lay down sally, Next time you see her, Walk out in the rain, Promises, Tulsa time, Black rose, Hold me Lord etc….

La typographie utilisée pour les titres des chansons sur la pochette est dans un style très country-western. On note que n’apparait pas Last night, car le morceau n’a été rajouté en bonus qu’en 1990, sur la première édition CD de l’album.

Mais aujourd’hui c’est bien la sortie du vinyle original que l’on fête. Un disque sorti il y a tout juste 45 ans.

© Jean-François Convert – Août 2021

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