Avec son dernier album ‘57.75’ sorti en avril, Stan Mathis exprime à la fois « la colère des vies bloquées » et « l’espoir de lendemains meilleurs ».
Sommaire
Du rock en français
« Le rock français, c’est comme le vin anglais ! » Lennon avait indubitablement le sens de la formule, mais je ne suis pas d’accord avec celle-ci. Même si Guy Béart expliquait que « la langue française n’est pas adaptée au rock car elle met plus en exergue les voyelles à l’inverse de l’anglais qui s’appuie sur les consonnes, convenant mieux au rythme » je pense au contraire que le rock peut très bien sonner dans la langue de Molière. Plusieurs exemples en attestent (liste non exhaustive) :
Noir Désir, Hubert-Félix Thiéfaine, Trust, Ange, Paul Personne, Téléphone, Bijou, Starshooter ou même Lavilliers et Renaud sur certains titres… et plus récemment, je pense à The Hyènes, Les Wampas, -M-, Arman Méliès, Stéphane Portelli, P.J Le Moal, ZoéBacTaBass, Hurdy-Gurdy, Bazar Bellamy, Oldan, Marc Loy, Rod Barthet… là aussi ce ne sont que quelques exemples parmi d’autres.
Retour au rock pour Stan Mathis
Stan Mathis est dans cette mouvance. Et son dernier album 57.75 sorti en avril est entièrement écrit en français. 11 compositions originales auxquelles s’ajoute une reprise de Will Oldham : Tonight’s Decision (and Hereafter) en guise de titre de fin. Preuve que le rock français n’oublie jamais de faire référence à ses influences que constitue le rock anglo-saxon.
C’est le cas de Stan Mathis qui de son propre aveu a toujours baigné dans une culture « blues-rock au sens large« . Après plusieurs groupes dans la région lyonnaise, il a poursuit une carrière solo, souvent en mode acoustique, parfois teinté de sonorités electro. Ce nouvel album est l’occasion pour lui de renouer avec les racines rock de sa culture d’origine.
Des textes à la fois désenchantés et porteurs d’espoir
Le rock a souvent exprimé les frustrations, les déceptions, les attentes, les colères… les textes de Stan Mathis s’inscrivent dans cette lignée. Et référence oblige, Kurt #67 & 94 évoque l’icône Cobain, le leader de Nirvana né en 1967 et décédé en 1994, avec cette phrase à la fois sombre et d’une beauté incandescente « its better to burn ou than to fade away » (« plutôt brûler franchement que s’éteindre à petit feu »), vers tiré bien évidemment de la chanson Hey Hey My My de Neil Young, sur son album Rust never sleeps.
Tu devrais avoir honte dresse un portrait sans concessions de ce qu’est devenu aujourd’hui l’Homo Sapiens, tandis que La beauté des timides met en lumière les gens d’ordinaire effacés dans l’ombre. Cette chanson constitue avec Le plus célèbre des anonymes et Revoir la mer un triptyque plus intimiste au sein d’un album globalement rageur qui privilégie les guitares rugueuses. Ici, un violoncelle délicat ou une voix subtilement doublée donnent une maturité qui vient contrebalancer la hargne presque adolescente des autres titres.
Un artiste bien entouré
L’atmosphère musicale se veut dans un esprit live, pris sur le vif, comme pour coller à l’urgence viscérale des textes. Pour mettre en musique ces paroles qui viennent indéniablement des tripes, Stan Mathis s’est adjoint les services d’invités de renom dont entre autres le guitariste Yarol Poupaud ou le vétéran ingénieur du son Dominique Blanc-Francard, que certains se souviennent comme Coprésentateur avec Antoine de Caunes de l’émission Chorus, et notamment pour y avoir interviewé Dire Straits en octobre 1978.
Et pour rester dans le cercle des figures françaises qui ont marqué l’histoire du rock, c’est le photographe Claude Gassian qui signe les clichés du chanteur.
Un album qui s’écoute aussi bien à 100 à l’heure qu’à tête reposée. Un parfait équilibre entre morceaux rock et chansons guitare-voix, qui reflète toutes les influences de Stan Mathis, de l’intensité électrique à la mélancolie acoustique. Non monsieur Lennon, le rock français ce n’est pas comme le vin anglais, et ce disque en est la preuve.
© Jean-François Convert – Juillet 2022