Le 23 avril 1976, les Rolling Stones sortaient leur premier album sans Mick Taylor : ‘Black and Blue’.
Sommaire
Le début de la troisième ère des Stones
Cela peut paraitre trivial, mais personnellement je sépare la discographie des Stones en trois grandes périodes qui correspondent au trois différents guitaristes qui ont accompagné Keith Richards. Après les sixties avec Brian Jones, la première moitié des seventies avec Mick Taylor, place donc à Ron Wood qui arrive sur cet album Black and blue en 1976. Enfin il n’arrive pas vraiment. Il gravitait autour du groupe depuis un moment : son home studio sert en 1973 pour la jam avec Jimmy Page durant les sessions de Goats head soup, c’est lui qui insuffle l’idée du titre It’s only rock’n’roll en 1974, et il est pote avec Keith, au même titre que le saxophoniste Bobby Keys. Bref, il baigne déjà dans le cercle d’amis, et il est déjà « humainement » intégré quand il participe officiellement aux premières sessions d’enregistrement (même s’il ne joue pas sur tous les morceaux, certains ayant été enregistrés avant son arrivée, avec les guitaristes Harvey Mandel et Wayne Perkins).
Un nouveau guitariste… surtout un nouveau Stone
Et c’est d’ailleurs ce qui fait sa force à Ron Wood : il s’est instantanément fondu dans l’esprit du groupe, comme s’il en avait toujours fait partie. Des grands noms ont circulé lorsqu’il a fallu trouver un remplaçant à Mick Taylor : on a entendu les noms de Jeff Beck, Rory Gallagher, même Eric Clapton… Mais Ron Wood a très vite compris que la principale qualité recherchée pur le poste n’était pas forcément la virtuosité à la six-cordes.
Et il va ainsi exceller là où Mick Taylor a échoué : faire partie du « clan », être considéré comme l’égal des quatre autres, et s’afficher au même niveau, sur le devant de la scène. Son côté joyeux drille et showman fantasque lui attire la sympathie du public. Là où son prédécesseur était un immense musicien, mais trop réservé, trop en retrait, lui va au contraire jouer de son capital sympathie et devenir rapidement un membre tout aussi apprécié et connu que Mick Jagger ou Keith Richards. Aujourd’hui, le public lambda connait bien plus Ron Wood que Mick Taylor, et ce n’est pas seulement dû à la longévité du guitariste aux cheveux en pétards. C’est aussi tout simplement parce tout le monde l’imagine « sympa », ce qu’il est sans doute. Comme le résumait Louis Bertignac lorsqu’on lui demandait de qualifier les Rolling Stones :
« Mick Jagger, c’est LE performer champion toutes catégories, Keith Richards le nombre de riffs hyper connus qu’il a composé c’est impressionnant, Charlie Watts est un batteur tout en finesse avec des influences jazz, Bill Wyman a sorti des lignes de basse géniales, Brian Jones avait un talent fou sur de multiples instruments, quant à Mick Taylor la plupart de ses solos sont tous d’anthologie…. »
et Ron Wood ? demande le journaliste
« Ron Wood, il est sympa ! »
Louis Bertignac
Un album en demi-teinte
La remarque de Bertignac résume tout : le gars est cool, dans le mouv, en adéquation avec le groupe, mais il ne faut pas s’attendre à de la guitare pyrotechnique. On a eu droit à des arrangements peaufinés avec Brian Jones, et des parties de guitare (et même basse) de génie avec Mick Taylor, on aura quelque chose de plus basique avec Ron Wood. Et d’ailleurs il ne joue que sur 3 morceaux du disque. Black and blue ne révolutionne pas le genre : 8 titres sans réellement un qui sort du lot. Et pas vraiment de morceau qui restera à la postérité stonienne.
Mais malgré tout, les pierres qui roulent parviennent à garder le lien avec le public en usant de leur recette plusieurs fois éprouvée : adapter leur musique aux modes du moment. Si Aftermath et Between the buttons avaient embrassé le virage pop, si Their satanic majesties request avait saisi au bond la déferlante psychédélique, si Sticky fingers ou Exile on main street incorporaient des influences country-rock, si Goats head soup affichait une parure glam, alors Black and blue s’expose clairement avec des couleurs jamaïcaines.
La musique des îles…
En 1976, le reggae commence sérieusement à gagner du terrain. Il n’y a pas encore eu l’explosion de l’album Exodus de Bob Marley, mais Eric Clapton a déjà fait un tube avec I shot the sherif en 1974 sur 461 Ocean Boulevard et les Stones eux-mêmes ont déjà flirté avec une musique teinté de créole sur Luxury, et un goove funky sur Fingerprint file, deux morceaux dans leur précédent disque It’s only rock’n’roll, sans parler de leur jam jazz-rock-latino sur Can’t you hear me knocking dans Sticky fingers.
Avec Black and blue, ils passent carrément au stade exotique avec des ambiances qui naviguent entre reggae (Cherry Oh Baby), soul-disco-funk (Hot stuff) ou blues créole (Hey Negrita). Le texte de cette chanson qui parle d’un homme pauvre demandant à une prostituée sud-africaine de baisser son tarif n’a pas aidé à redorer le blason des Stones déjà jugés sexistes auparavant. A cause de cette polémique, le morceau sera abandonné des concerts après la tournée de 1976.
…Mais quand même la musique des Stones
Un album des Rolling Stones n’en serait pas vraiment un sans au moins une référence à la musique qui les a fait débuter. Aussi, même au milieu d’un disque à dominance musicale exotique, fidèles à leurs premières influences, ils n’oublient pas pour autant le rock binaire avec Hand Of Fate et Crazy Mama, le blues avec Melody, et deux très belles ballades que sont Memory hotel et le slow à succès Fool to cry. Ron Wood ne jouant de la guitare que sur Cherry Oh Baby, Hey Negrita et Crazy Mama, le tube de l’album est assuré par Keith Richards et Wayne Perkins, même si bien évidemment Ron Wood est présent pour les promos télé en playback :
Sur Memory hotel, c’est même encore plus singulier : ni Ron Wood, ni Keith Richards à la guitare. Ce dernier en revanche chante en duo avec Mick Jagger, comme il l’avait déjà fait sur : Something Happened To Me Yesterday, Salt of the earth, ou Coming down again. La six-cordes électrique est assurée par Harvey Mandel, tandis que Wayne Perkins joue l’acoustique. Dans cette chanson de plus 7 minutes, l’une des plus longues de toute la discographie stonienne, Jagger s’inspire d’un hôtel situé à Montauk sur Long Island. Les paroles parlent d’un amour qui s’estompe, suite à une aventure d’un soir dans ledit motel. Plusieurs spéculations ont circulé sur qui pourrait bien être le personnage « Hannah baby ». il semblerait que la chanteuse de country Carly Simon soit la plus probable.
Un album qui apparait un peu comme anecdotique dans la carrière du plus grand groupe de rock’n’roll du monde, surtout quand sa date de sortie le juxtapose au monument Sticky fingers. Mais on pardonne tout aux Rolling Stones, même leurs disques un peu plus moyens. Au sein d’une discographie pléthorique, pour des musiciens toujours en activité après bientôt 60 ans de loyaux services, Black and blue reste honorable et s’écoute comme un disque de transition, annonçant les futurs Some girls et Tatoo you. Un disque sorti il y a tout juste 45 ans aujourd’hui.
© Jean-François Convert – Avril 2021
Album des stones de mon adolescence je l ai acheté le premier jour de sa parution déconcerté à la première écoute je l ai finalement adopté et écouté en boucle avec plaisir il était un jalon supplémentaire dans la carrière des stones et trop critique
à mon sens je me souviens encore des articles très dures sur le groupe et sur l album de rock et folk