‘Houses of the Holy’ de Led Zeppelin fête son demi-siècle

Le 28 mars 1973 arrivait dans les bacs ce cinquième album studio de Led Zeppelin. Un disque plus progressif que les quatre précédents.

Une pochette controversée

En 1973, Led Zeppelin n’a plus rien à prouver. Le groupe a sorti 4 albums monuments et tourne dans le monde entier à guichets fermés. Ce disque est le premier de leur discographie doté d’un véritable titre, bien que celui n’apparaisse pas clairement sur la pochette (j’ai d’ailleurs déjà entendu certaines personnes appeler cet album « Led Zeppelin V »). Une pochette qui au départ n’aurait pas dû être celle-ci. Storm Thorgerson propose d’abord une raquette de tennis sur un court vert, mais Jimmy Page la refuse.

La deuxième mouture, signée Aubrey Powell (lui aussi du collectif Hipgnosis comme Thorgerson) sera la bonne et complètement différente. Des enfants nus situés dans un paysage insolite. Il s’agit du site La Chaussée des Géants, situé en Irlande du Nord. C’est une curiosité géologique qui attire de nombreux touristes. Aujourd’hui, cette image d’enfants dénudés traverse difficilement les algorithmes bien pensants des réseaux sociaux, et la pochette peut se retrouvée bannie, supprimée, croyant être en présence d’une image à caractère pédophile.

Or il n’en est rien. L’inspiration de cette illustration est en fait inspirée par Les Enfants d’Icare, un roman d’Arthur C. Clarke, et doit se voir de façon totalement naïve, dans l’esprit hippie de l’époque. Les deux enfants (démultipliés par surimpressions) sont Stefan et Samantha Gates, frère et sœur. Lui est aujourd’hui animateur d’émission culinaire à la télévision.

En février 2010, Stefan Gates a participé à un documentaire de la BBC Radio 4 sur cette pochette. Il a déclaré que l’image avait quelque chose de sinistre, bien que sa sœur ne soit pas d’accord. Il a également admis n’avoir jamais écouté l’album. À la fin de l’émission, Stefan Gates est retourné à la Chaussée des Géants et a écouté l’album sur un lecteur portable, après quoi il a déclaré qu’il s’était senti soulagé d’un grand poids (Wikipedia)

Cette pochette a été nommée aux 16e Grammy Awards en 1974 dans la catégorie « meilleure pochette d’album » (la lauréate étant celle de Tommy des Who). La photo de la pochette intérieure a été prise au Chateau Dunluce, près de La Chaussée des Géants.

Une pochette qui peut choquer de nos jours, alors qu’elle reflète l’atmosphère Flower Power présente dans beaucoup de paroles figurant sur l’album. Robert Plant est encore dans sa période hippie comme sur Going to California et distille des ambiances bucoliques sur des musiques qui peuvent dérouter les fans du Zep de la première heure.

The Song Remains the Same

Le disque s’ouvre sur le morceau sans doute le plus progressif de la discographie du dirigeable. C’était à l’origine pensé comme un instrumental servant d’ouverture et d’ailleurs nommé « The Overture », avant que Plant n’y rajoute des paroles en référence à leur vie en tournées. Page multiplie les changements de rythme, de métrique, de tonalité… pour une « chanson qui reste la même » partout où ils jouent.

The Rain Song

Superbe ballade aux accents là aussi progressifs et où Jones joue du mellotron au son d’orchestre à cordes. Page l’aurait composée en réponse à George Harrison qui aurait dit à Bonham que Led Zeppelin n’avait pas de ballade à son répertoire. Et le guitariste du dirigeable y a même inséré un clin d’œil au Beatle en ouvrant le morceau par les deux mêmes accords que Something. Les arrangements complexes en font une chanson difficile à reproduire sur scène, et les versions live seront toujours à mon goût en deçà de l’original.

Over the Hills and Far Away

Musicalement, je trouve cette chanson construite un peu sur le même modèle que Ramble On : ça démarre calmement en mode acoustique, puis un riff bien tranchant vient rompre la quiétude sur le refrain, et Page agrémente le tout d’un solo à la mélodie singulière dont il a le secret. L’autre analogie avec le morceau du deuxième album se trouve également dans les paroles : à nouveau une référence au Seigneur des Anneaux, livre de chevet de Plant. Toutefois, la page Wikipédia anglophone ne mentionne pas ce lien avec l’œuvre de Tolkien et évoque simplement le mode de vie hippie.

The Crunge

Un morceau en forme de boutade ? Le clin d’œil à James Brown et son Sex Machine est évident, surtout dans l’allusion au fameux « bridge ». Le parrain du funk est à nouveau cité dans le dernier morceau The Ocean où le break de chant emprunte à Talkin’ loud and sayin’ nothing, single de Brown paru en 1972. Le riff syncopé de The Crunge est bien plus difficile à jouer qu’il n’y parait, et sur la version studio, Page utilise une Stratocaster.

Dancing Days

La deuxième face s’ouvre sur un titre dansant. Tellement dansant, que le groupe lui-même n’a pas pu se retenir de se dégourdir les jambes sur la pelouse devant le studio en entendant le premier mix de la chanson. La couleur musicale singulière du riff a été inspirée par un morceau indien que Page et Plant ont entendu à Bombay. C’est le premier titre de l’album a être passé à la radio.

D’yer Mak’er

Un titre en forme de jeu de mots qui fait référence à une vieille blague du music-hall anglais :

  • Ma femme est partie en vacances aux Antilles (« My wife went on vacation to the Caribbean »)
  • En Jamaïque ? / Tu l’as obligée ? (« d’yer mak’er ? »)
  • Non c’était son idée

La confusion et donc le jeu de mots vient de l’analogie phonétique entre « Jamaica » prononcée avec l’accent jamaïcain et la phrase Did you make her? (« Tu l’as obligée ? »). C’est l’un des rares titres à être cosigné par les quatre membres du groupe. Je l’ai joué en accompagnement du chanteur-guitariste népalais Kabir au King Arthur l’été dernier.

No Quarter

Avec The Rain Song, l’autre pièce épique et typique prog-rock de l’album. Un texte qui parle de combats de vikings (« pas de quartier ») et évoque également la mythologie scandinave avec notamment la citation du dieu Thor. La musique est en grande partie signée John Paul Jones, qui joue du piano à queue sur la version studio. No Quarter est devenu un point d’orgue des concerts de Led Zeppelin, où un brouillard artificiel envahit la scène, et John Paul Jones improvise souvent sur ses claviers, jouant diverses pièces classiques, notamment de Rachmaninov. Durant un concert de 1977, l’interprétation du morceau a duré trente-six minutes, cinq fois plus longtemps que la version de l’album !

The Ocean

L’album se clôt sur cette chanson qui rend hommage aux fans du groupe. Durant l’intro, Bohnam déclame « We’ve done four already but now we’re steady and then they went, one, two, three, four, » (« Nous en avons déjà fait quatre, mais maintenant nous sommes stables et ils ont fait un, deux, trois, quatre ») en référence au nombre de prises enregistrées. Dans le dernier couplet, Plant cite « la fille qui a conquis son cœur et qui n’a que 3 ans » et qui n’est autre que sa fille Carmen, âgée de 3 ans au moment de l’enregistrement. Le chanteur veillera à réactualiser l’âge dans les paroles à chacune des performances live ultérieures.

Le morceau se termine en mode rockabilly façon fifties, avec « doo-wops » en forme de pastiche-hommage. Une façon de refermer l’album sur une atmosphère joyeuse et presque insouciante. Une fois de plus, Led Zeppelin sortait un opus là où on ne l’attendait pas. Un album sorti il y a tout juste 50 ans aujourd’hui.

© Jean-François Convert – Mars 2023

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