La B.O. du film ‘Cal’ par Mark Knopfler a 40 ans

Le 24 août 1984, le film ‘Cal’ de Pat O’Connor sortait dans les salles américaines. La bande originale est signée Mark Knopfler, il s’agit de sa deuxième musique de film.

Une deuxième musique de film

En 1984, Mark Knopfler n’est pas encore très expérimenté en matière de bandes originales de films. Il a signé celle de Local Hero l’année précédente, il en composera d’autres régulièrement au cours de sa carrière, la plupart du temps pour des longs-métrages plutôt confidentiels et qui ne laissent pas des souvenirs cinématographiques impérissables. C’est le cas de Cal réalisé par Pat O’Connor, et qui sort donc dans les salles américaines le 24 août 1984.

Après le décor écossais de Local Hero, c’est cette fois en terres irlandaises que se déroule l’action. Mark Knopfler doit illustrer l’histoire de Cal, un jeune catholique de dix-neuf ans qui vit en Irlande du Nord. Il a participé à des actions terroristes de l’IRA, notamment à celle où fut tué Morton, un policier. Il est très attiré par Marcella, la veuve de ce dernier. Très vite l’amitié fait place à l’amour. L’IRA contacte à nouveau Cal mais la police en est bientôt informée…

Helen Mirren reçoit le Prix d’interprétation féminine à Cannes pour son rôle de Marcella. C’est la seule actrice « connue » de la distribution, en tout cas la seule qui poursuivra une carrière internationale renommée. Même le réalisateur Pat O’Connor n’a guère laissé d’empreinte mémorable auprès du grand public.

Pour l’avoir vu, j’avoue ne pas avoir été happé par le film. Mise en scène plate, dialogues peu consistants et fin abrupte à mon goût. En revanche, la musique est de toute beauté. Mark Knopfler réédite son sans faute de Local Hero, avec encore une fois les musiciens de Dire Straits… dont un nouveau venu…

Une rencontre décisive

L’année 1984 scelle le début de la longue collaboration entre Mark et Guy Fletcher. Celui qui au départ est embauché comme simple claviériste va devenir au fil des ans le bras droit incontournable du songwriter-guitariste. Les deux musiciens se rencontrent en 1983 et Mark invite Guy à venir jouer sur la bande Originale de Cal en « remplaçant » d’Alan Clark. Le terme peut sembler exagéré à ce moment-là, mais c’est pourtant bien ce qui va se passer progressivement durant les années suivantes.

L’ex-clavier de Roxy Music intègre officiellement Dire Straits en 1984 et s’envole en fin d’année avec le groupe aux Bahamas pour enregistrer l’album qui deviendra leur plus connu. Il accompagnera Mark Knopfler dans tous ses projets annexes (musiques de films, Notting Hillbillies, Chet Atkins, Randy Newman, Willy Deville…) et le secondera durant toute sa carrière solo, au point de finir comme « directeur musical », poste qui était auparavant attribué à … Alan Clark.

Mais pour l’heure, il se contente de jouer les claviers sur cette bande originale de Cal, aux côtés de Mark à la guitare, John Illsley à la basse, Terry Williams à la batterie, Paul Brady à la flûte (« Tin Whistle ») et à la mandoline, et Liam O’Flynn à la cornemuse irlandaise (« Uilleann pipes »).

Les guitares utilisées

Le peu d’informations dont nous disposons nous dit que Mark fait l’acquisition de sa fameuse Telecaster Schecter rouge à cette époque, et que ce disque est le premier enregistrement où il l’utilise. On reconnait le timbre particulier de la combinaison des deux micros sur notamment les premier et dernier morceau. Cette guitare deviendra plus tard emblématique car réservée à quasiment exclusivement une seule chanson : Walk of life. Elle sera toutefois utilisée également sur Cannibals durant la tournée 2008, et une version de When it comes to you jouée par les Notting Hillbillies. L’instrument a été vendu aux enchères en janvier dernier pour la somme de 415800£.

Pour les autres guitares électriques, étant donné la période (1984) on suppose naturellement que Mark joue sur ses deux strato schecter (la rouge et la sunburst). Côté acoustique, le son folk avec cordes en acier a de fortes chances d’être une des Ovation Adamas. Par ailleurs, on entend sur plusieurs morceaux des cordes nylon qui peuvent être aussi bien la Gibson Chet Atkins que l’Ovation utilisée en studio pour Wild Theme ou Private Investigations.

Ces différents instruments servent à Mark Knopfler pour composer et interpréter une superbe musique dont il a le secret.

Les morceaux à part entière

Irish boy, The road, Irish love, Father and Son, Potato picking et The long road sont pour moi des morceaux qui ont leur entité propre, c’est-à-dire avec une mélodie clairement définie, qu’on peut fredonner, et qui s’écoutent indépendamment des images sans problème. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si deux d’entre eux ont été joués en concert (voir plus bas).

Le morceau d’ouverture installe une ambiance typiquement celtique avant que le thème ne prenne toute sa place. Irish love offre une valse aux accents romantiques avec un soupçon de chorus sur la guitare (dont j’ai encore le doute de s’il s’agit d’une Strato ou de la Tele). Les superbes mélodies de Father And Son et Potato Picking annoncent clairement les futures chansons dans ce style musical que Knopfler disséminera dans nombre de ses albums solo (A night in summer long ago, Done with Bonaparte, Piper to the end, Haul away, Laugh and jokes and drinks and smokes, Sky and water, etc… liste non exhaustive).

Quant au thème principal, on le trouve en version courte (The Road) ou rallongée (The long Road). Cette dernière qui referme l’album mêle influence americana et couleurs celtiques avec la flute jouant sur le mode dorien. Le mélange des sonorités acoustiques et électriques, surtout quand le morceau passe en ternaire, me fait penser à l’ambiance similaire que Mark reproduira sur le thème de A shot at glory. Et pour ceux qui aiment les clins d’œil musicaux, le refrain de la chanson Janine qui figure sur le dernier album One Deep River ressemble note pour note au passage à 2:11 dans The long Road (merci à l’auditeur assidu Sofiane Chek d’avoir noté ceci).

Le morceau a été intégré au Best Of Private Investigations sorti en 2005, preuve qu’il compte dans la discographie de Mark Knopfler.

Les morceaux d’ambiance

Comme dans toute musique de film qui se respecte, il faut aussi des morceaux destinés à appuyer une ambiance, distiller une atmosphère, sans pour autant avoir recours à une mélodie identifiable. C’est ce que Knopfler appelle la « musique pour escaliers ». Dans plusieurs B.O futures il laissera à Guy Fletcher le soin de s’en charger. Mais sur Cal, il s’acquitte de cette tâche avec une grande maestria. Wainting for her, A secret place where you will go, Meeting under the tree, In a secret place, Fear and Hatred et Love and guilt sont des petits bijoux d’arrangements subtils. Même si ces morceaux sont bien évidemment plus adaptés à être écoutés en regardant les images, ils sont bien plus que de simples nappes de claviers. La guitare est y omniprésente, qu’elle soit en cordes nylon ou au contraire électrique et saturée (Fear and Hatred).

Sur Love and guilt, Mark joue avec la gamme diminuée pour instaurer une atmosphère inquiétante et tendue, pendant que la flûte place des notes qui me font penser à des couleurs très morriconnienes, comme on peut entendre par exemple dans Amore sur la B.O de Il était une fois la révolution. Cependant, il faut préciser que les morceaux présents sur le disque ne sont pas toujours exactement les mêmes que ceux dans le film qui, lui, contient plus de passages joués aux synthés.

En tournée

Comme plusieurs de ses musiques de films, Knopfler a interprété certains titres de Cal sur scène. The road a été joué en juillet 1985, durant la tournée Brothers in arms, avec Paul Brady venu reproduire sa partie de flûte (à 59:49) :

En 1996, Father and son a servi d’intro à la chanson Golden Heart. Certains concerts bénéficiaient de musiciens celtiques, sur d’autres c’était Guy Fletcher qui reproduisait les parties au clavier :

En 2013 et 2015, Hill Farmer’s blues était introduit lui aussi par Father and son, Mark ressortant sa Telecatser Custom de 1968 pour l’occasion :

La version par les fans

Enfin, pour célébrer le 40ème anniversaire de cette B.O, plusieurs fans se sont regroupés (à distance) afin d’enregistrer leur propre version de The long road, dans le même esprit que celui du single Going Home où Mark Knofpler avait invité moult guitaristes à le rejoindre.

J’aurais dû y participer, mais le manque de temps et de matériel d’enregistrement adéquat m’en a empêché. Ce sera pour une prochaine fois…

En attendant, je me suis réécouté encore ce matin cette très belle musique de film que j’adore. Un film sorti en salles aux Etats-Unis, il y a tout juste 40 ans aujourd’hui.

© Jean-François Convert – Août 2024

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2 commentaires sur “La B.O. du film ‘Cal’ par Mark Knopfler a 40 ans

  1. Hello,

    J’en profite pour rappeler une anecdote sur laquelle j’avais déjà fait un post LinkedIn:

    https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:7179902921608712192?utm_source=share&utm_medium=member_android

    Pour sa chanson « She loves him still », Stevie Nicks avait repris la mélodie d’Irish Boys à laquelle elle a rajouté un texte.

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  2. Merci Jef pour la chronique.
    Sur « Cal » je vois que MK s’inspirait de ses morceaux non-retenus sur Dire Straits et les collait pour en faire des bandes originales, vu qu’il avait un esprit créatif hors-pair mais sous contraites du management DS.

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