Il y a 40 ans sortait le dernier album de Pink Floyd avec Roger Waters

Le 21 mars 1983 arrivait dans les bacs ‘The Final Cut’, l’ultime album de Pink Floyd dans son ère Waters. Ce qui aurait dû être le chant du cygne du groupe sera finalement suivi de trois autres disques.

Un album « solo » ?

Bien que la pochette du disque indique « Pink Floyd», cet album The Final Cut qui sort en mars 1983 a un statut un peu particulier dans la discographie du groupe. D’une part, le verso précise que c’est un « requiem par Roger Waters, interprété par Pink Floyd » présentant ainsi les musiciens comme simples accompagnateurs de l’auteur-compositeur Waters, et d’autre part le quatuor n’est plus puisque Richard Wright s’est fait virer par Waters durant les sessions de The Wall. Il a tout de même été enrôlé (en tant qu’employé !) sur la tournée de 1980-81, mais il ne participe pas à l’enregistrement de The Final Cut, où les claviers sont assurés par Michael Kamen et Andy Bown. Quant à Nick Mason, il laisse même les baguettes à Andy Newmark sur le dernier titre Two suns in the sunset.

Par conséquent la notion de « Pink Floyd » figurant sur la pochette ne signifie plus exactement ce que représentait le groupe jusqu’alors. L’édition 4CD High Resolution remasters affiche même la mention « a requiem by Roger Waters performed by Pink Floyd » directement sur le recto.

La « suite » de The Wall

The Final Cut apparait ainsi plus comme un projet solo de Waters, et il s’inscrit d’ailleurs dans le prolongement de The Wall, en développant encore plus le thème de la guerre et de la perte du père. Waters a en effet perdu son père en 1944 et ne l’a jamais connu (le bassiste de Pink Floyd est né en 1943). Ce trauma apparait très visiblement dans The Wall, mais The Final Cut lui est carrément dédié.

Au départ, Waters voulait simplement compléter la bande originale du film The Wall par quelques chansons, entre autres une version réenregistrée de Bring the Boys Back Home et When the Tigers Broke Free qui apparait dans le film et sort en single, comme une sorte d’inédit lié à The Wall. La chanson raconte la bataille d’Anzio (Opération Shingle) où est mort le père de Waters.

Mais le déclenchement de la guerre des Malouines en avril 1982 incite l’auteur-compositeur à revoir ses plans. Il écrit de nouveaux titres et en intègre d’autres prévus au départ pour The Wall, mais non retenus à l’époque, notamment Your Possible Pasts, One of the Few, The Final Cut et The Hero’s Return. Une décision qui ne convient pas à Gilmour : « si ces chansons n’étaient pas assez bonnes pour The Wall, pourquoi le seraient-elles maintenant ? ».

Les premières versions vinyles et CD de l’album The Final Cut ne contiennent pas When the Tigers Broke Free, le morceau sera plus tard rajouté sur la réédition CD remaster en 2004. Au moment de sa sortie en 1983, quatre titres de l’album font l’objet de clips qui mis bout-à-bout en font presque un mini-film, un peu dans la continuité de The Wall.

Waters écrit un pamphlet anti-militariste et s’en prend directement à Margaret Thatcher, jugeant sa réaction à l’invasion argentine des Malouines comme démesurée et gratuite. D’une manière plus générale, son « Requiem pour un rêve d’après-guerre » plaide que les soldats britanniques tués pendant la Seconde Guerre mondiale, qui se sont sacrifiés dans l’espoir que leur victoire donne naissance à un monde en paix, ont été trahis par les leaders politiques qui continuent à avoir recours à la guerre pour résoudre leurs querelles.

Et il dédie ce manifeste à son père, en affichant ses médailles sur la pochette, en le mentionnant dans les notes du livret, et en lui consacrant une chanson : The Fletcher Memorial Home, Fletcher étant le deuxième prénom d’Eric Waters. On peut ajouter que le bassiste de Pink Floyd avait déjà dédié plusieurs morceaux des précédents albums à son père :

  • La chanson Corporal Clegg, présente sur l’album A Saucerful of Secrets
  • La chanson Free Four, figurant sur l’album Obscured by Clouds
  • La chanson Us and Them, qui parle de la guerre en général, sur l’album The Dark Side of the Moon

Waters apparait ici comme seul maitre à bord, et la plupart des titres de l’album ne sonnent pas totalement Floydiens, mais font plutôt penser à certains passages de The Wall, comme Nobody Home ou Vera. Néanmoins, Gilmour parvient à laisser sa patte ça et là.

Quelques fulgurances de Gilmour

Ce qui empêche de classer The Final Cut comme véritablement un album solo de Waters (outre le fait que ce dernier ait été empêché de le publier sous son nom seul, à cause du contrat liant Pink Floyd à EMI), ce sont plusieurs interventions magnifiques de Gilmour : ses solos sur Your Possible Pasts, The Fletcher Memorial Home et le morceau-titre offrent de très belles mélodies, parfois harmonisées. Et il compose et chante Not Now John, qui sort en single. Sans doute pas son meilleur morceau, mais des couleurs rock dans l’esprit de Young Lust.

On peut également citer l’apport de Nick Mason qui a enregistré les bruitages émaillant les transitions de l’album. Des sons familiers qui rappellent l’univers floydien, en particulier le rire nerveux et inquiétant du roadie Alan Stiles sur One Of The Few.

Cette « collaboration » entre Waters, Gilmour et Mason sera la dernière en studio, les musiciens ayant l’occasion de se retrouver plus tard à quelques reprises en concert, que ce soit Mason en tournée avec Waters, ou Gilmour invité à venir jouer Comfortably Numb aux spectacles de 2011 de Waters, mais surtout en 2005 lors de la réunion du groupe pour le Live 8.

The Final Cut marquait la fin de l’ère Waters, qui pensait que Pink Floyd ne survivrait pas à son départ deux ans plus tard en 1985. Il se trompait puisqu’après de longues batailles juridiques, le groupe reviendra en 1987 avec la réintégration de Richard Wright (qui ne sera véritablement entérinée qu’en 1994). Cet album à part dans l’histoire floydienne divise souvent les fans, mais il n’en reste pas moins une œuvre intéressante, avec ses qualités et ses défauts. Son quarantième anniversaire aujourd’hui peut être l’occasion de s’y replonger.

© Jean-François Convert – Mars 2023

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15 commentaires sur “Il y a 40 ans sortait le dernier album de Pink Floyd avec Roger Waters

  1. C’est vrai qu’il serait intéressant qu’il y ait une version audio du film The Wall, mais aussi de Live In Pompeii. Je trouve que l’acoustique est meilleur que sur les versions studios originales…

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  2. Il est vrai qu’on ne peut pas réduire un groupe à un seul de ses membres, mais vous avez raison en faisant une exception en parlant de Dire Straits et Mark Knopfler. Mais, on pourrait aussi citer King Diamond et Mercyful Fate…

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  3. Si on parle des albums The Wall et The Final Cut, on pourrait dire que Pink Floyd c’est Waters et Waters c’est Pink Floyd. Mais là ne s’arrête pas leur longue discographie. D’autre grand albums (Atom Heart Mother, Meddle, The Dark Side Of The Moon, Wish You Were Hère, Animals) comportent tous des pièces qui ne sont pas toutes signées Waters et ça est fait d’excellents albums quand-même. Donc mis à part The Wall et The Final Cut qui sont des oeuvres de Waters, pour le reste Pink Floyd est Pink Floyd…

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    1. je suis d’accord

  4. Chaque album de Pink Floyd est une oeuvre unique. Bien que The Final Cut soit un album entièrement signé Waters, ça aurait sûrement été très différent sans la touche de David Gilmour à la guitare. Ceux disent que The Final Cut est mauvais album ne connaissant pas vraiment Pink Floyd et devraient le réécouter. The Final Cut n’est pas du tout comparable avec The Endless River qui est malheureusement un flop. Il faut dire que le meilleur de Pink Floyd se trouve dans le coffret Shine On. Le hic avec ce coffret, c’est qu’on aurait également dû y inclure Atom Heart Mother, le plus bizarroïde des albums de Pink Floyd mais excellent quand-même. Une sorte d’opéra rock. Pour en revenir à The Final Cut, il est meilleur The Piper At The Gates Of Dawn (désolé Syd), A Saucerful Of Secrets, More, Ummaguma, Obscured By Clouds, The Division Bell et inévitablement The Endless River. Donc réécoutez The Final Cut, en boucle s’il le faut, et vous arriverez à reconnaître sa qualité…

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  5. Il est vrai que « The Final Cut » à une place un peut à part dans la discographie de Pink Floyd, mais, il reste cependant, selon mon avis un vrai album du grand Pink Floyd et la dernière collaboration entre Waters et Gilmour deux génies du même acabit que Lenon et McCartney pour ne citer que eux. Et il faut réécouter cette album comme étant la suite et la fin de « The Wall ». Imaginons un instant ce qu’aurait pût être la suite de Pink Floyd sans les délires de Waters. Les 3 albums suivants sont juste exceptionnel aussi. Aujourd’hui Roger Waters est parti dans des commentaires assez foireux sur l’Israel et sur d’autres sujets, traitant les autres membres du groupe de bon à rien sans talents aucun. C’est juste un immense gâchis

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  6. Le pire album de Pink Floyd avec Endless River, deux albums complètement personnels (de Waters et Gilmour respectivement ), sans vie, sans nouvetés et sans personnalité

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  7. Pensez-vous qu’un jour, le film the wall sortira en blu-ray en France?

    J’aimerais bien que le film sorte un jour en C.D et vinyle cars il y a des morceaux qui ne sont pas dans le mur blanc de 1979.

    1. je n’ai aucune info là-dessus
      c’est vrai que c’est dommage qu’ils n’ont pas saisi la sortie du Coffret « immersion » de The Wall pour y inclure les versions différentes présentes dans la B.O. du film

      1. Pink floyd s est waters et waters s est pink floyd. Celui qui n à pas compris ça n a rien compris à pink floyd .

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        1. Comment alors ce fait-il que les albums sortis après le départ de Waters se vendent bien mais que ceux de Waters se vendent beaucoup moins bien? Pink Floyd est Pink Floyd et non seulement Waters. Là est la différence entre un groupe et un artiste solo. Avant The Wall, les gars travaillaient tous ensembles et ils ont créés leurs meilleurs albums ensembles. Surtout dans les années 70…

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    2. Waters s est pink floyd et pink floyd s est waters. Si vous n avez pas compris ça, vous n avez rien compris !!!!!!!!!!!!.@

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      1. je ne suis pas d’accord 🙂
        Pour moi, Pink Floyd c’est l’alchimie entre les différents membres du groupe.
        Si Waters = Pink Floyd, alors pourquoi ses albums solo ne sont pas aussi bons ?

        j’aime bien ce commentaire que j’avais vu sur YouTube et qui résume l’apport des différents membres au groupe :

        ● Syd – The soul (« l’âme »)

        ● David – The heart (« le cœur »)

        ● Roger – The brain (« le cerveau »)

        ● Nick – The bones (« le squelette »)

        ● Rick – The blood (« le sang »)

        Un groupe ce sont toujours plusieurs composantes qui contribuent à plusieurs degrés avec plus ou moins d’importance. On peut rarement réduire un groupe à un seul de ses musiciens (sauf peut-être dans le cas de DS/MK)

        Je ne sais pas si « je n’ai rien compris à Pink Floyd », mais en tout cas j’ai écrit 2-3 trucs sur eux 🙂 :
        https://textes-blog-rock-n-roll.fr/pink-floyd/

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        1. Très bien dit!

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      2. Ça c’est votre opinion et il n’y a probablement pas beaucoup de gens qui soit de votre avis, dsl. Ceci étant dit, je n’enlève rien au talent de Waters, mais quand tu fais partie d’un groupe tu n’es pas tout seul. Et en passant, The Wall et The Final Cut dont des oeuvres de Waters mais sorties sous le nom de Pink Floyd et ça s’est très bien vendu. Ça se vend encore très bien même aujourd’hui. Pourtant, les albums de Waters en solo, que je trouvent tout de même riches et puissants, n’atteignent pas et n’atteindront jamais le même nombre d’album vendus que Pink Floyd. Il n’en sera même jamais proche. Et je le redis: Les meilleurs albums de Pink Floyd ont étés réalisée dans les années 70, l’époque où ils travaillaient tous ensembles. Où ils travaillaient comme UN GROUPE. Voyez le track listing de ses albums et vous verrez que beaucoup de grandes chansons ne se pas toutes signées Waters…

        Quand Waters donne un concert, les fans s’attendent à ce qu’il interprète certaines pièces de ses albums solo, mais ce qu’ils veulent surtout entendre ce sont les vieux hits de Pink Floyd…

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