Il y a 30 ans sortait le live ‘On the night’ de Dire Straits

Le 10 mai 1993 arrivait dans les bacs ce deuxième album live de Dire Straits, suivi le lendemain par la sortie de la vidéo.

Cliquez sur la pochette pour lancer la playlist de l’album (à gauche) ou de la vidéo (à droite)

Un album surproduit

Je me suis déjà exprimé sur cette période de Dire Straits qui est celle que j’aime le moins. Que ce soit sur l’album studio On every Street, ou la tournée qui a suivi, j’ai toujours trouvé que le groupe sonnait trop « propre ». Mon expérience du concert en avril 1992 avait été mitigée, alors, quand un an plus tard j’écoute cet album live au son policé et sans aspérités, mon impression est confirmée.

Un mixage trop parfait, de la Pensa-Suhr de partout, jusqu’à l’overdose, idem pour la Pedal Steel, et en plus le disque n’offre pas tous les morceaux qu’on pouvait attendre : pas de Sultans of swing, pas de Telegraph Road, pas de Tunnel of love, ni même de Planet of New Orleans ou d’autres titres joués certes plus rarement (When it comes to you, Think I love you too much, Fade to black, Iron hand…).

La maison de disques a refusé un double album et a donc imposé de trancher dans le choix des chansons pour que ça rentre sur un seul CD. La vidéo offre 3 titres supplémentaires qu’on retrouve également sur le Maxi Encores et vendu en supplément d’une édition limitée : The Bug, Solid Rock et Wild Theme (indiqué Local hero)

Un album « live » ?

Non seulement, cette tournée était déjà à la base très formatée (Guy Fletcher a lui-même admis qu’ils aveint « trop répété »), mais en plus, au moment où sont enregistrés les concerts (printemps 92) qui vont servir pour sortir l’album live, le show est encore plus calibré qu’au départ (automne 91). Le groupe est passé depuis longtemps en mode « pilotage automatique », et il est difficile de ressentir les quelques élans de spontanéité qu’on peut entendre par exemple sur les bootlegs de Dublin en aout 91.

Et pour parachever le tout, cet album « live » pousse le bouchon encore plus loin : à la différence d’Alchemy, enregistré en un seul soir et sans corrections (hormis deux tous petits détails, chronique prévue le 23 juillet pour les 40 ans), On The Night est au contraire un assemblage de plusieurs concerts, parfois au sein d’un même morceau ! Aussi bien pour le son que pour l’image.

Une récente discussion sur le forum de fans A Mark In Time a mis en lumière jusqu’à quel point On The Night avait exacerbé le souci du détail. Le titre du thread On The Night – Ridiculously Bad??? parle de lui-même. Echanges passionnants entre connaisseurs, musiciens professionnels, enseignants en musique, auditeurs pointilleux, fans passionnés… Même si on n’aura jamais le fin mot de l’histoire, plusieurs avis ont été partagés sur l’éventualité de la présence d’overdubs (parties réenregistrées en studio)… Ce qui est sûr, c’est qu’aucun morceau de On The Night n’est une seule et même prise issue d’un même concert, idem pour les prises de vue. ► Plus d’explications dans cet excellent article de Brunno Nunes.

je vous encourage vivement à lire cette discussion passionnée et passionnante (cliquez sur l’image ci-dessus pour y accéder)

L’album chanson par chanson (playlist vidéo)

Calling Elvis

Le titre qui ouvrait l’album studio ouvre aussi les concerts. Mais l’atmosphère jjcalienne de la version originale laisse place ici à une démonstration technique de quasiment chacun des musiciens. Dans la deuxième partie du morceau, Mark donne l’impression de faire ses gammes à la guitare. Ce n’est tellement pas lui. Ce guitariste qui avait l’habitude de placer les bonnes notes aux bons endroits, de toujours privilégier la mélodie et la finesse se la joue ici en mode guitar hero, avec de la saturation, une avalanche de gimmicks, beaucoup d’esbrouffe… « show off » comme disent les anglais.

Et de plus, ce qu’on entend sur le disque et voit sur la vidéo est un maelström de plusieurs concerts. Même le « hey allright ! » du début a été rajouté… ► Plus d’explications dans cet excellent article de Brunno Nunes.

Walk Of Life

Le passage démago ou Mark disait lors des concerts qu’ils allaient « jouer toute la nuit » a été enlevé. Le mixage ultraprécis offre à entendre une jolie petite phrase de Phil Palmer à 4:03

Heavy Fuel

Mark à nouveau en mode démonstration sur l’intro. Mais celle-ci n’est pas la meilleure de la tournée loin de là. D’autres concerts en bootlegs offrent des performances plus intéressantes. Et le morceau n’était pas joué exactement de la même manière jusqu’à encore l’automne 1991. A partir du printemps 1992, il prend sa forme définitive, celle qu’on entend sur On the night. Le pont qui avait été composé en 1985-86 pour relier soit So far away, soit One world au morceau suivant (à savoir Romeo And Juliet) est ici recyclé et utilisé en fin d’Heavy Fuel pour donner la même transition.

Romeo And Juliet

On retrouve ainsi l’intro piano/saxo qui existait déjà en 1985-86. Il y a de fortes chances qu’elle ait été composée par Alan Clark car celui-ci la jouait aussi aux concerts de Clapton en intro de Layla. Et là aussi, les arrangements en cours au mois de mai 92 ont été édulcorés par apport au début de la tournée qui comportait un solo de Mark après celui de Paul Franklin.

► Retrouvez ma chronique « à la loupe » de Romeo and Juliet

The Bug

Intro sympa, mais qui a été plus longue et meilleure sur d’autres concerts que celui-ci (ou plutôt ceux-ci). Le final change légèrement par rapport à la version studio avec le solo de Pedal Steel un ton au-dessous, puis retour à la tonalité d’origine pour le solo de Mark.

Private Investigations

Sans doute la version la plus élaborée de la chanson dans ses différentes évolutions depuis le début des années 80. Une intro au saxophone soprano, un solo supplémentaire à la fin, et un final plus long… la seule chose que je n’aime pas est le son de guitare de Phil Palmer tellement nineties. Je préférais de loin celui d’Hal Lindes sur Alchemy.

► Retrouvez ma chronique « à la loupe » de Private Investigations

Your Latest Trick

Le morceau sort en single et passe en boucle sur les radios. Une seconde vie pour ce titre de l’album Brothers in arms. Là encore, la version en début de tournée différait légèrement avec notamment un solo de Mark. Pour cette version sur On the night, certains se demandent si quelques parties de guitare n’auraient pas été réenregistrées

On Every Street

Le morceau-titre de l’album occupe une place de choix dans la setlist, plutôt en deuxième partie de concert. Le final en arpèges donne l’occasion à Paul Franklin de faire éclater sa virtuosité.

You And Your Friend

Un grand moment de certains concerts que tout le monde n’a pas eu la chance d’entendre en live. Le duo entre Mark et Paul Franklin prend une autre dimension sur scène.

Money for Nothing

Dommage que l’album live ne reprenne pas ce que faisait Mark en concert : l’intro à la guitare stoppée net en attendant que le public ne fasse suffisamment de bruit pour que le groupe « accepte » de jouer… le sketch était certes téléphoné, mais ça ajoutait un peu d’interaction et de fantaisie dans un show millimétré. Pour ce qui est du son de la Pensa sur ce titre, je n’arrive pas à m’y faire… la wah-wah est criarde, et on est à des lieues de la sonorité originale.

► Retrouvez ma chronique « à la loupe » de Money for Nothing

Brothers In Arms

Pour ce qui est des versions live de cette chanson, je préfère nettement celle du concert pour les 70 ans de Mandela (chronique prévue le 11 juin pour les 35 ans), ou celles de 1996-1997-2001-2007. Je ne suis pas certain que c’était une bonne idée d’ajouter un solo de Pedal Steel, instrument vraiment trop surexposé sur cette tournée à mon goût.

► Retrouvez les différentes évolutions du morceau Brothers in arms

Solid Rock

Le morceau retrouve son riff qui était présent sur la tournée 80-81 mais qui avait disparu en 82-83 et 85-86. La partie harmonisée à la fin est plutôt une bonne trouvaille, mais ce son de guitares à la Toto… non décidemment, je ne peux pas m’y résoudre : pour moi ce n’est pas ça Dire Straits.

Wild Theme

Pour la première fois, le thème musical de la bande originale du film Local Hero était adapté autrement que la classique Going Home qui prévalait depuis 1983. Un mélange de Wild Theme avec l’intro de Going Home, un mix qui deviendra la version canonique de Wild Theme, qui sera dès lors toujours interprété de cette façon. A noter qu’ici, il y a deux claviers, ce qui ne sera pas toujours le cas ultérieurement. Et une mini-caméra installée sur la tête de la Stratocaster rouge Schecter de Mark Knopfler donne à voir les doigts du guitariste sous un angle inédit :

On the night est l’antithèse d’Alchemy. Une recherche de la perfection au détriment de la spontanéité. Pas une seule erreur, tout est parfaitement en place, les clameurs de la foule arrivent comme par magie toujours au bon moment… Bref, un « live » reconstitué, peaufiné, ciselé dans les moindres détails, mais qui manque un peu de vie et de fraicheur à mon goût, même en l’ayant encore réécouté ce matin, 30 ans exactement après sa sortie.

© Jean-François Convert – Mai 2023

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6 commentaires sur “Il y a 30 ans sortait le live ‘On the night’ de Dire Straits

  1. Bel article et bien détaillé mais un peu sévère…
    J’ai tellement vu et revu la VHS à l’époque où internet n’existait pas pour comprendre le jeu de Mark et essayer de le reproduire…
    Dommage que sultan of swing et télégraphe road non pas été inclus… sinon mention spéciale pour monney for nothing et you and your friend même si joués avec la Pensa!

    1. La critique est juste, correcte et bien détaillée. Jef compare bien l’album avec les sorties précédentes qui avaient construit la notoriété du groupe, et c’est bien le feeling qui semble manquer là pour plusieurs raisons (personnelles et professionnelles). L’album, et peut-être la tournée, arrivaient au mauvais moment, précipitant la carrière solo de MK …

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  2. Les concerts de Dublin semblent en effet être les meilleurs.

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  3. Merci encore Jef pour cette critique juste. On The Night est un album qui ne devait pas voir le jour, voilà ! Entre les plans de MK de mettre les clés sous le paillasson et les engagements contractuels de la maison de disque, Phillips s’était alors mis à la danse, en croyant au succès phénoménal de 85-86. On disait que la tournée allait passer au Japon (finalement annulée à la dernière minute) avant de se limiter aux dates européennes, oú le groupe avait eu des problèmes en assurant tous les shows. Pourtant, la fin ne justifie pas les moyens …

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  4. Merci pour cet article encore très détaillé. Je vous trouve tout de même sévère avec cet album live.
    Un son « propre », « travaillé », ce n’est pas forcément négatif… En tout cas il a bercé une partie de mon adolescence, et je me souviens très bien de mon enregistrement VHS du concert de Nîmes, qui était passé à la télé…!

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    1. « qui aime bien châtie bien » 🙂
      c’est parce que j’adore Dire Straits (mon groupe préféré) que je suis très exigeant avec leur musique.
      j’assume totalement le caractère 100% subjectif de mes écrits, et oui effectivement ce live ne me fait pas vibrer comme bien d’autres enregistrements du groupe

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