Mike Oldfield sortait ‘Crises’ il y a 40 ans

Le 27 mai 1983 arrivait dans les bacs ce huitième album studio de Mike Oldfield, avec son mega-tube ‘Moonlight Shadow‘.

Avec cet album, Mike Oldfield réitère la formule éprouvée dans Platinum et Five Miles Out : une longue suite instrumentale occupant la première face, et des chansons courtes destinées à sortir en singles sur la face2.

Crises

Le disque s’ouvre donc sur le morceau-titre qui dure près de 21 minutes. Ça commence par une intro en forme de clin d’œil à Tubular Bells sorti 10 ans auparavant presque jour pour jour. Puis une mélodie aérienne et lumineuse avant de tomber dans un blues sombre enchainé à un tempo rapide avec des guitares qui ne veulent plus s’arrêter, deux thèmes qui semblent décrire un esprit torturé… Mike Oldfield était atteint d’une timidité maladive dans les années 70. Ici il parle de « crises dont on ne peut pas s’échapper ». Le multi-instrumentiste prend aussi le micro, comme il l’avait déjà fait sur Five Miles out.

Le titre de l’album et donc de ce premier morceau provient du titre du tableau Sea of Crises, de Terry Ilott, commandé par Oldfield pour la couverture de l’album. On y aperçoit également une tour et une personne qui la contemple. « The watcher and the tower waiting hour by hour » chante Oldfield dans ce passage où la guitare sonne très Hank Marvin, un des héros d’enfance du guitariste. C’est d’ailleurs pour cela qu’il fera l’acquisition d’une Stratocaster rouge, tout comme (et pour la même raison) un certain Mark Knopfler (plus tard il s’équipera même d’un modele Mark Knopfler signature). Il est amusant de noter qu’à la même époque, Oldfield et Knopfler arboraient un bandeau et des bracelets en éponge lors de leurs concerts :

Après ce passage mélancolique voire crépusculaire, la lumière semble revenir avec une valse céleste. On a l’impression d’assister à une ronde des étoiles, puis les percussions vont s’emballer pour un final épileptique et grandiose avant une retombée vers le calme et la sérénité, un peu comme dans la première partie de Tubular Bells finalement.

Le morceau était reproduit fidèlement en live. A noter qu’en 1983, Mike assurait le chant et passait de la Strat Sunburst à la SG pour le final, alors qu’en 1984 il ne chantait plus et jouait le morceau entièrement sur la Strat rouge.

Un détail qui m’a toujours étonné, connaissant le perfectionnisme de Mike Oldfield : pourquoi avoir laissé ces quelques notes qui sonnent comme une erreur (à 8:30 sur la version studio) ? Et en plus elles sont reproduites en live ! (à 8:57 sur la vidéo de 1983 et à 7:50 sur la vidéo de 1984).

Malgré tout, Crises reste une superbe pièce instrumentale (à part les quelques paroles) qui synthétise plusieurs styles musicaux, fait la part belle aux guitares (souvent harmonisées), mais aussi au synthétiseur Fairlight CMI (qui fera également le bonheur de Kate Bush, entre autres), et à la batterie virtuose de Simon Philips.

Moonlight Shadow

C’est sans aucun doute le morceau le plus connu de toute la discographie de Mike Oldfield. Une mélodie limpide chantée par Maggie Reilly qui occupe désormais la place de chanteuse permanente dans le groupe de Mike Oldfield (depuis QE2 et Five Miles out), une guitare qui sonne on ne peut plus knopflerienne, et des paroles qui ont donné lieu à plusieurs interprétations, certains pensant qu’elles faisaient référence au meurtre de John Lennon. Mais si on étudie le texte de près, on s’aperçoit qu’il ne colle pas avec la mort du Beatle : Ce dernier a été abattu de quatre projectiles juste avant 23 heures, alors que dans la chanson, il est 4 heures du matin et le nombre de coups est de six. De plus, le moment où Lennon a été abattu (8 décembre 1980) était une nuit de nouvelle lune, donc il n’y avait pas de clair de lune (Moonlight Shadow). Enfin, l’événement que raconte la chanson se déroule un samedi soir, alors que Lennon a été tué un lundi soir. 

Lorsqu’on lui a demandé si Moonlight Shadow faisait référence au meurtre de John Lennon, dans une interview de 1995, Oldfield a répondu :

« Pas vraiment… Eh bien, peut-être, quand j’y repense, peut-être que ça l’était. En fait, je suis arrivé à New York ce soir-là où il a été abattu et j’habitais chez Virgin Records à Perry Street, qui n’est qu’à quelques pâtés de maisons du Dakota Building où c’est arrivé, donc ça a probablement coulé dans mon subconscient. Le texte a été inspiré à l’origine par un film que j’aimais – ‘Houdini le grand magicien‘, avec Tony Curtis, qui parlait de tentatives de contacter ce dernier après sa mort, par le biais du spiritisme… C’était à l’origine une chanson influencée par cela, mais beaucoup d’autres choses peuvent s’y être glissés sans que je m’en rende compte. »

Le clip vidéo quant à lui est bien plus dans l’esprit du film auquel son auteur voulait faire référence. On y voit Mike jouer sur la Strat Sunburst, alors qu’on imagine plutôt que le solo clair a été enregistré sur la rouge, et on aperçoit également le guitariste ‘Ant’ mimer le solo saturé sur une Flying V, alors que seul Mike est crédité aux guitares sur les notes de la pochette. On peut supposer que ce solo a été joué sur la SG (►comme ‘Ant’ le mime sur cette version playback à l’émission Top Of The Pops). Dans les deux cas (le clip et l’émission télé), Mike mime le passage saturé quand Maggie se remet à chanter.

Moonlight Shadow a été repris par de nombreux artistes dont entre autres Blackmore’s Night (en 2015) et surtout les Shadows (en 1986), version qui a dû ravir Mike Oldfield voyant sa musique reprise par les héros de son adolescence.

In High Places

C’est Jon Anderson de Yes qui co-signe les paroles et prend le chant sur ce morceau avec de larges nappes de synthétiseur, encore le Fairlight CMI qui semble avoir sponsorisé l’album, tant il figure sur quasiment tous les titres (à part un). La voix haut perchée d’Anderson colle bien à cette chanson qui évoque les « lieux élevés ». Les deux musiciens collaboreront à nouveau en 1986 avec le single Shine. Quant à In High Places, il était joué en live en 83-84, chanté par Roger Chapman :

Foreign Affair

Les paroles sont co-signées avec Maggie Reilly. Bien que Foreign Affair n’ait pas été publié en single par Mike Oldfield lui-même, deux reprises de ce titre sorties en single ont reçu un très bon accueil commercial : en 1984, adaptée en français par Wallis Franken (Étrange Affaire) ; et en 2009 par le groupe belge Sylver. Pas de guitare sur ce titre, Mike Oldfield ne joue que des synthétiseurs. Mais en live, lui et un autre guitariste jouent tout de même des parties de guitares discrètes :

Particularité : ce titre était omis sur la jaquette du CD édition remaster de 2000, comme je l’écrivais dans cette chronique. Mais il figurait bien évidemment sur le disque. La jaquette indiquait ainsi 5 titres, alors que que le CD en comporte 6.

A gauche l’édition CD originale de 1983 (qui affiche 6 titres, Foreign Affair en 4), et à droite l’édition remaster de 2000 (qui n’affiche que 5 titres)

Taurus 3

Pour contrebalancer le titre précédent qui ne comportait aucune guitare, celui-ci à l’inverse en compte une myriade (uniquement acoustiques) et pas de synthétiseur (le seul morceau de l’album qui n’en a pas). Le nom de Taurus 3 aurait pu faire croire à un prolongement ou une suite des deux premiers opus intitulés de la sorte sur QE2 et Five Miles out, mais il n’en est rien. Sans doute une boutade de la part d’Oldfield qui au lieu de ça nous livre un instrumental époustouflant de virtuosité à mi-chemin entre flamenco et picking country.

Retrouvez une autre version « live » de Taurus 3

Shadow On The Wall

Il est décidemment beaucoup question de « Shadow » dans cet album. Roger Chapman (même patronyme que le meurtrier de Lennon…) assure le chant, mais les paroles sont signées uniquement de Mike Oldfield. C’est le deuxième morceau à sortir en single et bénéficiant d’un clip vidéo.

La version Maxi est dotée d’un mix différent, et est plus longue que la version album. On la retrouve notamment sur la compilation The Complete, sortie en 1985. A noter qu’il existe la version 12 Inch d’une durée de 5’10, mais aussi la version ‘Extended‘ qui va jusqu’à 7’52 !

Mistake

Sur la version américaine de Crises, les faces étaient inversées, et l’album débutait par Mistake, une chanson composée en 1982 et interprétée par Maggie Reilly, enregistrée pendant les sessions de Five Miles out.

Crime Of Passion

Un autre single sort en 1984, après l’album Crises, mais avant l’opus suivant Discovery. Il est chanté par Barry Palmer qui sera le chanteur du disque Discovery. Ce morceau Crime Of Passion ressemble comme deux gouttes d’eau à Moonlight Shadow : même structure, même tempo, mêmes solos de guitares… Sans doute la raison pour laquelle il n’a pas connu la même notoriété, effacé par son modèle.

Oui c’est sûr, Moonlight Shadow a fait de l’ombre à beaucoup d’autres morceaux de la discographie de Mike Oldfield. Un méga-hit qui a fait de Crises un de ses albums les plus vendus. Un album sorti il y a tout juste 40 ans aujourd’hui.

© Jean-François Convert – Mai 2023

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4 commentaires sur “Mike Oldfield sortait ‘Crises’ il y a 40 ans

  1. Bonjour,
    Merci pour cette belle recension. Une remarque cependant : l’erreur à 8:30 dans la version studio de Crises n’en est pas une. Ces notes sont là pour créer un effet qui attire l’attention de l’oreille avant le petit solo de guitare dans un passage plutôt répétitif. Si ces notes n’y étaient pas, elles manqueraient. C’est tout le génie de Mike Oldfield.

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  2. Knopfler joue avec le pouce, mais Oldfield joue….avec les ongles. C’est encore plus fort.

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  3. Un chef-d’œuvre indiscutable, un de plus !

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  4. Je suis Mike Oldfield depuis que j’ai vu l’exorciste .J’ avais 13 ans.je trouvé encore aujourd’hui que l’album Moon light shadow est le meilleur Album qu’il est sorti jusqu’à présent.L’harmonie le jeu des guitares et synthétiseur sont terriblement bien accordés et se suivent tout le long de la lecture de l’album.

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