Mike Oldfield sortait “QE2” il y a 40 ans aujourd’hui

Le 31 octobre 1980 arrivait dans les bacs ce sixième album de Mike Oldfield. Juste mélange entre sa musique des seventies et ses tubes des eighties.

Un parfait mix entre prog et pop

En cette année 1980, pont entre les seventies et les eighties, Mike Oldfield choisit justement de créer un album « charnière » : il mélange habilement son style expérimental et progressif de ses premiers disques des années 70, avec un côté plus pop, qui annonce ses futurs succès des années 80.

Il avait déjà opéré un virage important avec Platinum en 1979 (► chronique de l’album). Finis les morceaux uniques par disque avec un mouvement par face. Mike passait aux chansons, singles potentiels, pour le plus grand bonheur de la maison de disques.

Avec QE2 (abréviation du paquebot « Queen Elizabeth II »), il revient à de l’instrumental sur quasiment tout l’album (si on excepte les « paroles » de Sheba et Celt), mais avec des formats plus courts. Le morceau le plus long qui ouvre disque, Taurus I, ne fait « que » 10 minutes, et les autres titres varient entre 1 et 4 minutes, hormis le morceau-titre qui en dure un peu plus de 7. D’ailleurs, sur le pressage vinyle, le titre QE2 était indiqué comme deux morceaux distincts : « QE2 » (par Oldfield et Hentschel) et « QE2 Finale » (par Oldfield). Ce qui, en dehors de la précision des compositeurs, confirme bien l’intention initiale de proposer des formats courts.

Une sorte de rock progressif instrumental, mis à la couleur singles pop.

Des influences variées

QE2 est un album très varié musicalement, puisant ses influences dans le rock progressif, mais aussi dans le folk avec des instruments acoustiques tel le banjo ou la mandoline, ou encore dans les musiques africaines avec des percussions, du xylophone pour des couleurs de ce qu’on n’appelait pas encore « world music », dans la pop également avec Arrival, cette reprise de ABBA, ou la mélodie de Sheba, dans la musique celtique qu’affectionne particulièrement Mike Oldfield, et enfin même dans les références classiques avec cette citation de Jean-Sébastien Bach dans Conflict : une phrase de Menuet et Badinerie, Suite Orchestrale No 2 en Si Mineur à 1:07

Des reprises

Sans doute devant l’insistance de la maison de disques de disposer de morceaux à fort potentiel commercial, Mike Oldfield avait déjà enregistré des reprises avec In dulci jubilo en 1975 et Blue Peter en 1979. De même, Platinum comportait un titre de Gershwin, I got rhythm.

Mais cet album QE2 passe un cran au-dessus avec cette fois deux morceaux qui ne sont pas de Mike Oldfield : Arrival, un instrumental de ABBA, et Wonderful land, un instrumental des Shadows. Une façon au guitariste de rendre hommage à l’une de ses idoles : Hank Marvin. C’est d’ailleurs pour cette raison, qu’à l’instar de Mark Knopfler, lui aussi fan du guitariste des Shadows, Oldfield s’est offert une Stratocaster rouge, de 1963 (mais 3 ans plus tard : fin 83, début 84).

A noter que Mike Oldfield ne reprend pas l’intro du morceau originel (juste une phrase clin d’œil à la fin). Et il le transforme complètement en lui donnant un côté presque folklorique avec la mandoline et la guitare classique.

Sur cette version studio, on entend deux guitares électriques, notamment à l’unisson à partir de 00:56. Il y a fort à parier qu’il s’agisse pour les deux parties de la Gibson SG rouge, beaucoup utilisée par Oldfield à l’époque, et qu’on voit dans le clip vidéo (version raccourcie du morceau), ou apparaît également une guitare classique et une mandoline :

L’enfant qu’on voit sur ses genoux est sa fille Molly, à qui il a dédié le dernier titre de l’album : une douce berceuse avec uniquement guitare et vocoder, cet instrument qui module la voix à travers un synthétiseur, donnant une effet « robot ».

Des nouveaux musiciens

Et c’est ce même vocoder qu’on entend sur d’autres morceaux, notamment au début de Sheba avec ses paroles au langage inventé par Oldfield. Après l’intro et cette voix robotique, c’est la chanteuse Maggie Reilly qui reprend la mélodie. QE2 est le premier album de Mike Oldfield ou apparaît la chanteuse écossaise.

Engagée au départ comme simple choriste, elle va rapidement devenir la chanteuse attitrée et connaitre le succès avec les hits Family Man (1982), Moonlight Shadow (1983), Foreign Affair (1983) et To France (1984). Ici elle intervient en voix principale sur Sheba et Celt, et aux chœurs sur Taurus I, Conflict et Arrival.

Sur la tournée suivant l’album, en 1981, elle rajoute des interventions vocales sur Mirage, absentes de la version studio :

Si Platinum avait déjà bénéficié de l’apport de musiciens extérieurs, QE2 semble franchir un autre cap avec la collaboration très impliquée des autres membres du « groupe ». Outre la chanteuse Maggie Reilly (dont le nom est mal orthographié, « Riley », sur le livret de la version Remaster de l’album en 2000 !), on retrouve plusieurs intervenants qui donnent leur touche à l’album : David Hentschel également producteur du disque, apporte sa contribution sur de nombreux instruments (synthétiseurs, cuivres, percussions, chœurs) et co-signe le morceau-titre. David Bedford arrange les cordes, tandis que Dick Studt les dirige, sur QE2 et Wonderful land. Mike Frye joue des percussions africaines sur quatre morceaux, Tim Cross est au piano et synthétiseurs sur deux titres, et signe les paroles de dont Celt.

On note également la présence du compositeur de jazz-rock et musique contemporaine Morris Pert, une section de cuivres sur Mirage avec Phil Todd, Paul Nieman, Guy Barker (lui aussi mal orthographié !) et Raul D’Oliveira, le chœur « English Chorale » sur Arrival, et enfin et surtout, Phil Collins à la batterie sur les deux premiers morceaux.

La pièce maîtresse : Taurus I

Et ces deux premiers titres que sont Taurus I et Sheba semblent presque enchaînés, liés par justement le fameux vocoder qui ferme le morceau d’ouverture, et ouvre le second. Peut-être pas un hasard donc, si Phil Collins joue sur les deux. On reconnait bien son style volubile et plein d’emphase, aux mouvements amples et à la frappe précise, aussi bien sur les syncopes de Sheba que sur la rythmique lourde et fortement marquée de la première partie de Taurus I.

Véritable pièce maîtresse de l’album, ce morceau d’ouverture démontre une fois de plus, si besoin en était, des talents d’instrumentiste de Mike Oldfield : guitares, banjo, mandoline, basse, synthétiseurs, harpe celtique, piano, vocoder… un véritable festival !

Et d’un point de vue mélodique, le compositeur Oldfield expose sa maîtrise de l’exposition et la réexposition de thèmes, comme le faisait Bach par exemple. Ceux qui connaissent l’album suivant Five miles out savent que celui-ci s’ouvre sur Taurus II, à la fois suite et développement de Taurus I, notamment du premier thème musical.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que lors de la tournée de 1980-81, juste après la sortie de l’album QE2, Maggie Reilly chantait déjà dans Taurus I, la mélodie qui figurera dans Taurus II :

En écoutant cette version live, on se dit que ces deux morceaux, justement appelés I et II auraient pu s’enchaîner, ou au moins figurer sur le même album. Mais Oldfield a été plus subtil et a préféré les séparer pour qu’ils se fassent écho l’un l’autre, avec plusieurs références musicales entre chacun. Ainsi, Taurus II reprendra le thème principal de Taurus I mais en version « ralentie » (tempo dédoublé). Du grand art.

Et toujours dans le même niveau de croisement musical, écoutez cette version qui mixe : Taurus I (avec la mélodie de Taurus II dans l’intro), puis un passage de QE2, avant d’enchaîner sur une transition étrange, qui amène sur le thème de Taurus II ! (dans la deuxième partie )

En guise de clin d’œil non dénué d’humour, Mike Oldfield baptisera un morceau Taurus 3 sur l’album Crises en 1983, mais qui n’aura aucune filiation musicale avec les deux précédents opus. Une pièce de guitare acoustique, entre folk et flamenco, très loin des épiques épisodes I et II.

En ce début des années 80, ce musicien atypique qu’est Mike Oldfield était dans sa période à la fois créative, inventive, et à succès croissant auprès du public. Cet album QE2 confirmait la direction prise avec Platinum, et continuait d’annoncer les best-sellers à venir. C’était il y a 40 ans aujourd’hui.

© Jean-François Convert – Octobre 2020

QE2 vu par © Denys Legros
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2 commentaires sur “Mike Oldfield sortait “QE2” il y a 40 ans aujourd’hui

  1. Bonjour.
    Mike a acheté sa fender de 62 (63 en fait) fin 83 début 84 donc il ne l’a possédait encore pas en 1980.

    1
    1. merci beaucoup pour l’info. je corrige

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