Le 16 août 1970, Eric Clapton sortait son premier disque sous son nom seul, et entamait une nouvelle carrière.
Sommaire
Un virage discret
Après avoir illuminé les sixties au sein des Yardbirds et des Bluesbreakers, puis de Cream et enfin de Blind Faith, le « Dieu » Eric Clapton choisit fin 1969 de se fondre dans l’anonymat du groupe Delaney & Bonnie & friends :
Il ne veut plus être sur le devant de la scène, mais plutôt s’effacer au sein d’un collectif. Il poursuivra dans cette voie en créant le groupe Derek (« Eric ») and the Dominos l’année suivante.
Mais entre-temps, il sort son premier album sous son nom seul, le 16 août 1970. Il est accompagné du duo Delaney & Bonnie, et des musiciens qui composeront Derek and The Dominos : Bobby Whitlock aux claviers, Carl Radle à la basse et Jim Gordon à la batterie. Autour de ce noyau gravitent un bonne partie de la troupe qui accompagnait Delaney & Bonnie en 1969 :
On note par exemple Rita Coolidge, petite amie de Jim Gordon, qui aurait composé la partie de piano de Layla, créditée officiellement à Jim Gordon. Apparaît également sur l’album Stephen Stills, mais qui ne figure pas sur la photo.
Premier album solo
Un premier disque solo qui affiche son nom, donc, mais avec la volonté tout de même de la jouer encore un peu « groupe ». La plupart des morceaux sont co-signés par Clapton et Delaney Bramlett, Blues power est de Clapton et Leon Russel, il y a même un titre par Bramlett et Russell (Lonesome and a Long Way from Home) et un autre par Bramlett et Steve Cropper (Told You for the Last Time). Une seule chanson est entièrement composée et écrite par Clapton : la ballade acoustique Easy now
On retrouve trois morceaux qui ont perduré longtemps dans les setlists de ses concerts, comme on peut l’entendre par exemple sur le live Just one night : Blues power, After midnight, Let it rain. Et Bottle of red wine a également été repris lors de la tournée des Dominos en 1970-1971.
Première reprise de J.J. Cale
Et c’est avec cet album que Clapton délaisse provisoirement le blues pur (il y reviendra avec les Dominos, ou en concert comme sur E.C was here) pour se tourner vers des ballades country-rock. Et pour la première fois il reprend un morceau de J.J Cale : After Midnight (il le fera ensuite à deux autres reprises avec Cocaine en 1977 et I’ll Make Love To You Anytime en 1978).
Mais en 1970, le chanteur-guitariste n’est pas encore entré de plein pied dans sa période laid-back, qui débutera réellement en 1974 avec 461 Ocean Boulevard. Aussi, sa reprise de After Midnight est plus rapide et plus rock que la version originale de J.J Cale, typique du Tulsa sound.
Sur la B.O du film A life in 12 bars, figure un mixage différent avec des cuivres, quelques phrases de guitare supplémentaires, et une coda légèrement plus longue :
Plus chanteur que guitariste
Après avoir été adulé comme virtuose de la six-cordes au sein des Bluesbreakers, Cream et Blind Faith, « God » laisse de côté les solos de guitare épiques pour se concentrer sur le chant. Marre des démonstrations techniques, et des instrumentaux à rallonge. Le nouveau Clapton propose un album de chansons, avec mélodies simples et accrocheuses, couplets et refrains avec chœurs, et durées autour des 3 minutes en moyenne.
Par conséquent, peu d’interventions guitaristiques marquantes, mis à part l’instrumental d’ouverture Slunky et son écho à bandes, le duo avec wah-wah dans Bad boy, le solo court mais efficace de After midnight, l’énergique Blues power ou le final de Let it rain, qui deviendra un morceau de bravoure en live avec les Dominos :
Pour ce morceau également, un mixage différent est disponible sur la B.O du film A life in 12 bars :
Néanmoins, bien que la guitare y soit plutôt discrète, c’est sur ce disque qu’apparaît la première Stratocaster d’Eric Clapton, surnommée « Brownie » pour sa finition sunburst. Jusque là, le guitariste avait joué sur Les Paul, SG, ES-335, Thunderbird, ou Telecaster, mais c’est la première fois qu’il adopte le modèle de guitare qui lui sera ensuite immédiatement associé. Et particulièrement celle-ci, qui deviendra emblématique car utilisée pour l’enregistrement de Layla :
Et c’est justement l’album Layla, enregistré quelque mois plus tard, qui restera comme le véritable chef- d’oeuvre de la discographie de Clapton. Mais ce premier opus solo, qui apparaît un peu comme une parenthèse dans la carrière de l’artiste, garde toutes ses qualités, même un demi-siècle après.
© Jean-François Convert – Août 2020