Il n’y a pas que la scène anglophone pour faire vivre le jazz-rock. Robin & the Woods vient de sortir son premier album ‘Moonfall’.
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Des français qui n’ont rien à envier aux anglo-saxons
Qui a dit que seuls les britanniques avaient l’apanage de cette musique alambiquée aux frontières du rock, du jazz, des influences classiques ? Certes, le mouvement du rock progressif a surtout explosé en Angleterre, mais des groupes français comme Ange ont également su se l’approprier. De même, le jazz n’est bien évidemment pas resté qu’américain, et l’Hexagone a aussi connu des pointures en la matière, comme par exemple Jean-Luc Ponty, et bien d’autres.
En revanche, le mélange des deux est peut-être moins courant dans nos contrées françaises, même si on peut citer par exemple Pierrejean Gaucher. Aussi, quand un groupe bordelais comme Robin & the Woods revendique les influences de King Crimson, Mike Oldfield, Pink Floyd, et à la fois de Donny McCaslin ou Pat Metheny, forcément on est piqué par la curiosité. Et encore plus quand on découvre la formation, qui sort des sentiers battus : la formule guitare-basse-batterie, standard du rock, mais ici rejointe par une flûte qui pourrait évoquer Genesis ou Jethro Tull, et un saxophone qui tire clairement vers le jazz. Si on ajoute à ça un phrasé et un son de guitare qui par moments n’est pas si éloigné du Jeff Beck des seventies, on obtient un cocktail dense et foisonnant, comme par exemple dans le premier single Cello Man, sorti le 5 février dernier :
Une musique complexe et variée
L’influence prog se retrouve notamment dans la démarche de proposer un morceau en 3 mouvements : Fractales, titre qui renvoie à l’univers mathématique et scientifique, souvent en lien avec le rock progressif, ou la complexité de l’harmonie jazz-rock. Après une ouverture d’abord planante, puis plus rock, la deuxième section tourne sur un riff obsédant et des mélodies évoquant des effluves orientales. Puis la troisième est vraiment plus jazzy, ambiance quasi- lounge, avant de clore sur le riff de la partie 2. Une pièce en trois mouvement parfaitement architecturée, et représentative du style du groupe.
Un style qui met en valeur une virtuosité rythmique et harmonique, mais qui ne vire jamais dans le démonstratif. La richesse musicale est là avant tout pour raconter des histoires et susciter des images. Et Robin & the Woods mêle souvent plusieurs atmosphères au sein d’un même morceau. Ainsi Dying Stars Suicide Club débute par ce qui pourrait faire penser à une série télévisée des seventies, puis enchaine sur une impro de saxo quelque part entre Coltrane et Parker, continue sur un riff bien rock, avant d’embrayer sur un thème que n’aurait pas renié Genesis ou Yes, avant de clore sur un final orgasmique :
Autre exemple avec le morceau-titre Moonfall qui mixe ambiances moriconniennes, guitare saturée véloce, et couleurs free-jazz. Un final à l’image de l’album : varié, éclectique, riche, mais homogène en même temps.
Ou encore le second single, Eyjafjallajökull, sorti vendredi 5 mars, et sélectionné dans la playlist JazzNow de Deezer. Bien qu’au nom imprononçable, ce glacier/volcan islandais est désormais célèbre, depuis que sa dernière éruption en 2010 a considérablement enrayé le trafic aérien. L’ambiance musicale du morceau retranscrit bien le « feu sous la glace » en laissant exploser les éléments après une intro plutôt calme. La flûte nous plonge dans les eaux glacées avant que le saxo et la guitare ne fassent gronder le magma. Puis de nouveau retour à l’apaisement, comme si l’éruption s’était arrêtée. A moins que ce ne soit plutôt le temps qui se retrouve en suspension… Et sur le final, le son de guitare évoque instantanément Steve Hackett. Flûte et guitare hackettienne, un parfum de Genesis ? Oui par moments, mais l’univers jazz n’est jamais bien loin, surtout avec la présence du saxophone.
Un premier album pour un groupe prometteur
Sorti le 2 avril chez Grain(s) de Riz / Bramar Records, Moonfall est le premier album de Robin & The Woods. Et dès une semaine après sa sortie, il figure dans les coups de cœur de Radio France. Mais le groupe avait déjà fait parler de lui en remportant le Prix FIP et le Grand Prix du Tremplin Action Jazz, en 2018.
Le quintet est composé de Robin Jolivet à la guitare, Jérôme Masco au saxophone, Alexandre Aguilera à la flûte, Alexis Cadeillan à la basse et Nicolas Girardi à la batterie. Chaque morceau a été illustré par l’artiste Mélanie Ertaud, comme on peut le voir sur les clips YouTube.
Outre ses influences musicales, Robin & The Woods dit avoir puisé son imaginaire dans les œuvres de fiction de la culture populaire, du cinéma de genre à la littérature, en passant par le jeu vidéo.
© Jean-François Convert – Mai 2021