En avril 1954 apparaissait le premier prototype de ce qui allait devenir le modèle emblématique de la guitare électrique : la Fender Stratocaster.
Sommaire
LA guitare électrique
Ah la « Strat », la « Strato »… Quand on représente une guitare électrique, la forme du corps de la Stratocaster est la première qui vient à l’esprit. La double échancrure au niveau du manche était complètement novatrice à l’époque, quand sort le premier prototype en avril 1954. Leo Fender avait déjà frappé fort avec l’Esquire/Broadcaster/Telecaster en 1949-1951. A la différence de Gibson qui affichait une esthétique de luthiers qui pouvait sembler élitiste, Fender mise au contraire sur une approche populaire, simple, et efficace : le corps de la Telecaster était un « bout de planche », celui de la Stratocaster sera à peine plus élaboré avec un pan coupé pour plus de confort. On est loin des tables flammées des Les Paul. Quand au manche, aussi bien sur la Tele que la Strato, il est d’une seule pièce, sans touche rajoutée comme sur les Gibson, si bien qu’on joue à même le manche. Les modèles ultérieurs à partir de 1959 se verront dotés d’une touche en palissandre, et plus tard en érable, avant que les manches une pièce ne reviennent en fabrication dans les décennies suivantes.
Il est amusant de noter que lorsque la page Facebook officielle de Fender a rendu hommage à son créateur en 2018, elle a utilisé une photo de ce dernier tenant un modèle de Stratocaster… de la période CBS qui avait racheté l’entreprise en 1965. On le remarque particulièrement à la tête large et son logo épais :
Une guitare modulable
Elle a vu quelques modifications au cours des années la Strat. Mais elle est toujours restée parfaitement identifiable. Avec des dénominations de coloris empruntées aux catalogues automobiles (Fiesta Red, Olympic white, Surf Green…). Son côté montage en kit avec le manche vissé (au lieu des manches collés chez Gibson) a fait de la Stratocaster une guitare facilement customisable. Les changements de manches, micros, plaques, etc… ont fleuri parmi les utilisateurs de cette guitare. Moi-même j’ai fait modifié mes deux Stratocasters par le luthier Luis Henriques :
L’emblème de nombreux guitaristes
Que de grands noms ont adopté ce modèle de guitare. C’est Buddy Holly le premier qui popularise la Stratocaster. Puis viendra Hank Marvin des Shadows qui fera l’acquisition de la toute première Strat Fiesta Red importée en Angleterre, suivi de George Harrison et John Lennon, mais surtout Jimi Hendrix qui en fera bien plus que ce à quoi elle était destinée au départ. Dans son sillon suivront Eric Clapton, David Gilmour, Rory Gallagher, Jeff Beck, Robin Trower, Ritchie Blackmore, Ry Cooder, Mark Knopfler, Chris Rea, Mike Oldfield, Stevie Ray Vaughan, John Mayer, Popa Chubby… impossible de les citer tous.
Parmi tous ces grands de la six-cordes, on peut rappeler que Mark Knopfler possède un modèle de 1954, première année de fabrication, et David Gilmour un exemplaire numéroté #0001, mais qui n’est pas réellement la toute première Stratocaster (► plus d’explications dans cet article du site Gilmourish).
La guitare au son clair ?
Au cours des des décennies, de nombreux articles ont souvent opposé d’un côté les Gibson au son chaud, gras, rond, avec les micros double bobinage, propices à la saturation, et de l’autre les Fender au sonorités cristallines, limpides, avec les micros simples bobinages, plus enclins à un son « clair ». Le tout en prenant des exemples extrêmes : Buddy Holly versus Jimmy Page, ou Hank Marvin en comparaison à Angus Young. Le cliché est tenace. Même encore maintenant, quand je dis que joue sur Strat, la première réflexion de mes interlocuteurs est de dire « ah oui comme Mark Knopfler, le son clair de Sultans of swing… »
Certes la Strat c’est cela, tout comme c’est Apache ou Nowhere Man. MAIS… c’est aussi le son sale, à la frontière du hard-rock, de Rory Gallagher, le blues écorché de Stevie Ray Vaughan, la saturation épaisse de Ritchie Blackmore, et surtout les sonorités extra-terrestres de Jimi Hendrix. Et d’autant plus que les micros à simple bobinage ont tendance à bien plus « baver » que les doubles. Une Les Paul dans un Marshall sonne plus « rond » qu’une Stratocaster dans le même ampli. Donc dire que les Fender ont un son plus « clean » que les Gibson est à mon sens une erreur. Il est certes plus brillant, plus strident, plus aigu, plus tranchant… mais la clarté ou la distorsion provient avant tout de l’ampli et des effets. Et oui, une Stratocaster peut sonner « sale », tout autant qu’une Les Paul, une SG ou une Flying V. Il n’y a qu’à écouter les guitaristes susnommés (et d’autres) pour s’en convaincre.
En ce mois d’avril 1954, on découvrait une guitare qui allait devenir mythique, mais aussi, on allait entendre le single Rock Around the Clock de Bill Haley & His Comets. Avec quelques mois plus tard That’s Allright Mama par Elvis Presley, on obtenait un alignement des planètes qu’on considère encore aujourd’hui comme ayant donné la naissance du Rock’n’Roll. J’aurai l’occasion de vous en reparler très prochainement. Mais là, je vais aller gratouiller ma Strat. Un modèle de guitare qui voyait le jour il y a 70 ans.
© Jean-François Convert – Avril 2024
La guitare multi-style par excellence ! La qualité des stratocasters japonaises des 1970s ont donné une seconde vie à cette conception.