J’ai testé un dobro lapsteel

Un collègue ma prêté son dobro lapsteel. L’occasion de tester ce type d’instrument sur lequel je n’avais jamais joué.

C’est quoi un dobro ?

C’est tout simplement une guitare à résonnateur, c’est-à-dire avec un cône en métal positionnée à l’envers destiné à amplifier naturellement le son, par effet de résonance. Ce procédé ingénieux a été inventé dans les années 20 pour permettre aux guitares d’être entendues dans les bigbands de jazz, avant la démocratisation de l’électrification.

Le terme Dobro est souvent utilisé dès qu’on parle d’une guitare en métal. Comme je l’expliquais dans mon article sur les guitares National, il s’agit d’un abus de langage car il existe une différence entre Dobro et National : ces dernières sont entièrement en métal (caisse et résonateur) alors que les dobros ont une caisse en bois et seulement le cône en métal. Mais l’usage courant a voulu qu’on emploie très souvent le mot dobro pour englober toutes les guitares à résonnateur.

C’est quoi une lapsteel guitar ?

Si on traduit littéralement, c’est une guitare en acier qui se joue sur les genoux. Ce mode de jeu provient de la tradition hawaïenne et a donné plus tard les Console-steel, puis les Pedal-Steel. J’ai détaillé tout ça dans un article dédié.

Au départ les lapsteel étaient forcément à résonnateur, puis par la suite se sont électrifiés. Une lapsteel guitar n’est donc pas forcément un dobro. De même, il arrive très fréquemment qu’un dobro se joue en mode lapsteel, mais ce n’est pas une obligation, il y a des guitares dobro (bois et métal) qui se joue de manière classique. On peut voir par exemple Eric Clapton en jouer dans son célèbre Unplugged de 1992 :

La raison qui amène à jouer à plat sur les genoux est la forme du manche. Quand on est en présence d’un manche carré (« squere neck »), il est impossible de jouer de façon classique. A cela s’ajoute l’action des cordes volontairement très haute qui empêche de pouvoir les appuyer sur la touche. Le jeu en slide et à plat devient donc incontournable.

A noter que ce n’est pas nécessairement sur les genoux, certains optent pour un jeu debout avec une sangle. C’est le cas du maitre Jerry Douglas, sans doute le plus renommé d’entre tous. J’ai également vu Nils Lofgren jouer ainsi au concert de Bruce Springsteen le 15 mai à Paris.

Une première pour moi

En ce qui me concerne, je n’avais jamais joué sur un tel instrument, en l’occurrence ici un dobro lapsteel. J’ai été confronté à plusieurs difficultés :

  • On ne joue pas avec un bottleneck, mais avec un « Tone-bar », la façon de le prendre en main n’est pas évidente
  • Il est normalement préconisé d’utilisé des onglets sur le pouce, l’index et le majeur. Je ne suis pas parvenu à m’y habituer
  • A la différence du jeu classique où on positionne le doigt sur une case, donc entre deux frettes, il faut ici être juste au dessus de la frette. être juste est un défi à chaque note !
  • l’accordage ne m’était pas familier. Je connais l’open de Sol sur une guitare : Ré-Si-Sol-Ré-Sol-Ré, mais ici c’est Ré-Si-Sol-Ré-Si-Sol !
  • le jeu en slide fait très souvent résonner toutes les cordes, même celles non désirées ! Il faut donc arriver à bloquer celles qu’on ne veut pas entendre tout en se déplaçant sur le manche. Là aussi, cela demande des heures de travail pour maitriser cet effet
  • le jeu en slide impose par essence des accords « droits » et rend complexe l’ajout de notes de part et d’autre de la frette où se situe le Tone-Bar. Et en l’absence de pédales pour varier la hauteur des cordes, on se retrouve à ne disposer que du même accord majeur partout sur le manche. Les experts savent se placer en oblique pour attraper d’autres notes, mais je n’en suis pas encore à ce niveau

Bref, autant de paramètres qu’il a fallu apprivoiser en peu de temps.

Vidéos

L’idée n’était pas de prétendre à une maitrise parfaite de l’instrument mais simplement de s’amuser en tentant quelques bribes de morceaux. J’ai d’abord joué en solo, à la campagne, filmé par ma fille Flora :

Paris, Texas

La célèbre B.O de Ry Cooder n’est pas jouée au dobro, mais sur une folk normale. Néanmoins, j’ai trouvé que le morceau pouvait s’y prêter. Je suis bien conscient que mon interprétation est plus qu’approximative :

Impro 1

Etant accordé en Sol, c’est tout naturellement dans cette tonalité que j’ai gratouillé les classiques 3 accords. J’ai testé les onglets, mais finalement je crois que je préfère jouer avec les doigts :

Blues

Tentative de 12 mesures standard en débutant par le turn-around :

Seven Nation Army & Smoke on the water

Le riff culte des White Stripes était déjà joué en slide mais sur une électrique, ampli à fond. Celui de Deep Purple est parmi les premiers qu’on apprend à la guitare. Et si on les faisait sonner bluegrass façon Steve’n Seagulls ?

Impro 2

Encore quelques accords enchainés en cette fois tonalité de Ré :

Amazing Grace

Pas évident de muter les cordes quand on passe d’un accord à l’autre, et pas encore assez de maitrise pour ma part pour passer sur le Mi mineur :

Funk Blues

On change un peu le rythme, mais globalement on reste dans une couleur blues en Sol. Et oui j’avoue, n’est pas Ben Harper qui veut !

Le soir en rentrant chez moi, j’ai filmé d’autres morceaux en m’accompagnant par des backing tracks enregistrés il y a quelques temps sur mon TRIO+ (Band Creator+Looper) :

Hey Joe

Pas forcément le titre le plus adapté au dobro, mais c’était le premier des backing tracks dont je disposais.

Impro 3

Grille ultra simple : Ré Do Sol. Et ça collait bien avec l’accordage.

Shuffle

Un 12 mesures classique en Mi. Difficile d’attraper les blue-notes et de naviguer entre mineur et majeur comme on a l’habitude de faire sur une guitare. La vision de la pentatonique est complétement différente, et on doit « réapprendre » le manche. Pas évident…

What’s Up

La chanson des Four Non Blondes fait partie des récurrentes que j’ai jouée en jams, parfois en LA (tonalité originale), souvent en SOL comme ici. Ma tentative d’accrocher la mélodie du chant est quelque peu hasardeuse, mais j’espère qu’on arrive toute de même à reconnaitre le morceau, malgré les erreurs de justesse.

Au final, une expérience intéressante et qui donne envie de creuser la chose et se perfectionner. Mais le manque de temps vient toujours ramener à la réalité. Dans une autre vie peut-être…

© Jean-François Convert – Juillet 2023

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1 commentaire sur “J’ai testé un dobro lapsteel

  1. Entre les manches 12 et 14 cases, et ses profils C et D, il est encore difficile d’identifier une resonator qui sied à chacun. On dit même que des vieilles guitares sonnent, après qq modifications, mieux que les National Dobro. Aprés tout, c’est une question de Feeling. Merci pour cette « review » complète.

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