Le 5 août 1967 arrivait dans les bacs ‘The Piper at the Gates of Dawn‘, premier opus d’un groupe londonien appelé Pink Floyd.
Sommaire
Deux bluesmen pris pour des flamants roses
Été 1967. L’été de l’amour, le fameux « Summer of love », inonde la côte californienne de fleurs, tandis que dans notre vieille Europe, l’ère du swinging London bat son plein. Le monde de la musique et de l’art en général vibre aux couleurs chamarrées du psychédélisme. Quatre étudiants anglais en architecture viennent d’enregistrer leur premier album avec un titre tout aussi surréaliste que le nom de leur groupe.
Si la presse française s’est longtemps fourvoyée à vouloir absolument traduire « Pink Floyd » par « Flamant Rose » (qui aurait dû s’écrire « Pink Flamnigo » en anglais), tout le monde (ou presque) sait maintenant que le nom du groupe est issu des prénoms de deux bluesmen : Pink Anderson et Floyd Council.
Cette idée vient de Syd Barrett, premier leader d’un quatuor qui va devenir un mastodonte de l’histoire du rock… mais sans lui.
Un génie maudit
Avec Roger Waters à la basse et au chant, Richard Wright aux claviers et aux chant, et Nick Mason à la batterie, le chanteur-guitariste-auteur-compositeur Syd Barrett lance le groupe Pink Floyd en 1965. Il écrit et compose la plupart des morceaux et impose sa vision complètement barrée (sans mauvais jeu de mot) qui va propulser la musique britannique dans une autre dimension. Malheureusement, il ne reviendra pas indemne de ses multiples voyages sensoriels et ésotériques dopés au LSD. Après ce premier album en 1967, et sa participation à quelques bribes sur le suivant en 1968, Barrett sera définitivement écarté du groupe et remplacé par son ami d’enfance David Gilmour. Pink Floyd connaitra alors la carrière planétaire que l’on connait.
De son côté Barrett connaitra une lente déchéance psychologique. Mis à part deux albums en 1970, et des sessions pour la BBC en 70 et 71, il ne réenregistrera rien d’autre. Il reste en mémoire son apparition aux studios Abbey Road durant l’enregistrement de Wish you were here en 1975, album dont les textes lui sont en grande partie dédiés.
Lors du concert de réunion pour le G8 le 2 juillet 2005, Waters ne manquera pas de rendre hommage à son ami Syd, qui décédera tout juste un an plus tard, le 7 juillet 2006. Malgré sa carrière éclair, Syd Barrett reste encore aujourd’hui une icône du rock, notamment grâce à cet album qui sort le 5 août 1967.
Un album fondateur du psyche-rock anglais
Si le nom du groupe peut sembler saugrenu, tant la musique de Pink Floyd au départ n’a pas grand chose à voir avec le blues (elle y reviendra plus tard sous l’influence de Gilmour), le titre de l’album est encore plus déconcertant. Certes, l’époque est propice aux intitulés à rallonge et aux significations obscures, mais si on ne sait pas que « Le joueur de pipeau aux portes de l’aube » est une référence au chapitre 7 du livre Le Vent dans les saules de Kenneth Grahame, on peut se demander de quoi parle ce disque.
Les thèmes de l’espace (Astronomy Domine, Interstellar Overdrive) ou les contes de fées (Matilda Mother, The Gnome) collent bien à l’ambiance de l’époque, tout comme la pochette kaléidoscopique qui renvoie aux jeux de lumière scéniques du groupe, novateurs pour l’époque.
Avant les futures explorations expérimentales puis progressives des albums suivants, ce premier opus affiche une couleur très pop et devient rapidement une pierre angulaire du rock psychédélique. On peut dire que le groupe y était prédestiné quand on sait que The Piper at the Gates of Dawn a été enregistré dans le studio 3 d’Abbey Road, juste en face du studio 2 où les Beatles mettaient en forme Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band.
« Nous avons rencontré les Beatles une fois, quand ils enregistraient ‘Lovely Rita‘. C’était un peu comme rencontrer la famille royale »
Nick Mason
Pop acidulée et expérimentations sonores
Il en ressort un disque aux couleurs musicales semblables à celle du chef d’œuvre des Fab Four. Des textes aux influences littéraires qui évoquent aussi bien Alice au Pays des Merveilles, que l’heroic fantasy ou la science-fiction. On pourrait même faire un lien avec l’univers féérique du Magicien d’Oz dans le morceau The Scarecrow. Clin d’œil non intentionnel savoureux, quand on pense à la légende urbaine qui surviendra quelques décennies plus tard, affirmant que The Dark Side of the Moon peut s’écouter en tant que bande son du film de Fleming.
Des chansons au format court, des mélodies qui trottent dans la tête, un son globalement très pop et des voix qui se confondent légèrement. Waters intervient au chant sur Pow R. Toc H. alors que Wright chante avec Barrett sur Astronomy Domine (comme il le fera plus tard avec Gilmour) et sur Matilda Mother. En revanche, pendant longtemps j’ai cru qu’il chantait Chapter 24, alors que c’est bien Barrett. Deux textures vocales assez similaires :
Mais parallèlement à ces ritournelles pop, le groupe s’inscrit dès ses débuts dans l’expérimentation sonore. Un morceau dénote avec les autres : il s’agit d’Interstellar Overdrive, instrumental de plus de 9 minutes qui tourne autour d’un riff obsédant, et fourmille de sonorités inédites pour l’époque. Le manager Peter Jenner explique :
« Si nous avions sorti en disque ce que nous jouions sur scène, il ne se serait vendu aucun album. La seule chanson à reproduire l’ambiance des concerts était Interstellar Overdrive. Ils l’ont jouée deux fois, la deuxième a été enregistrée par-dessus la première. Ils ont doublé la piste. Pourquoi ? Eh bien, ça sonne vraiment très bizarre, non ? Cette sonorité puissante et tous ces sons percutants de batterie »
Cet esprit expérimental se retrouvera dans diverses pièces futures du groupe à travers les nombreux bruitages sonores et passages « bizarres » qui émailleront leur albums. Dès ce premier opus, Pink Floyd annonçait la couleur en mixant chansons parfaitement construites, faciles à retenir, et volonté d’aller sur un terrain artistique exigeant en repoussant toujours plus loin les limites sonores.
Un groupe majeur de l’histoire du rock qui sortait son album fondateur il y a tout juste 55 ans aujourd’hui.
© Jean-François Convert – Août 2022
Peu de gens font le constat que malgré la cohérence de leurs albums, Pink Floyd a toujours eu le cul entre deux chaises. Leur premier album en est la preuve à la fois pop beatleusienne et expérimental trippant. Avec le recul je trouve leur période à l’UFO avec tous ces longues impro dans le milieu consanguin hype londonien un peu bidon comparé aux pop songs psychédélique flamboyant et aux capacités de songwriting de Barrett, son élégance rythmique guitaristique et ses leads inspirés et sa belle voix, le talent immense du clavériste Rick Wright, le jeu de basse ténébreux de Waters et Nick Mason bon malgré tout. Je trouve dommage qu’ils aient privilégié les longues impros aux chansons dans leurs concerts. Un peu des deux marche. Le cul entre plusieurs chaises je pense que Barrett ne savait pas trop où aller au bout d’un moment
effectivement, analyse intéressante
Ce groupe a inventé notamment le semple , à introduit la vidéo sur scène et crée des musiques sur des albums intemporels .
Medle est un pur chef d œuvre , où figure echoes morceau de 24 minutes tout simplement magistral .
Dark side of the moon album concept , qui a propulsé le groupe au sommet des hit parade sur plus d une années .
Dommage que Roger waters, avec son ego surdimentionné ait mis la pagaille dans ce groupe si talentueux .
entièrement d’accord
ma chronique sur Meddle : https://textes-blog-rock-n-roll.fr/meddle-de-pink-floyd-fete-son-demi-siecle-aujourdhui/
Dark side sera chroniqué l’année prochaine pour les 50 ans de l’album
J’aime beaucoup ce groupe c’est de ma génération .c’est extraordinaire avec tous les albums qu’il ont fait . j’écoute toujours leur albums
je suis un grand fan aussi
j’ai écrit plusieurs chose sur eux : https://textes-blog-rock-n-roll.fr/pink-floyd/
il manque encore de albums, j’attend les anniversaires pour les chroniquer 🙂
Super article…merci jef