Il y a 40 ans sortait le live “Just one night” d’Eric Clapton

Le 16 avril 1980, on trouvait dans les bacs ce double album live, enregistré en décembre 79 à Tokyo.

Un nouveau groupe

En 1979, Eric Clapton a déjà entamé sa deuxième carrière depuis 5 ans. Après les sixties et les Dominos en 1970, puis sa plongée aux enfers entre 1971 et 1973, il est revenu en 1974 avec une musique tranquille, mélange de laid-back, reggae et country. Bien que toujours dépendant à l’alcool, il semble apaisé, et le succès est là. Cinq albums studios et un live avec les mêmes musiciens, tous américains, et pour la plupart originaires de Tulsa dans l’Oklahoma, berceau de la musique laid-back et du fameux « Tulsa-sound », popularisé par J.J. Cale.

Eric Clapton par © Denys Legros

Mais pour cette tournée mondiale qui fait suite à la sortie de Backless en 1978, le chanteur-guitariste change de partenaires et monte sur scène accompagné d’un All English Band. Cinq britanniques qui vont pourtant jouer une musique typiquement américaine, entre blues et country-rock :

  • Albert Lee à la guitare, aux claviers et au chant

  • Chris Stainton aux claviers

  • Dave Markee à la basse

  • Henry Spinetti à la batterie

Les concerts des 3 et 4 décembre 1979 au Budokan Theatre de Tokyo au Japon, sont enregistrés et servent à constituer ce double album live, Just one night, qui sort le 16 avril 1980.

Un répertoire de classiques…

La setlist fait la part belle à tous les tubes de Clapton des années 70 : Lay down Sally, Wonderful tonight, Blues power, et un After midnight à 100 à l’heure avec une wah-wah survoltée :

La wah-wah encore sur Cocaine où le public reprend en chœur le titre du morceau à chaque fin de couplet :

Bien que ce soit la tournée promotionnelle de Backless, le disque n’occupe pas une place prépondérante dans le concert. Tout au plus 3 morceaux : l’ouverture Tulsa time (qui fermait l’album studio), If I don’t be there by morning, où Clapton lance « Albert Lee ! » pour le solo du guitariste, et le vieux blues traditionnel Early in the morning.

…et de blues

Le genre musical fétiche du guitariste est d’ailleurs amplement représenté sur ce live : sur les 14 titres, pas moins de 5 purs blues, et on pourrait même en compter 6, si on considère l’incursion de Have you ever loved a woman au milieu de Rambling on my mind. La version de Double trouble d’Otis Rush est souvent citée par les fans de Clapton comme l’un des sommets de sa carrière. Pas de démonstration expansive, mais plutôt un jeu tout en retenue, et une façon de tirer les cordes qui semble faire pleurer la guitare. Un minimum de notes pour un maximum d’émotion :

Les autres blues sont tout autant gorgés de feeling : la slide sur Early in the morning, le final énergique Further Up the Road , le mix de Rambling on my mind et Have you ever loved a woman, avec plusieurs changement de tonalité, et le long Worried Life Blues où Albert Lee troque la guitare pour le piano électrique.

Une reprise de… Dire Straits

Et Albert Lee joue plus qu’un rôle de guitariste rythmique sur cette tournée : il assure de nombreux solos sur plusieurs morceaux (Cocaine, Further Up the Road, If I Don’t Be There by Morning, All Our Past Times, le piano sur Worried Life Blues), sur All Our Past Times il prend le couplet chanté à l’origine par Rick Danko (de The Band), et surtout il prend les feux de la rampe sur Setting me up, sa reprise du morceau de Dire Straits, où Clapton devient pour le coup le second couteau.

Sorti sur le premier album du groupe au printemps 1978, ce morceau au riff typique country et au fingerpicking caractéristique de Mark Knopfler, fait l’objet d’une reprise par Albert Lee sur son album Hiding en 1979. Il l’a jouée tout au long de sa carrière, jusqu’encore ces dernières années.

Pour ces concerts de 1979, Eric Clapton offre ainsi le devant de la scène à son second guitariste (tout comme il le fera avec justement Mark Knopfler à la fin des années 80, lorsque ce dernier rependra son tube Money for nothing lors des concerts de slowhand) en lui donnant l’occasion de jouer 2 morceaux de « son » répertoire : cette reprise donc, et également Country Boy, mais qui ne sera pas retenue sur ce double album live, comme quelques autres titres.

Pas l’intégralité du concert

Les setlists des 3 et 4 décembre 1979 font apparaître un ordre légèrement différent, de même que des morceaux qui ne figurent pas sur Just one night, sans doute par limitation de l’espace sur les disques, ou peut-être tout simplement par choix :

3 décembre 1979

4 décembre 1979

  1. Tulsa Time
  2. Early in the Morning
  3. Lay Down Sally
  4. Wonderful Tonight
  5. If I Don’t Be There by Morning
  6. Worried Life Blues
  7. Country Boy
  8. All Our Past Times
  9. Blues Power
  10. Knockin’ on Heaven’s Door
  11. Setting Me Up
  12. Ramblin’ on My Mind
  13. After Midnight
  14. Cocaine
  15. Layla
  16. Further Up the Road
  1. Tulsa Time
  2. Early in the Morning
  3. Lay Down Sally
  4. Wonderful Tonight
  5. If I Don’t Be There by Morning
  6. Worried Life Blues
  7. Country Boy
  8. All Our Past Times
  9. Blues Power
  10. Double Trouble
  11. Knockin’ on Heaven’s Door
  12. Setting Me Up
  13. Ramblin’ on My Mind
  14. Cocaine
  15. Layla
  16. Further Up the Road

Il semblerait que ce soit principalement le concert du 3 qui ait été retenu pour l’album live, mais d’après les setlists (en supposant qu’elles soient correctes), il y a au moins Double Trouble qui proviendrait du 4. Comme toujours avec les enregistrements pirates, il est difficile d’avoir une information irréfutable, car un bootleg intitulé Budokan Hall (CD1 et CD2), mentionne le 3 décembre, et contient Double Trouble

Quoiqu’il en soit, ce qui est sûr, c’est que durant les concerts de 1979, la chanson Layla était jouée, mais n’a pas été retenue pour Just one night

L’apogée de “Blackie”

La fameuse Stratocaster noire de Clapton (assemblée à partir d’éléments de 3 modèles de 1956 et 1957) a été sa guitare principale durant la décennie 1973-1985. Apparaissant sur déjà deux autres couvertures d’albums (Slowhand et Backless), elle trône ici avec son maître, telle une hallebarde majestueuse, prête à dégainer riffs incandescents et solos immaculés.

Le son de Clapton étant parfaitement homogène sur tout l’album, on peut supposer que la quasi-intégralité des morceaux est jouée sur cette guitare, mis à part peut-être les 2 premiers, Tulsa time et Early in the morning, qui nécessitent un accordage en open tuning pour le jeu en slide. En 1985, Clapton joue les 2 premiers morceaux de ses concerts, Tulsa time encore, et Motherless children, en slide également, sur une Stratocaster bleue. L’avait-il déjà en sa possession en 1979 ? Aucune vidéo ne permet de le confirmer. En revanche, il se pourrait qu’il ait utilisé son autre Stratocaster fétiche, la non moins célèbre “Brownie”, figurant sur la pochette de son premier album solo, et au dos de celle de l’album des Dominos. C’est cette guitare qu’il joue sur la version studio de Layla, peut-être l’a-t-il également privilégiée en concert, mais ce n’est pas catégorique car il existe des vidéos des années 70 où il joue le morceau sur Blackie.

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Eric Clapton avec sa Stratocaster « Blackie », sur la photo intérieure du disque

Quoiqu’il en soit, Layla n’apparaissant pas sur Just one night, et si on omet les 2 premières chansons, on peut considérer que ce double album live représente la quintessence du son “Blackie”. Une guitare légendaire, un musicien qui ne l’est pas moins, et un disque qui a marqué des générations de guitaristes. Sur la pochette intérieure, on peut voir d’ailleurs une autre photo de Clapton avec sa six-cordes culte, ainsi qu’une peinture de Ken Konno et un texte du musicien à l’adresse de ses fans japonais.

La pochette intérieure du vinyle

A tour of Japan is something which I always approach with mixed feelings.

The audiences are invariably generous and almost over appreciative, but the pitfalls still exist: ill health, the feeling of being somewhat of a freak in the tightly closed society they are so proud of, but all in all it never fails to work out sweetly for all involved.
– Many Thanks to Mr Woo, tats and talk – See you again soon

– Eric Clapton 12. march.1980 –

Une tournée au Japon est quelque chose que j’aborde toujours avec des sentiments mitigés.

Le public est invariablement généreux et presque trop reconnaissant, mais les écueils existent toujours: le sentiment d’être comme un monstre de foire dans la société étroitement fermée dont ils sont si fiers, mais dans l’ensemble, tout se passe harmonieusement pour tout le monde.
– Merci beaucoup à M. Woo, ses tatouages et échanges – On se revoit bientôt

– Eric Clapton, 12 mars 1980 –

Ce texte qui exprime la vision occidentale face à la société nippone est signé de la main de Clapton au 12 mars 1980, soit juste un mois avant la sortie du disque. C’était il y a 40 ans aujourd’hui, et la crise mondiale actuelle pourrait bien nous faire voir les choses sous une perspective légèrement différente.

© Jean-François Convert – Avril 2020

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8 commentaires sur “Il y a 40 ans sortait le live “Just one night” d’Eric Clapton

  1. How come there is no footage of this show?

    1
    1. I Don’t know. Maybe at this time, filming was not the priority for EC’s management ?
      I Don’t know the Reason. They chose to record it, not to film it. Don’t know why. Maybe the cost ?

  2. Sympa cette revue de Just One Night (mon 2ème CD et mon premier d’Eric Clapton, en 1989/90).
    La strat bleue dont vous parlez est une copie de Blackie que Clapton avait commandé au luthier Roger Giffin en 1983.

    http://www.giffinguitars.com/client_list.htm

    2
    1. J’ajouterai que la guitare qui servait donc au slide à cette époque n’était pas Brownie (qui était le backup de Blackie il me semble bien), mais une de ses soeurs, une autre sunburst de 1956 : https://www.christies.com/lot/lot–1526068/?from=salesummary&intObjectID=1526068

      1
    2. merci pour l’info et le lien

  3. Existe il une version filmée de ce concert ?

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    1. non pas à ma connaissance. S’il y en avait une, elle aurait fait surface sur YouTube

  4. Merci pour la nostalgie…

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