Le 13 octobre 1921 naissait Ivo Livi en Toscane. Un siècle après, impossible d’oublier cet artiste monument du patrimoine français.
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Acteur ou chanteur ?
On peut le ranger indifféremment dans l’une ou l’autre catégorie tant il a excellé dans les deux. Il a débuté sur la scène du Music-Hall, puis Edith Piaf l’a embarqué rapidement sur les plateaux de cinéma dès 1945 avec Etoile sans lumière. Mais lui ne se sentira réellement acteur qu’à partir de 1965 avec le film Compartiment tueurs. Il fera ensuite plusieurs aller-retours entre la chanson et le cinéma, jusqu’à la fin de sa vie, un de ses derniers films étant un mélange des deux : Trois places pour le 26 de Jacques Demy, en 1988.
Peu d’artistes peuvent se targuer d’avoir été des références dans les deux disciplines. On pense éventuellement à Jacques Dutronc, ou Frank Sinatra et Dean Martin, mais aucun n’a joué autant de rôles différents et été en même temps une icône de la chanson.
Une idole de jeunesse
Pour ma part je l’ai d’abord découvert à travers La chansonnette, puis surtout le double album Olympia 81. On est en 1982, j’ai onze ans, je viens de rentrer en sixième, et mes années collèges vont être à fond ‘Montandmania’. Dès l’année suivante je demande un disque de Montand pour mon anniversaire (en même temps que Thriller de Michael Jackson) et mon plaisir va être dédoublé car je reçois un double album, une compilation de ses débuts. Deux disques que je vais écouter en boucle, en alternance avec les cassettes de Olympia 81 ainsi que les Chansons populaires de France.
Une carrière musicale phénoménale, impossible à résumer en quelques lignes, même si j’ai tenté d’en extraire ’10 chansons cultes’ pour une chronique sur franceinfoculture . Je prévois d’ailleurs d’en rédiger une autre en prenant le contrepied, avec ’10 chansons moins connues’.
Et puis les films bien sûr. Hors de question d’en rater un seul lors d’une diffusion à la télévision. Il fallait parfois négocier avec les parents quand certains long-métrages étaient catalogués « pour adultes » sur Télérama. Je me souviens avoir tenu bon pour obtenir la permission de regarder Police Python 357, qui est devenu mon film culte préféré ex-aequo avec Il était une fois dans l’ouest.
Mais le premier film que j’ai vu en tant que « fan » était Tout feu tout flamme, même si j’avais déjà du voir La folie de grandeurs plus jeune. Viendront ensuite tous les grands classiques, du Salaire de la peur à Vincent, François Paul et les autres, en passant par L’aveu, Z ou César et Rosalie. Et j’ai même eu l’occasion de le voir en salles en 1985 avec Jean de Florette / Manon des sources, en 1988 pour Trois places pour le 26, et enfin en 1992 dans IP5, sorti après sa mort.
Dans le même esprit que ma chronique ‘10 chansons cultes’ pour une chronique sur franceinfoculture, je prépare une sélection ’15 films cultes’ de Montand, publication prévue dans les prochains jours.
Une personnalité controversée
Il y a quelques jours, quand j’ai partagé ma chronique de franceinfoculture sur les réseaux sociaux, une personne a commenté en disant « un sale type ». Je ne peux objectivement pas lui donner tort. Ce n’est un secret pour personne, Montand était souvent odieux avec son entourage, notamment les gens avec qui il travaillait, que ce soit ses musiciens ou les techniciens. Un collègue qui en a fait l’amère expérience me l’a même confirmé.
On ne peut pas dire non plus qu’il ait été un mari exemplaire. En dehors de ses conquêtes extra-conjugales, il était en plus tout sauf tendre avec Simone Signoret, qui lorsqu’elle enregistrait une émission coupait court en disant « on reprend demain parce qu’il va arriver »… Impossible non plus d’ignorer les accusations portées par Catherine Allégret. Oui c’est sûr, Montand était loin d’être un saint.
Alors quoi ? Faut-il encore ressortir la formule éculée « dissocier l’homme de l’artiste » ? Comme le dit si bien Blanche Gardin dans un de ses sketches, il n’y a que dans le domaine artistique où on invoque cet argument de séparer la personne de son métier. Il ne viendrait à l’idée de quiconque de défendre par exemple un boulanger accusé de viol avéré en disant « oui mais il fait du très bon pain ».
Donc non je n’ai aucun argument valable pour « défendre » Montand. Pas plus que Brel, immense poète et chanteur, mais à la vie personnelle loin d’être exemplaire, pas plus que Knopfler génial songwriter-guitariste qui par moments a eu un comportement dictatorial dans sa carrière, pas plus que Roger Waters grand mégalomane paranoïaque mais compositeur et parolier plus qu’inspiré, pas plus que Jagger et Richards duo de référence dans l’histoire du rock, mais avec qui il vaut sans doute mieux ne pas rentrer en conflit, pas plus que … la liste est bien trop longue.
Non ce n’est bien sûr pas une excuse. Et oui, je n’ai guère aimé le Montand flirtant avec la politique, ou donnant des leçons à la télévision dans Vive la crise ! Et non, je ne peux cautionner ses agissements qui vont à l’encontre de mes valeurs.
Mais dans le même temps, il m’est impossible de tirer un trait sur ses chansons et ses films. Et je ne peux me résoudre à ne plus l’écouter chanter ou le voir jouer. Alors je continuerai à me passer en boucle Olympia 81 et revoir encore et encore Police Python 357.
Et en guise de conclusion, ma vision forcément ultra-subjective en croise une autre, celle du toujours excellent Luc Laget, qui nous résume Montand « en 10 madeleines » dans son désormais incontournable Blow Up sur Arte :
© Jean-François Convert – Octobre 2021