Cela fait un quart de millénaire que l’un des plus grands compositeurs a vu le jour.
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Baptisé le 17 décembre 1770, Ludwig van Beethoven serait né soit le jour-même, soit la veille. Certains documents mentionnent également le 15. A un ou deux jours près, cela fait bien 250 ans qu’est né l’un des plus grands compositeurs de toute l’Histoire de la Musique.
Sommaire
La star des compositeurs classiques
Peut-être encore plus que Mozart, Beethoven incarne l’archétype du compositeur classique. Et surtout, il représente la figure intemporelle de l’artiste déchiré, au destin tragique. Difficile en effet de concevoir qu’il est devenu sourd à partir de 27 ans, tout en continuant à composer des œuvres qui sont restées des références dans l’Histoire de la Musique ! Des pièces musicales qu’il n’a entendues que dans sa tête…
On lui a souvent prêté un tempérament acariâtre. Mais avec une volonté et un optimisme hors du commun, Ludwig Van Beethoven n’a cessé de célébrer dans sa musique le triomphe de l’héroïsme et de la joie, alors que sa situation le prédestinait au départ plutôt vers l’isolement et la misère.
Et si Beethoven reste encore aujourd’hui un des compositeurs classiques les plus cités, c’est tout simplement parce qu’il est l’auteur d’innombrables morceaux célèbres. Un faiseur de tubes avant l’heure.
Une avalanche de “tubes”
L’œuvre de Beethoven regorge d’incontournables “tubes”, connus dans le monde entier. Impossible d’en proposer une liste exhaustive. Quelques-uns parmi les plus célèbres :
La lettre à Elise
Quand on apprend le piano classique, comme ce fut le cas pour l’auteur de ces lignes dans ses jeunes années de collégien, Für Elise fait partie des passages obligés. Qui n’a jamais entendu cette ritournelle ternaire et mélancolique?
Une couleur musicale dont Chopin s’est sans doute inspiré dans ses fameuses valses. Et tout comme le pianiste franco-polonais adaptait ses Nocturnes en versions piano seul, ou piano et orchestre, La lettre à Elise a également été arrangée pour piano et ensemble philharmonique :
On connait la reprise de Coluche du Temps des cerises, joué au violon avec des gants de boxe, ou son massacre de Jésus que ma joie demeure de Bach. Il a renouvelé son forfait avec La lettre à Elise dans une version volontairement saccagée, avec ses acolytes de fanfare :
Marche turque des Ruines D’Athènes
Un leitmotiv inoubliable qui rythmait très souvent nos trajets en voiture lors des départs en vacances. Non que l’attrait pour les marches militaires faisait partie de la culture familiale (plutôt le contraire d’ailleurs), mais simplement que l’entrain mélodique et rythmique accompagnait tout naturellement la joie de partir en villégiature.
Tout comme Mozart avait eu sa célèbre Marche turque, Beethoven se devait d’en faire figurer une au sein de son oeuvre :
L’hymne à la joie
Le final du dernier mouvement de sa dernière symphonie. Une sorte d’épitaphe musicale. 120 ans avant la construction de l’Europe, Beethoven met en musique le poème de Friedrich von Schiller : “L’ode à la joie” (“Ode an die Freude”). Il deviendra plus tard l’hymne européen.
Une musique à la saveur particulière dans l’histoire familiale. Elle évoque avant tout pour moi un certain 21 mai 1981, jour de mes 10 ans. Réunie autour du gâteau d’anniversaire, et de, entre autres, deux aventures de Fantômette de la “Bibliothèque Rose”, reçues en cadeau, la famille assistait à l’investiture de Mitterrand, et son dépôt de roses au Panthéon, au son de ce quatrième mouvement de la 9ème symphonie de Beethoven. Je n’oublierai jamais la profonde émotion de mon père ce jour-là.
La sonate “Clair de lune”
Connue surtout pour son premier mouvement Adagio Sostenuto et sa tristesse pesante et grave, cette sonate est l’une des plus belles pièces de piano jamais composées. Son atmosphère presque funéraire l’amène à être souvent interprétée lors de cérémonies d’enterrement. Ce fût encore le cas récemment, en début d’année pour le décès du basketteur Kobe Bryant, où la chanteuse et pianiste Alicia Keys était accompagnée d’un quatuor à cordes :
John Lennon a indiqué s’être inspiré de la progression d’accords du premier mouvement de cette sonate, mais en la jouant dans l’ordre inverse, pour composer le superbe Because, qui figure sur le chant du cygne des Beatles, Abbey road. En étudiant scrupuleusement la grille d’accords de la chanson, il apparaît que ce n’est PAS la Sonate de Beethoven à l’envers comme cela a parfois été dit. Néanmoins, l’influence harmonique est indéniable :
Quand il s’agit de citer les « trois B » (Bach, Beethoven et Brahms), certains ironisent en disant : Bach , Beethoven et les Beatles. Cette proximité musicale est bien plus réelle qu’on ne le croit, en témoigne la présence du compositeur allemand dans nombre d’œuvres modernes…
Repris dans la culture populaire
Un livre entier ne suffirait sans doute pas à lister les références à Beethoven dans tous les arts, que ce soit en musique, cinéma, sketchs, ou bande dessinée. Quelques exemples :
Chuck Berry, les Beatles et Electric Light Orchestra
Si John Lennon s’est inspiré de La sonate “Clair de lune” pour composer Because, George Harrison quant à lui, aimait reprendre un tube de Chuck Berry : Roll over Beethoven. Ou comment associer le compositeur allemand et le rockabilly
La chanson a été maintes fois reprise, de Jerry Lee lewis à Status Quo, en passant par les Rolling Stones. Mais Electric Light Orchestra avait la particularité d’introduire le morceau par le célèbre thème du premier mouvement de la 5ème Symphonie :
Stanley Kubrick dans Orange mécanique
Stanley Kubrick a toujours utilisé de la musique classique dans ses films, la plupart du temps à contre-emploi, pour sublimer des séquences choc, et surtout en prenant un contre-pied radical : un décalage entre images et bande-son parfaitement assumé, afin de susciter la surprise, voire le malaise.
Les pérégrinations violentes d’Alex dans Orange mécanique (1971) se font au son des 2ème et 4ème mouvements de la 9ème Symphonie de Beethoven.
Gotlib et sa Rubrique-à-Brac
Le génial dessinateur a maintes fois croqué des musiciens et compositeurs de tous styles. Le grand Ludwig Van Beethoven n’a pas échappé à son humour inimitable. Cette double page figurant dans le Tome 4 de La Rubrique-à-Brac se focalise justement sur la Symphonie Pastorale, dont il est question plus bas.
Et il est amusant de noter que la couverture de ce même Tome 4, paru en 1973, représente l’auteur en version parodique du personnage principal d’Orange Mécanique, film sorti deux ans auparavant. La boucle est bouclée
Un film avec un chien au nom du compositeur
Il fallait oser : donner le patronyme du compositeur à un Saint-Bernard… si le chiot répond en aboyant aux notes de la 5ème, c’est bien le tube de Chuck Berry, remanié en version plus moderne, qui trône en bonne place sur la Bande Originale du film.
Une interprétation à la manière de…
Dans cette émission comique britannique des sixties Beyond the Fringe, le musicien et comédien Dudley Moore parodie une sonate dans le plus pur style beethovénien, en brodant autour du thème du Pont de la rivière Kwaï… brillantissime !
Impossible de lister toutes les références à Beethoven dans les séries, films, musiques, dessins animés ou autres. Mais cet article du blog “Moïcani – L’Odéonie” en recense déjà un bon nombre.
Si le compositeur allemand a été autant cité, parodié, repris, détourné… c’est parce qu’il est avant tout un chaînon capital dans l’évolution de la musique au cours des derniers siècles.
Transition entre classicisme et romantisme
Beethoven est reconnu comme le dernier grand représentant du classicisme viennois, après Haydn et Mozart. Il a d’ailleurs joué devant ce dernier en avril 1787. Après un premier morceau qui laisse le compositeur de Salzbourg un peu froid, il improvise un second sur un thème proposé par le maître. Cette deuxième prestation fera dire à Mozart envers ses convives :
« Faites attention à celui-là, il fera parler de lui dans le monde »
Mozart à propos de Beethoven
En 1792, il rencontre Joseph Haydn à Bonn qui l’invite à venir étudier à Vienne. Le Comte Waldstein qui a organisé la rencontre lui écrit cette recommandation qui résume en quelques mots la filiation musicale de Beethoven :
« Cher Beethoven, vous allez à Vienne pour réaliser un souhait depuis longtemps exprimé : le génie de Mozart est encore en deuil et pleure la mort de son disciple. En l’inépuisable Haydn, il trouve un refuge, mais non une occupation ; par lui, il désire encore s’unir à quelqu’un. Par une application incessante, recevez des mains de Haydn l’esprit de Mozart. »
Mais au fil des années, Beethoven va s’émanciper de ces influences classiques pour forger son propre style devenu lui-même une référence. Le tournant du siècle l’accompagne dans sa période dite “héroïque”, entre 1802 et 1812. Et il s’affirme comme un mythe, déjà de son vivant. Il est ce que l’on appellerait aujourd’hui un compositeur « culte ».
L’inspiration des grands maîtres classiques est bien là, mais certaines atmosphères laissent entrevoir ce que sera le romantisme du 19ème siècle. L’utilisation des cordes, et les tournures mélodiques, influeront Wagner, Brahms, Verdi ou même Chopin.
Concernant Brahms, il sera d’ailleurs étiqueté comme « le troisième B », après Bach et Beethoven. Trois compositeurs nés de l’autre côté du Rhin, souvent présentés comme la sainte trinité d’une sorte de nationalisme musical du peuple allemand :
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Bach, le père éternel
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Beethoven, le héros
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Brahms, le brillant héritier
En position centrale, Beethoven occupe la figure de la transmission et de l’universalisme. Un rôle pris très à cœur par l’Allemagne qui l’a érigé en véritable héros national, et comme un des éléments fondamentaux du patrimoine national, de la même façon que le sera plus tard Wagner, pour un dessein malheureusement hautement plus funeste.
Hors des frontières de son pays, et notamment en France, le mythe Beethoven se situait essentiellement sur le plan musical et éthique, développant l’image d’un musicien républicain pour le peuple, ou animé d’une exigence esthétique absolue — avec ses quatuors notamment — pour les belles âmes.
Parmi ses 9 symphonies, deux consécutives ont particulièrement marqué les esprits : la 5ème et la 6ème.
Pom pom pom pom
Quand on évoque le nom de Beethoven, un air vient instantanément à l’esprit : celui du premier mouvement de sa symphonie numéro 5, dite Symphonie du Destin. Une ouverture fracassante faisant l’effet du tonnerre, et qui aujourd’hui encore reste son morceau le plus connu, sans aucun doute le plus célèbre de toute la musique dite « classique », et peut-être même de toute l’histoire de la Musique, tous styles confondus….
Le riff le plus célèbre de toute l’Histoire de la Musique, ce n’est pas ‘Smoke on the water’, c’est la 5ème de Beethoven !
Joe Satriani
Quatre notes devenues avec le temps le cliché incontournable de la musique symphonique. L’étalon référence pour toute ouverture orchestrale. L’Olympe du riff inoubliable. La mélodie ultime. Et pourtant d’une simplicité harmonique confondante.
Mais c’est oublier le développement du thème qui part en fugue virevoltante, les notes semblant courir après les autres. Et une dynamique imposante qui alterne puissants fortissimo et subtils pianissimo, envolées grandiloquentes et retenues sur la défensive. Des nuances en clair-obscur qui retranscrivent parfaitement l’esprit tourmenté de l’artiste.
Et on ne parle ici que de l’introduction du 1er mouvement ! Alors que la symphonie entière dure près d’une demi-heure :
Mais rien à faire : alors que la suivante, la fameuse “Pastorale”, restera connue dans sa quasi-intégralité, cette symphonie n°5 n’aura laissé à la postérité que cette tonitruante introduction.
On ne compte plus les citations musicales de ces notes mondialement célèbres, les détournements, les parodies, les clins d’œils. Parmi une liste incommensurable, je cite une utilisation par un artiste qui m’est cher : Yves Montand, avec sa chanson-sketch Le chef d’orchestre est amoureux
La symphonie N°6 “Pastorale”
Dans l’oeuvre de Beethoven, il est très fréquent qu’on cite en premier lieu l’ouverture de la 5ème symphonie, et le final de la 9ème, avec son chœur sur le poème “L’ode à la joie” (“Ode an die Freude”) de Friedrich von Schiller, devenu hymne européen.
Mais pour ma part, la passion paternelle pour la musique classique m’a d’abord transmis le plaisir d’écouter cette 6ème symphonie, dite “Pastorale”.
Cette version dirigée par Carlos Kleiber est légèrement plus rapide que celle qui a bercé mon enfance, mais est réputée comme une des meilleures. Et son ovation finale du public avec des cris dignes d’un concert de rock, confirment le statut de Beethoven comme une véritable star de la musique, tous styles confondus.
“Plus vrai que nature”
A travers ces cinq mouvements, Beethoven a su retranscrire la nature champêtre qu’il connaissait si bien : Les travaux aux chants, l’orage, le sifflement d’un oiseau, les repas et fêtes des paysans. L’ode à la nature avait déjà été mise en musique par d’autres musiciens auparavant, le plus célèbre étant Antonio Vivaldi avec ses Quatre saisons. Mais ce dernier lui avait donné un air majestueux et solennel, un côté menuet et guindé, un esprit révérences à la cour de Versailles.
Au contraire, le compositeur allemand rend presque réaliste le décor bucolique qu’il nous donne à écouter : La douce brise dans les feuilles, l’écoulement d’un ruisseau, les tourbillons de cordes qui évoquent les rivières ou les torrents, comme le fera plus tard Smetana dans la Moldau (en 1874), ou encore le sifflotement d’un oiseau, dont saura se souvenir Prokofiev dans Pierre et le loup
Fantasia
Ce parallèle avec le célèbre conte musical pour enfants n’est pas anodin. La symphonie pastorale a été utilisée par Walt Disney dans Fantasia, en 1940. Mais d’une part, elle a été transposée dans un univers mythologique avec des chevaux ailés, dont le fameux Pégase, future monture du héros olympien Hercules ; et d’autre part, sa durée initiale de 40 minutes a été réduite de moitié pour les besoins du film, ce que nombre de puristes mélomanes n’ont pas pardonné au roi du dessin animé et au chef d’orchestre Leopold Stokowski, les accusant d’avoir saccagé l’œuvre de Beethoven.
La synthèse du style beethovénien
Et pour terminer, ce magnifique mouvement final avec son thème à 3 temps qui ferait presque penser à une valse viennoise. La mélodie tourne et s’enroule autour des notes. Une ambiance à mi-chemin entre le classicisme de Mozart, et le romantisme de Strauss. Toute la synthèse de la transition musicale de l’oeuvre de Beethoven.
Ce n’est pas un hasard si je conclus avec cette oeuvre chargée de souvenirs émotionnels forts. Beethoven s’inscrit dans la transition musicale, dans la transmission artistique, la passation du talent et du génie, depuis Bach et Mozart, jusqu’aux grand romantiques. Et justement, la transmission de l’amour de la musique, elle m’est venue en grande partie à travers des œuvres comme cette symphonie pastorale. La passion pour l’art, c’est aussi parfois une histoire de filiation, et 250 ans après la naissance de Beethoven, la tradition se perpétue, fort heureusement.
© Jean-François Convert – Décembre 2020
SOURCES
- Wikipedia
- YouTube
- Rubrique-à-Brac
- Illustration © Denys Legros
- Nombreuses écoutes, et études au piano