Stanley Kubrick est parti pour sa propre Odyssée il y a 20 ans

Il y a tout juste 20 ans disparaissait un des plus grands réalisateurs de l’histoire du cinéma : Stanley Kubrick. Son utilisation de la musique a brillamment accompagné sa mise en scène révolutionnaire.

Trois films marqués par la musique classique

Depuis 2001, l’Odyssée de l’espace en 1968, on n’écoute plus Le beau Danube bleu et Ainsi parlait Zarathoustra de la même façon.

Bien avant les trompettes luxuriantes de John Williams qui ouvriront Star Wars près d’une décennie plus tard, Kubrick démarre son film par plusieurs minutes de noir et silence à sa sortie en salle, suivies par cette œuvre de Richard Strauss, inspirée elle-même d’un poème philosophique de Nietzsche.

Puis il choisit le contre-pied avec une valse viennoise de Johann Strauss II (fils), qui de prime abord ferait plutôt penser à la saga des « Sissi », pour illustrer ses images spatiales, totalement novatrices à l’époque.

Le thème du début revient pour la fin énigmatique du film (dont le sens avait été révélé par une interview de Kubrick lui même !) :

Trois ans plus tard, ce sont les musiques de Beethoven, Rossini, Elgar… qui ont ses faveurs pour le très noir Orange Mécanique :

Là encore, depuis ce film, difficile d’entendre désormais Singing in the rain avec la fraîcheur innocente de la version originale

Le film suivant, Barry Lyndon en 1975, regorge de pièces de Mozart, Bach, Schubert ou Vivaldi, mais surtout magnifie la sarabande d’Haendel, et remet au goût du jour le traditionnel Women of Ireland, bien avant que le groupe The Christians n’en fasse un tube en 1990 avec Words.

La musique, partie intégrante de la mise en scène

Son utilisation de la musique classique a commencé pour la première fois avec 2001. Mais en dehors des œuvres classiques, Kubrick a également fait appel à des compositeurs contemporains pour les bandes originales de ses films :

Wendy Carlos pour Orange Mécanique, Penderecki, et Ligeti pour Shining (qui contient aussi du Bartók), György Ligeti à nouveau pour Eyes Wide Shut.

Le réalisateur souhaitait que la musique de ses films soit composée par des auteurs de l’époque correspondante à l’histoire. C’est ainsi que sur Full Metal jacket traitant de la guerre du Vietnam, il utilise des chansons des sixties, même si le film est surtout resté célèbre pour son inénarrable Sergent Hartman.

Le célèbre Sergent Hartman, par © Denys Legros

Mais il n’a pas pu appliquer cette règle à Barry Lyndon, car ni Bach, ni Mozart ni Haendel n’ont vécu à l’époque où se déroule l’histoire (18ème siècle). Il en expliquait la raison :

“J’ai chez moi toute la musique du XVIIIe siècle enregistrée sur microsillons. Malheureusement, on n’y trouve nulle passion, rien qui, même lointainement, puisse évoquer un thème d’amour.”

Stanley Kubrick

D’ailleurs pour les scènes de duels, il ne trouve aucune musique d’époque suffisamment dramatique. C’est pourquoi il demande à Leonard Rosenman de réorchestrer la Sarabande de Haendel à un tempo plus lent.

Cette utilisation de la musique faisait partie intégrante de sa mise en scène, à l’instar d’un Leone, un Hitchcock ou un Chaplin. On pourrait citer de nombreux autres exemples dans Spartacus, Docteur Follamour, ou Les Sentiers de la gloire. Une façon de combiner images et sons, impressions picturales et sensations sonores, cadrages et lumière raffinés avec lyrisme et emphase mélodique.

Si le 7ème art a connu sa plus belle osmose avec le 4ème, c’est en grande partie grâce aux films de Stanley Kubrick.


© Jean-François Convert – Mars 2019

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