Une chanson à la loupe: ‘Love me do’ des Beatles a 60 ans aujourd’hui

Le 5 octobre 1962 arrivait dans les bacs anglais ce single qui allait révolutionner l’histoire de la musique moderne. Retour sur la génèse de cet événement fondateur.

La première pierre d’une carrière incroyable

Dire de la musique des Beatles qu’elle a changé la face du monde est un euphémisme. Les quatre de Liverpool restent encore aujourd’hui sans doute le groupe de pop-rock le plus célèbre aux quatre coins du globe. Leur premier morceau à sortir en 45 tours est Love Me Do, le 5 octobre 1962 au Royaume-Uni. Il se place rapidement en 17ème position des charts anglais. Quand il sortira aux Etats-Unis le 27 avril 1964 (avec une autre pochette), il sera numéro un le 30 mai suivant.

Le rouleau compresseur des Fab Four était lancé, et la Beatlemania allait s’imposer comme l’un des phénomènes populaires les plus marquants de la seconde moitié du 20ème siècle. Grâce au livre “Les Beatles, La Totale” de Philippe Margotin et Jean-Michel Guesdon (Chêne/EPA), on connait quasiment toutes les coulisses de cette chanson qui a lancé la carrière du groupe.

Une des premières du duo Lennon-McCartney

John Lennon a raconté dans une interview au Hit Parader en 1972 : « c’est une des premières chansons qu’on ait écrites (Paul a commencé à chanter quand il avait 15 ans) et c’est aussi la première de nos chansons qu’on ait osé jouer en public ». On sait que quelques années plus tard, chacun composera de son côté malgré l’annotation Lennon-McCartney sur les crédits des morceaux. Mais durant ces premières années, John et Paul écrivaient et composaient réellement ensemble. Bien que John accorde la plus grande paternité de Love Me Do à Paul, ce dernier se souvient plutôt d’une création partagée :

« ‘Love Me Do’ était vraiment le fruit d’une collaboration écrite 50/50 par John et moi »

Miles Barry – ‘Paul McCartney, many years from now’ (Secker & Warburg 1997)

De son côté, Pete Best rapporte l’avoir entendue sous le titre Love, love me do un après midi d’avril 62 où ils répétaient dans leur appartement de Hambourg pendant leur 3ème séjour dans la ville allemande.

Les Beatles au Star-Club à Hambourg le 13 avril 1962 (Source : https://www.beatlesbible.com)

Ce même Pete Best qui est viré par George Martin lors de l’audition du groupe le 6 juin 1962. Cette session légendaire (au cours de laquelle figure d’ailleurs Love me do parmi les chansons enregistrées) les fait signer avec le producteur, propriétaire du label Parlophone. Il choisit de changer le batteur et embauche Ringo Starr. Comble du destin, ce n’est pas lui qui va officier aux baguettes sur ce premier morceau des Beatles. Enfin ça dépend… Explications.

Quel batteur ?

© Denys Legros

Le 4 septembre 1962 est enregistrée une première version avec Paul au chant et à la basse, John à l’harmonica et aux chœurs, George à la guitare acoustique et Ringo à la batterie, mais qui n’est pas jugée satisfaisante. Une deuxième session a lieu le 11 septembre avec Andy White à la batterie. Engagé par Martin pour « assurer le coup », il peut se targuer d’être l’unique musicien à avoir remplacé un Beatle en studio. Sur cette deuxième version, Ringo est relégué au tambourin.

Ringo, Paul, John et George lors de la session du 4 septembre 1962 © “Les Beatles, La Totale” de Philippe Margotin et Jean-Michel Guesdon, Chêne/EPA

Mais bizarrement, les premiers tirages du single qui sort le 5 octobre sont avec la version 1 du 4 septembre et donc avec Ringo derrière les fûts ! En revanche sur l’album Please, Please me, il s’agit de la version 2 avec Andy White. L’élément qui permet de différencier facilement les deux versions est la présence ou non du tambourin.

Du « blues de Liverpool »

Sur ce morceau qui allait lancer leur carrière internationale, les Beatles essayaient de « sonner blues »… encore un argument de plus en faveur du fait que l’opposition Beatles/Stones n’était pas aussi tranchée qu’on le dit couramment. Mais de l’aveu même de Paul :

« ça sonnait blanc parce qu’on était de jeunes musiciens blancs de Liverpool »

Paul McCartney

En plus du trio classique guitare-basse-batterie, les claps donnent forcément une couleur plus légère et populaire qui empêche le morceau de sonner « roots ». Et puis il y a l’harmonica de John…

« John était un bon harmoniciste » confirme Paul. Mais pour les puristes, on n’est pas dans la même cour que les vrais bluesmen qui eux ne jouent que de l’harmonica diatonique, alors que Lennon joue sur un chromatique, c’est-à-dire avec un bouton pour accéder aux dièses et bémols. Il en était un peu complexé, et l’avait avoué à Brian Jones, lui aussi fan d’harmonica blues.

Quant aux paroles, Paul les revendique. Il a d’ailleurs quelques années plus tard racheté les droits de Love Me Do, ainsi que de la face B du single P.S. I love you. Il est ainsi propriétaire de deux chansons des Beatles… et c’est tout, aussi étrange que cela puisse paraitre. John lui n’en possédait aucune.

Les arcanes des droits d’auteurs est un imbroglio ultra complexe qui arrive souvent à ce genre d’absurdité : à cette époque, les artistes eux-mêmes ne sont pas « propriétaires » de leurs œuvres. La plupart du temps, ce sont les maisons de disques.

Le premier succès d’une longue série

Et justement à propos de Love Me Do, une légende tenace rapporte que Brian Epstein aurait lui même racheté 10 000 singles pour faire grimper le morceau à la 17ème place des charts. Mais John l’a contesté dès 1963 : « la chanson est entrée dans les charts en deux jours et tout le monde a pensé que c’était une combine. Comme les magasins de notre manager réclamaient des réassorts, tout le monde dans le sud s’est dit ‘ah ah il les achète lui même !’ Mais ce n’était pas la cas ».

Brian Epstein au Grand Gala du Disque le 1er octobre 1965 © Joop van Bilsen / Anefo / Wikimedia Commons

Brian Epstein a également démenti cette rumeur en 1964 : « Quand bien même j’aurais eu la possibilité financière de le faire, ce qui n’était pas le cas, je ne l’aurai pas fait. Les Beatles n’avaient pas besoin de ça pour percer »

On ne peut que lui donner raison : les Fab Four ont par la suite démontré à de multiples reprises leur talent et le succès phénoménal ne s’est jamais démenti après ce premier single, sorti il y a tout juste 60 ans aujourd’hui.

Source : “Les Beatles, La Totale” de Philippe Margotin et Jean-Michel Guesdon, Chêne/EPA

© Jean-François Convert – Octobre 2022

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2 commentaires sur “Une chanson à la loupe: ‘Love me do’ des Beatles a 60 ans aujourd’hui

  1.  »The long and winding road » jusqu’au roof top ,let it be !
    Bel article… Non comment….

    1

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