Ma visite à la ‘Putain d’Expo !’ sur Renaud

Retour sur ma visite samedi dernier de l’exposition à la Philharmonie de Paris consacrée à Renaud.

Renaud encore bien vivant !

Une rétrospective sur un artiste encore vivant, ça peut laisser songeur. D’ailleurs Renaud était lui-même dubitatif sur l’idée, comme il l’explique sur le panneau en début d’exposition. Et puis finalement il s’est laissé convaincre. Et il est même venu la visiter avec ses proches, comme nous le raconte cet article dans Le Parisien. Il a au passage rappelé que même s’il était « à la retraite pour les tournées » il continuait d’enregistrer en studio, et un disque de reprises de classiques de la chanson française est prévu pour le mois de février. Le dernier album en date du chanteur est Les mômes et les enfants d’abord, sorti il y a 2 ans en novembre 2019. ► ma chronique sur franceinfo

L’entrée de la Cité de la Musique

Une multitude de souvenirs

Un Renaud bien vivant donc, dont le frère jumeau David s’est penché sur la multitude d’archives retraçant la carrière du chanteur énervant. Et force est de constater que cette Putain d’expo regorge d’objets et documents savoureux. Une plongée dans l’intimité d’un artiste qu’on a l’impression de connaitre comme un pote, un grand frère, un mono de colo…

© Denys Legros

La famille

L’histoire familiale d’abord avec des lettres, des photos, des films Super 8… Au centre du panorama ci-dessous, le père Olivier Séchan vers 1942, et en dessous la mère Solange (décédée récemment, en 2019), qui a travaillé entre autre en usine à Saint-Etienne.

© Putain d’Expo ! Archives Familiales Séchan

Les archives dévoilent des échanges de l’intimité paternelle et filiale entre Renaud et son père, notamment avec cette lettre très touchante écrite par Olivier Séchan au milieu des années 80, mais jamais adressée à son fils. On suppose que le chanteur l’a découverte ultérieurement :

© Putain d’Expo ! Archives Familiales Séchan

Les films super8 révèlent des moments familiaux d’un grande tendresse. Y transpire la France des années 50-60 en noir et blanc ou sepia, avec son ambiance d’insouciance et de légèreté bucolique. Et puis la fameuse séquence du très beau film Le ballon rouge (Albert Lamorisse, 1956) où Renaud et David apparaissent à l’âge de 4 ans. On apprend que leur oncle était chef opérateur sur le tournage.

La première salle de l’expo

Une graine d’artiste

Mais encore plus que les souvenirs de famille, ce sont surtout les objets personnels de l’enfance de Renaud qui attirent l’attention : ses carnets où il notait ses textes, ses dessins, ses premiers écrits : chansons, mais aussi nouvelles, essais, lettres… Certains documents témoignent de sa précocité à écrire bien avant la célébrité :

© Putain d’Expo !

Viennent ensuite ses années lycée et bien sûr Mai 68 avec le célèbre Crève salope !, dont le manuscrit original est présenté ici. Des archives photos et vidéos complètent cette période qui voient l’éclosion du Renaud social et contestataire, en même temps que l’amateur d’humour potache. Mention spéciale au faux journal Le zonard déchainé, petit bijou parodique accompagnant les débuts du chanteur à Bobino.

Des pièces rares

Une des forces de l’exposition est de proposer des documents inédits comme par exemple des manuscrits de chansons non enregistrées telles Le retour de la vengeance de Gérard Lambert. Les originaux des paroles de grands classiques comme Deuxième génération, Marche à l’ombre, Banlieue rouge ou la partition de La teigne (deux de mes morceaux préférés de Renaud) constituent un réel plaisir pour les yeux, à voir les ratures et corrections de l’auteur :

L’univers des années Béton est parfaitement reconstitué avec notamment la mobylette d’époque ayant servi pour la photo de la pochette du deuxième album sorti en 1978.

Une large part accordée aux dessins

On le sait, Renaud a toujours eu de nombreuses relations amicales parmi les dessinateurs : Margerin (dont sont exposées les planches pour Le retour de la pepette), Marc Large, l’équipe de Charlie Hebdo… on découvre également qu’il aime beaucoup dessiner lui-même, et plusieurs de ses croquis sont exposés. On trouve aussi quelques-unes de ses chroniques parues dans le journal satirique (en particulier sa chronique Montréalaise), et une photo de 1994 à l’époque de Charlie in the Tunnel. Un cliché qui prend une grande émotion aujourd’hui, à la vue de ceux tombés sous les balles de la barbarie.

Et toujours dans le domaine des dessins, Renaud s’est croqué pour le film Germinal, une autre de ses multiples aventures. Chanson, écriture, dessin, cinéma… l’artiste a eu à cœur de s’exprimer à travers différents supports. Et ce long-métrage de Claude Berri l’a rapproché des ses origines ch’timi (par sa mère). La lampe du grand-père mineur Oscar est exposée.

Les combats médiatiques

La dimension sociale de Germinal fait évidemment écho aux nombreux combats menés par Renaud. De son disque pour récolter des fonds en faveur de l’Ethiopie en 85 à son soutien à Mitterrand en 88 (puis sa critique à son encontre dès l’année suivante pour le G7), en passant par ses prises de positions sur l’Ulster, les pays de l’Est, Mandela, les FARC ou l’usine SKF, la verve du Renaud militant est aussi bien mise en valeur, tout en rappelant que nombre de ses engagements ont fait place à beaucoup de désillusions.

Et dans la même salle se côtoient les deux univers chers à Renaud : le combat social et la nostalgie de l’enfance. Tandis que des tableaux aimantés proposent d’écrire sa propre chanson, un grand écran projette les clips de Chanson pour Pierrot, Morgane de toi et Mistral gagnant et amorce ainsi la transition avec l’espace suivant, entièrement dédié au « refuge de l’enfance »

La nostalgie de l’enfance

Ce n’est un secret pour personne, l’auteur du Sirop de la rue et Mon paradis perdu a toujours affirmé haut et fort son fantasme de retourner en enfance et d’y rester pour toujours. L’exposition se devait donc d’afficher pleinement cet univers chéri par l’artiste. Outre les photos avec Lolita prises pour la pochette de Morgane de toi ou les maquettes pour le stand de La belle de mai, on trouve quelques trésors avec les fameux bonbons de la chanson Mistral gagnant, le blouson original arborant le prénom Lolita « avec des clous dorés, un par un, plantés dans le cuir de mon blouson, dans l’dos », ou encore des objets de Tintin issus de la collection personnelle de Renaud.

Renaud le musicien

Bien sûr, Renaud c’est une gouaille, une verve, un humour, une plume….mais aussi un compositeur. Même s’il s’est parfois fait aider par d’autres musiciens, il a très souvent signé lui-même de très belles mélodies. Des ritournelles simples mais limpides, agréables à siffloter ou à jouer. Et ses influences en la matière sont souvent connues, mais je ne savais pas qu’il avait entrepris un projet de traductions des textes du Boss ! Et je n’avais jamais remarqué que la pochette du single de Marchand de caillou était en référence à celle de Born in the USA.

Pas étonné en revanche de le voir traverser le fameux passage piéton devant les studios Abbey Road, je savais qu’il était lui aussi fan des Beatles.

Quant aux autres influences, elles sont regroupées dans « Le bistrot des copains » : de Bruant à Brassens, de Vian à Lapointe, de Dard à Desproges, de Boudard à Dimey, de Prévert à Cohen, en passant par Dylan, Aufray et Allwright, avec qui il partage la reprise du traditionnel O’Waly, Waly (► ma chronique à ce sujet)

Et l’exposition se termine justement sur les premiers instruments de Renaud : sa première guitare et l’accordéon. On trouve également des images de concerts et de ses amis musiciens qui ont contribué à mettre ses textes en musiques : parmi les plus connus, l’accordéoniste Jean-Louis Roques et le guitariste Jean-Pierre Bucolo (le « titi » de la chanson).

Un prolongement dans l’expo permanente

La Putain d’Expo ! se termine… oui et non. On peut si on le souhaite prolonger l’expérience en visitant l’exposition permanente de la Cité de la Musique où des dessins mettant en scène Renaud et Lolita se mêlent aux grandes périodes de l’Histoire de la Musique. L’illustratrice Laureline Mattiussi a su intégrer ses magnifiques planches en noir et blanc au sein des collections du musée, et une trame parcourt les différents étages permettant ainsi au chanteur et sa fille de dérober quelques pièces de collection… quoi de plus jouissif que de voir entrer l’impertinence renaudienne dans le panthéon des instruments de musique.

Entonnant de voir un instrument, ou plutôt un objet conceptuel de décoration, nommé « Flying V », quand on sait que c’est l’appellation d’un modèle de guitare électrique chez Gibson…

Et d’aucuns diront que je le fais exprès, mais non c’est bien un pur hasard si cette exposition permanente se termine par un espace tout naturellement dédié aux guitares modernes, où figure un modèle National Style O, identique à celui de Mark Knopfler ! Vous imaginez mon bonheur d’être tombé sur ce lien entre deux artistes que j’affectionne particulièrement.

En conclusion une très belle exposition, initiée par son frère David Séchan et mise en scène par son décorateur Gérard Lo Monaco. Certes on peut regretter quelques oublis comme par exemple l’omission du film Wanted, ou lorsque Renaud a posé la plaque de rue sur la maison de Brassens. Mais justement, cette non-exhaustivité (de toute façon impossible) pousse à se replonger dans l’univers de cet artiste atypique et attachant. « Allez patron, encore une bière » chante-il dans La bande à Lucien… et bien je retourne de ce pas me réécouter l’intégrale. À la tienne Renaud !

© Jean-François Convert – Septembre 2021

© Denys Legros
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2 commentaires sur “Ma visite à la ‘Putain d’Expo !’ sur Renaud

  1. Merci Jeff,une expo que j’aurais aimé voir.

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  2. La description que tu fais de cette expo me fais penser à celle de Charlie Chaplin à Vevey visitée il y a 3 semaines.
    Bravo pour tes souvenirs ton enthousiasme pour décrire cette exposition, tu vas donner envie à Olivier d’aller la voir…!!!

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