Le 3ème album de Queen “Sheer Heart Attack” a 45 ans aujourd’hui

Retour sur cet album de transition, véritable pont entre les débuts du groupe et l’apogée des albums suivants.

Avant de devenir le mastodonte de hard-pop-rock-FM des eighties, Queen jouait un glam rock progressif sophistiqué et inventif, qui a culminé en 1975 avec le chef d’oeuvre A night at the Opera (qui sera chroniqué sur ce blog l’année prochaine pour ses 45 ans). En guise de prémices à ce joyau, Sheer Heart Attack, sorti l’année précédente, en contient déjà la substance et la saveur, sans toutefois en atteindre la perfection. Une première ébauche en quelque sorte, mais quelle ébauche !

Un succès grandissant

Après deux premiers albums déjà très bons, et deux singles au succès plus que d’estime (Keep yourself alive et Seven Seas of Rhye), Queen passe à la vitesse supérieur sur ce troisième opus. Ne serait-ce qu’en terme de popularité, le single Killer Queen grimpe dans les hit-parades et installe le groupe comme une valeur sûre, qui incite la BBC à programmer le groupe dans son émission télévisuelle Top Of The Pops, après plusieurs passages radio en 1973 et 1974. Bien que le quatuor ait toujours préféré et privilégié les prestations en live, il s’agit ici d’un playback sur la version studio de l’album.

Avec cette chanson, c’est vraiment le style Queen qui s’affirme : un mélange d’ambiance rétro années folles à travers un rythme ternaire jazzy et piano bastringue, de pop enlevée avec harmonies vocales dignes des Beach Boys et Beatles (idoles de Freddie Mercury), de phasing sur les chœurs, et de guitares à la fois tranchantes et harmonisées comme seul Brian May sait les faire sonner.

Un orchestre de guitares

Ce dernier s’affiche d’ailleurs comme le chef d’orchestre des arrangements. Les notes de pochette le créditent non seulement à la guitare, mais aussi au chant, au piano, au Ukulélé, et au « guitar orchestrations ».

C’est en effet sur cet album que le son de Brian May devient vraiment sa marque de fabrique, la signature sonore qu’on va instantanément reconnaître par la suite. Même s’il avait déjà fait preuve d’un style bien à lui sur les deux premiers albums, c’est véritablement sur Sheer Heart Attack que naît cet « orchestre de guitares » : une façon de les faire sonner comme s’il s’agissait d’un orchestre à cordes. Plusieurs couches, harmonisées, qui embellissent les mélodies, et agrandissent l’espace sonore.

Son solo sur Brighton rock use et abuse de manière jouissive de l’echo à bandes, ancêtre du delay, un des éléments essentiel du son Brian May. Ce morceau est devenu rapidement un cheval de bataille en concert, et sur les tournées suivantes, notamment durant les eighties, s’est réduit à son simple passage instrumental, interprété par le guitariste seul en scène. Un des points d’orgue du show à Wembley en 1986.

Un emblème visuel

Sur ces mêmes notes de pochette, on remarque que le logo du groupe (dessiné par Mercury) s’est définitivement installé, après son apparition discrète des débuts. Encore épuré et en noir et blanc sur cet album, le logo évoluera au fil des années, pour aboutir à un véritable emblème, un blason flamboyant et haut en couleurs, à l’image de l’excentricité de Queen. Il représente les membres du groupe. Cet article nous en explique les détails.

On note également que John Deacon est orthographié dans le bon sens (tout comme sur Queen II), alors qu’il était crédité « Deacon John » sur le premier album, ce qui lui vaudra son surnom de « Dicky » par Mercury pendant de longues années. Le bassiste signe d’ailleurs pour la première fois une composition de son cru.

Un véritable groupe

Contrairement à d’autres groupes menés de main de fer par un ou deux leaders, Queen a toujours eu une démarche réellement collaborative et démocratique. Le grand public connait essentiellement Freddie Mercury et sa personnalité charismatique, mais les 3 autres musiciens ont en permanence activement contribué aux compositions, et très souvent composé chacun des chansons qui sont devenues des tubes.

Sur Sheer Heart Attack, outre d’être crédité sur Stone cold crazy au côté des 3 autres membres, John Deacon offre un petit bijou : Misfire. Sur cette ballade pop-folk enlevée, il joue « presque toutes les guitares » comme indiqué sur la pochette. Brian May apporte sa touche instantanément reconnaissable.

Dès l’album suivant, John Deacon signera un tube avec You’re My Best Friend. Il enchaînera ensuite quelques uns des plus gros succès du groupe.

Comme sur tous les premiers albums de Queen, 1 titre de Roger Taylor : Tenement Funster. Celui-ci a la particularité de se fondre avec le suivant, Flick of the wrist, lui-même enchaîné au très beau Lily of the Valley, tous deux de Mercury.

Pourquoi ce titre ?

Roger Taylor avait écrit un morceau du même nom que l’album : Sheer Heart Attack a été commencé en 1974 mais pas terminé, et ne verra le jour que sur News of the world en 1977. En revanche, la chanson She Makes Me (Stormtrooper In Stilettos), composée par Brian May, comprend à la fin un souffle pathologique, référence à l’hépatite B que le guitariste avait contractée pendant l’année 1974. C’est ce thème qui est à l’origine du nom de l’album.

Un équilibre savamment dosé

L’album offre un mélange de tessitures très différentes, tout en conservant une homogénéité propre au groupe. Il n’y a que Queen pour faire se cotoyer sur un même disque des ambiances dandy-rétro comme Bring Back that Leroy Brown avec du pur rock’n’roll sur Now I’m Here (la version studio se termine d’ailleurs en citant Little Queenie de Chuck Berry)

Et puis un album de Queen n’en serait pas vraiment un sans cette exubérance hard-prog-lyrique caractéristique de Mercury. Cette façon de tutoyer les étoiles avec un naturel déconcertant. Une sorte de folie fantasque parfaitement maîtrisée. Le disque se clôt sur In the Lap of the Gods…Revisited (une première amorce du titre figurant en fin de première face), morceau qui lorgne vers la démesure, et annonce déjà le chef d’oeuvre à venir que sera Bohemian Rhapsody.

C’est sûr, avec cet album, Queen était lancé pour aller embrasser les hautes sphères, et rien n’allait plus les arrêter.

© Jean-François Convert – Novembre 2019

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