“Bohemian Rhapsody” : rock et cinéma au diapason

Ça y est, un mois et demi après sa sortie, j’ai enfin vu le film Bohemian Rhapsody. Au risque de répéter ce qui a déjà été dit et redit, voici quand même mes impressions sur ce biopic musical du leader d’un des très grands groupes de rock.

Une reconstitution plus vraie que nature

Avant même que le film commence, on est tout de suite dans l’ambiance grâce à une trouvaille parfaite : le thème de la 20th Century Fox est joué par Roger Taylor et Brian May. Les guitares harmonisées de ce dernier sont la signature du son de Queen, et l’idée de l’avoir ainsi repris est excellente :

Après cette formidable introduction, on est plongé dans 2h15 de reconstitution historico-rock jouissive. Tout y est : l’ambiance des pubs enfumés, les looks improbables, les soirées showbizz, les intérieurs d’époque, les studios d’enregistrement… et surtout les scènes de concert, impressionnantes de réalisme.

Les performances d’acteurs sont elles aussi parfaitement maîtrisées (côté ressemblance physique, mention spéciale à Gwilym Lee qui interprète Brian May). Si on peut regretter sa prothèse dentaire trop exagérée, Remi Malek incarne un Freddie Mercury touchant et sensible, en même temps qu’exubérant et excentrique. Pour le chant, il est doublé par l’époustouflant Marc Martel du groupe Queen Extravaganza. Déjà connu des fans du groupe, et d’une capacité d’imitation bluffante, il permet de rendre très réaliste les passages musicaux.

La solitude de la rock star

Parallèlement au faste des concerts et des soirées mondaines, le film montre un aspect souvent récurent chez les personnalités célèbres (dans tout domaine artistique) : la solitude. Ils ont beau être entourés, adulés, idolâtrés, les chanteurs de rock se retrouvent seuls, face à leurs angoisses, leurs frustrations, leur mal-être.

“En concert je fais l’amour avec des milliers de personnes…et après je rentre seule…chez moi”

Janis Joplin

Ce thème maintes fois exploité, par exemple dans les films The Rose, Bird… est ici aussi plutôt bien décrit et rythme le film par des séquences intimistes qui contrebalancent les scènes d’euphorie populaire ou de création musicale.

Cette nécessité d’alterner les ambiances a d’ailleurs impliqué quelques entorses dans la chronologie…

Quelques anachronismes…et alors?

Comme dans tout biopic, il a fallu réécrire quelques passages pour renforcer la dramaturgie. Sachant que Brian May et Roger Taylor étaient conseillers artistiques sur le film, on en déduit qu’ils ont approuvé et estimé que ça respectait tout de même l’histoire du groupe et de Freddie Mercury, en tout cas que ça n’en dénaturait pas l’esprit.

Chronologie des morceaux, date de l’annonce par Mercury qu’il est atteint du Sida, la pseudo “séparation” du groupe et son retour sur scène au Live Aid, les relations entre Freddie et Mary…et même la couleur des yeux du chanteur, une lycéenne fan du groupe a répertorié toutes les erreurs du scénario et les a compilé sur son compte Instagram.

Histoire de pinailler, deux points supplémentaires qui sont vraiment de l’ordre du détail :

  • Pendant les séances d’enregistrement des chœurs de Bohemian Rhapsody, on voit les 4 musiciens chanter ensemble, alors que John Deacon n’est pas crédité au chant sur le livret de l’album. Il est vrai que sur le clip vidéo il mime le chant avec les 3 autres. Mais à priori ce sont bien seuls Freddie, Roger et Brian qui assurent les voix de la partie opéra.
  • On entend Sunshine of your love de Cream en fond sonore lors d’une des premières séquences qui se déroule en 1970. Il aurait été peut-être plus judicieux de choisir un autre morceau plus emblématique de cette année-là, sachant que le titre de Cream date de 1967.

Quoi qu’il en soit, ces petites inexactitudes ne nuisent pas à la cohérence du film et n’ont visiblement pas dérangé les fans plus que ça.

En contre-partie, il y a même des clins d’œils savoureux :

  • La querelle entre Brian et Roger au sujet de la qualité de leur chansons ressemble bien à une private joke entre les deux musiciens (conseillers artistiques sur le film)
  • Quant au directeur d’EMI Ray Foster (même fictif) et sa réflexion sur les jeunes qui n’écouteront jamais Bohemian Rhapsody en secouant la tête dans leur voiture, on ne peut s’empêcher de penser immédiatement à cette séquence culte :

Autre aspect positif du film, le groupe dans son ensemble est mis en valeur, et la contribution des 3 autres musiciens est à plusieurs reprises explicitée, notamment en insistant sur les auteurs des tubes. En effet, si Mercury a composé et écrit plusieurs des titres emblématiques (Bohemian Rhapsody, We are the champions, Somebody to Love), d’autres succès du groupe sont l’œuvre de Roger Taylor (Radio Ga-Ga, A kind of magic), Brian May (We will rock you, Hammer to fall, The Show Must Go On) et John Deacon (Another one bites the dust, I want to break free).

Un concert mythique

Si toutes les séquences de concert sont parfaitement réalisées, celle qui est la plus impressionnante est bien sûr la reconstitution du Live Aid, concert de charité du 13 juillet 85. Des plans de foule à la scénographie, tout est imité à la perfection. Rami Malek dit avoir regardé le concert de nombreuses fois afin de reproduire le plus fidèlement possible les gestes de son modèle :

Enfin, pour les fans de Dire Straits, un petit clin d’œil dans le film : lorsque Queen attend dans les loges avant son passage sur la scène de Wembley, le morceau qu’on entend n’est autre que le final de Sultans of swing. Même si le groupe n’est pas cité dans la liste des participants au concert historique, comment ne pas apprécier d’entendre cette citation musicale. Impossible non plus de résister au plaisir de revoir le morceau en entier :

Mais il faut bien admettre que ce jour-là, Queen a littéralement cassé la baraque, et reste encore aujourd’hui le groupe emblématique de ce concert hors-norme. Que ce film puisse donner l’envie aux jeunes générations de se (re)plonger dans la musique de ce groupe fabuleux, et entre autres de revoir le concert orignal :

© Jean-François Convert – Décembre 2018

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