Avant Daft Punk en 2013, Mark Knopfler a sorti un album du nom de Get Lucky, et c’était il y a tout juste 10 ans hier.
Sommaire
Un album riche et varié
En 2009, Mark Knopfler a presque 15 ans de carrière solo derrière lui. Il n’a plus rien à prouver depuis bien longtemps, et continue à écrire, composer et enregistrer des chansons dans le style qu’il affectionne : des portraits ciselés, des instantanés du quotidien, des textes inspirés par ses lectures ou son histoire familiale.
Musicalement, pas de révolution, mais un retour à quelque chose de plus charnu, plus étoffé, plus produit, que le précédent album Kill to get crimson en 2007 qui en avait dérouté certains par son côté plus intimiste.
Get lucky, qui figure souvent en bonne place dans le cœur des fans, offre une belle palette de couleurs musicales, avec des ambiances celtiques, des orchestrations classiques, des chœurs d’enfants, et des incursions blues, voire rock, émaillées au milieu des traditionnelles ballades folk.
Une production impeccable
C’est le deuxième album entièrement enregistré et mixé aux studios British Grove, que Mark a fait construire dans la deuxième partie des années 2000.
Le fidèle Chuck Ainlay est aux manettes pour un son chaud et authentique. Les rythmiques basse-batterie sont enregistrées en analogique, et les overdubs en numérique. Mark et son ingénieur du son nous font visiter ce studio high-tech dans une vidéo qui figure en bonus sur l’edition deluxe de l’album :
Côté guitares, Mark reste fidèle à ses instruments vintage comme la Les Paul 58, la Stratocaster 54…il ressort même sa vieille Burns Baldwin 12 cordes (utilisée sur Angel of Mercy en 1979 et 1980, ainsi que sur Sailing avec Rod Stewart au Prince’s Trust de 1986) pour Cleaning my gun, où il double la rythmique avec Richard Bennett. Une nouvelle six-cordes fait son apparition sur Piper to the end : la Don Grosh Electrajet.
Une autre antiquité refait son apparition : l’ampli Marshall JTM45 ayant servi sur Brothers in arms et Money for nothing. Il est utilisé sur Cleaning my gun. Sur son journal, Guy Fletcher a indiqué ce jour là :
Peu de nouveauté dans le line-up. On retrouve les mêmes musiciens bien connus. Richard Bennett revient après que Mark ait assuré toutes les guitares sur l’album précédent. C’est la première fois que Matt Rollings participe à un enregistrement studio de Knopfler, bien qu’il tournait avec le groupe depuis 2004. Michael McGoldrick ne fait pas encore partie du groupe, mais il va l’intégrer sur la tournée qui va suivre. Phil Cunningham est invité sur 4 titres et Ruppert Gregson-Williams dirige les cordes et cuivres, dont les orchestrations ont été arrangées par Guy Fletcher.
- Mark Knopfler: guitar, vocals
- Danny Cummings: drums
- Glen Worf: bass
- Richard Bennett: guitar
- Guy Fletcher: keyboards
- Matt Rollings: keyboards
- John McCusker: violin, cittern
- Phil Cunningham : accordion
- Michael McGoldrick : flute and whistle
- Ruppert Gregson-Williams : orchestra
Les sessions se déroulent visiblement dans la bonne humeur, comme on peut le voir sur cette vidéo, qui présente les prises de chœurs sur Time in the sun (morceau qui ne figure pas sur l’édition normale, uniquement disponible en digital), et l’enregistrement de la guitare Mini-Martin accordée en « Terz » sur Remembrance day :
L’album sort le 12 septembre 2009 en plusieurs versions (standard, deluxe, Box set). Il contient 11 morceaux. 5 bonus tracks sont disponibles, soit physiquement, soit en numérique.
L’album chanson par chanson
1. Border Reiver
L’album s’ouvre sur une intro celtique qui n’est pas sans rappeler celle de Darling Pretty au début de Golden Heart. Mais ici, des cordes vont venir apporter encore plus d’espace. Des cordes que nous allons retrouver sur d’autres titres par la suite. Puis le rythme s’emballe, au son des « pipes » et flûtes. Mark nous parle de ces chauffeurs routiers qui doivent livrer coûte que coûte pour garantir le slogan de leur entreprise : « aussi sûr que le coucher de soleil »
2. Hard Shoulder
Un magnifique morceau mélancolique avec une superbe orchestration de Ruppert Gregson-Williams / Guy Fletcher qui donne une dimension cinématographique à la chanson.
3. You Can’t Beat the House
La première fois que Mark enregistre un blues de ce type en studio. Il y reviendra à plusieurs reprises sur l’album Privateering en 2012. Mais, pour le marquer de sa patte, il transforme légèrement le schéma classique des 12 mesures, comme nous l’explique Ingo Raven dans cet article. Quant à l’intro « You’re ready Chuck ? take one », elle tient plus du gimmick-clin d’œil que de la véracité factuelle (Guy Fletcher avait confirmé sur son forum qu’il ne s’agit pas de la première prise, et que ce court passage a été rajouté ensuite).
4. Before Gas and TV
« C’était mieux avant » pourrait- on ironiser au sujet de ce texte qui vante les mérites de l’époque « avant le gaz et la télévision, lorsque nous nous retrouvions autour du feu ». Mais on ne peut douter de la sincérité de Knopfler qui rajoute « si les cieux ressemblent à ça, alors c’est ok pour moi », sur une ritournelle celtique lancinante où la Les Paul semble pleurer le temps jadis.
5. Monteleone
Un petit bijou d’orfèvrerie orchestrale qui démontre, si besoin en était, le talent de mélodiste de Mark Knopfler. Des cordes à la fois majestueuses et légères, pour rendre hommage au luthier Monteleone qui a fabriqué une guitare de type « archtop » pour Mark. Ce dernier à nommé l’instrument « Izabella », du prénom de sa fille.
On a pu voir cette guitare notamment sur des photos promo de l’album Down the road wherever :
6. Cleaning My Gun
Le morceau le plus « rock » de l’album (sur l’échelle Knopfler, entendons-nous bien). La Les Paul et le Marshall sont à fond pour nous dépeindre un personnage qui astique son flingue…un texte typique de Knopfler, écrit à la première personne pour brouiller les pistes, qui ne juge pas, mais opte plutôt pour le regard distant, détaché, et faussement cynique. La rythmique est assurée à la fois par Mark et Richard, sur une guitare électrique 12 cordes, la Burns Baldwin, qui avait servi sur Angel of mercy, 30 ans auparavant.
7. The Car Was the One
Encore un portrait, qui pourrait presque être springsteenien, même dans la musique : Mark joue au mediator, sur la Stratocaster de 1954, celle qu’il surnomme la « jurassic strat ».
8. Remembrance Day
Un chanson hommage aux soldats morts lors de la grande guerre, avec des voix d’enfants qui égrainent quelques noms d’anonymes.
Mark a chanté ce morceau (voix et guitare en live uniquement) lors du « jour du souvenir » (titre de la chanson), c’est-à-dire la commémoration de l’armistice du 11 novembre, à Trafalgar Square en 2009.
9. Get Lucky
Le morceau-titre fleure bon la campagne. Et pour cause : il nous conte la vie d’un saisonnier qui va, entre autres, « cueillir les fruits dans le sud ». Une très belle ballade folk avec un solo de flûte tout en finesse.
10. So Far from the Clyde
Une chanson de marin comme les affectionne particulièrement Mark Knopfler. Aurélien Brusset en a traduit les paroles sur son blog. A nouveau de très beaux chœurs, qui ont mis à contribution des amis et membres des familles des musiciens (info de Guy Fletcher sur son journal).
11. Piper to the End
Une autre chanson hommage, cette fois pour un héros de la seconde guerre mondiale, en la personne d’un oncle de Mark, joueur de cornemuse (« piper »), mort au combat. C’est devenu dans un premier temps le morceau de fin des concerts, remplaçant Going Home. Puis il a pris une nouvelle place en avant-dernier, l’instrumental du film Local Hero retrouvant son statut de final incontournable.
Bonus Tracks
Pulling Down the Ride
Un sympathique bluegrass, enlevé et revigorant
Home Boy
Une mélodie et des arrangements plus pop qu’à l’accoutumée, pour Mark Knopfler
Good as Gold
Une ambiance latino-cubaine, et une très légère fausse note (« greenie » pour les anglophones) de Richard a 1’46.
Early Bird
Une couleur musicale radicalement différente du reste de l’album. Un rythme et un leitmotiv qui seront repris sur le dernier single Good on you son
Time In The Sun
Un morceau qui aurait eu toute sa place sur l’album Shangri-La, avec son ambiance plage sixties.
Les 3 premiers bonus tracks étaient disponibles sur un CD à part, dans le coffret « deluxe box set ». Les 2 derniers n’ont été vendus que sur internet, Early bird ayant même été proposé gratuitement par erreur sur le site MK news.
L’album lors des tournées
Après la sortie de l’album, quelques passages promo à la télé, avec notamment le morceau-titre joué à Taratata (vidéo ici). Le public francophone a été quelque peu déçu de l’interview donnée par Nagui, et du passage éclair de Knopfler à la télé française. Il faut dire que notre homme a de plus en plus restreint ses apparitions dans les media en général, et dans l’hexagone en particulier, au point que pour le dernier album il n’y a pas eu un seul sujet télé en France. Il faut malheureusement se contenter de ces (trop) rares interventions.
En revanche, au Royaume-Uni, la sortie de Get Lucky a été précédée de 2 jours (le 09/09/09 !) par un show « Pince’s trust » (concert de charité), où Mark Knopfler a présenté 2 des nouveaux morceaux : Get Lucky et Monteleone
Puis, Remembrance Day a été joué en semi-live (guitare et voix uniquement, le reste en playback) pour la commémoration de l’armistice, le 11 novembre 2009
Ensuite, l’album a peu été exposé en tournée. Seuls les morceaux Border Reiver, Cleaning my gun, Monteleone, Get Lucky, Remembrance day et Piper to the end ont été joués sur la tournée qui a suivi l’album (► Ma chronique du concert à Fourvière le 21 juillet 2010).
Border Reiver, en ouverture des shows, a bénéficié d’un arrangement plus pêchu, avec la Strato de Mark bien en avant
Les autres morceaux ont gardé des arrangements très proches, voire quasi identiques, de leur version studio.
Des infos sur les guitares utilisés pour la tournée 2010 sur cet article d’Ingo Raven
Après la tournée 2010, les 2 chansons de l’album à avoir survécu au remaniement de la setlist sont Cleaning my gun et Piper to the end (qui est encore joué sur la tournée actuelle).
Un album qui pourtant regorge de pépites, et qui auraient pu avoir une seconde vie en live. Mais dans ce domaine, les choix de mister Knopfler sont souvent restés surprenants, voire incompréhensibles. Alors, si lui a préféré bouder un peu cet album en tournées, replongeons-nous dans son écoute, pour en redécouvrir et savourer le parfum, à la fois subtil et puissant.
Je m’aperçois que je n’ai pas laissé de commentaire le jour de la publication, le 12 septembra, alors que je l’ai lu et m’en suis délectée, l’article était tout juste paru ! Mais l’auteur nous a très mal habitués, il nous a toujours servi avec excellence et l’on s’habitue à l’excellence… A tel point que l’on « oublie » de le féliciter à la lecture de ses articles… ou alors c’est peut-être parce qu’on a l’impression de se répéter encore et encore ! Mais tant pis, je prends le risque de me répéter et je dis Merci Jean-François, tu nous régales comme à chaque fois. Te lire est un enrichissement et un plaisir inégalable. Alors quand en plus, te lire sur mon artiste préféré est encore plus formidable ! Longue vie à ton blog si bien fait et merci de continuer à nous faire profiter de ton immense savoir musical.Tu es un transmetteur hors pair !!! 😉
Merci Gil 🙂
excellent article, un des albums solo préférés … MERCI bien 😉 😀