Le 7 mai 1984 arrivait dans les bacs ‘Un autre monde’, le dernier album de Téléphone.
Certes, Téléphone ne s’est séparé que deux ans plus tard, et après avoir publié encore un single Le jour s’est levé, le 1er novembre 1985. Mais ce disque Un autre monde qui sort en mai 1984 est bien le dernier album studio du groupe. Les tensions entre les quatre membres sont déjà apparus sur l’opus précédent Dure limite et la tournée qui a suivi. Savaient-ils en entrant en studio que celui-ci serait leur dernier ? En tout cas, le premier producteur pressenti Steve Lillywhite, connu pour avoir travaillé avec U2 et Peter Gabriel, aurait refusé le job après avoir rencontré le groupe lors des premières répétitions, car il aurait cerné que la formation allait bientôt se séparer.
A la place, c’est le légendaire Glyn Johns qui est appelé aux commandes. Les petits frenchies se retrouvent ainsi avec celui qui a déjà travaillé avec les Beatles, les Who et les Rolling Stones., rien que ça ! Johns applique sa méthode habituelle en laissant le groupe « coupé du monde »… sauf pour son anniversaire où il invite Charlie Watts, Eric Clapton, Jeff Beck, Pete Townshend, Jimmy Page et John Entwistle ! Et il en résulte que ce dernier joue les cuivres sur T’as Qu’Ces Mots. Quant aux autres, il semble bien qu’il aient tapé le bœuf avec Téléphone…
Malgré son CV impressionnant, la production de Johns sonne tout de même eighties, et plusieurs chansons préfigurent le style solo de Jean-Louis Aubert : Les Dunes, Oublie ça, Le Taxi las, Electric Cité… Mais on trouve aussi les riffs et les arrangements qui ont forgé le son de Téléphone : Loin de toi (Un peu trop loin), Ce que je veux, Le Garçon d’ascenseur et 66 heures signé Louis Bertignac.
Le premier single Oublie ça n’était peut-être pas le choix le plus judicieux… il ne décolle pas. Le succès va arriver avec deux autres morceaux. La chanson-titre d’abord qui rêve d’un monde meilleur. C’est devenu le point d’orgue final des concerts du groupe, puis plus tard des Insus, et même parfois de Bertignac et Aubert en solo. Son succès en single propulse les ventes de l’album, d’abord à 400 000 exemplaires la première année, puis 800 000 au total. C’est le seul morceau du disque à bénéficier d’un clip vidéo, réalisé par le alors trsè en vogue Jean-Baptiste Mondino :
Et puis un autre extrait du disque va faire parler de lui… New York avec toi traduit bien les aspirations que tout adolescent a eu un jour : s’envoler de l’autre côté de l’Atlantique pour vivre le rêve américain… Même si nos quatre frenchies avaient déjà réalisé ce vœu bien avant, notamment en enregistrant Dure limite à Toronto, c’est avec ces paroles que le groupe exprime le mieux le désir et l’insouciance de la jeunesse.
Et quand en plus, New York avec toi est repris dans le film Marche à l’ombre sorti la même année (et qui tire pourtant son titre d’une chanson de Renaud), le single gagne encore en notoriété, ce qui va là aussi largement aider au succès de l’album.
D’ailleurs, l’édition single de New York avec toi contient en face B In Paris, qui ne figure pas sur l’édition française de l’album, mais sur les pressages à l’étranger, à la place de Loin de toi (Un peu trop loin). In Paris a été inspiré au groupe par un texte en anglais que leur a donné un adolescent alors qu’ils jouaient dans un club à Londres. Après l’enregistrement, le groupe a posté une annonce dans les magazines musicaux anglais pour retrouver le jeune auteur de la chanson, afin de le créditer.
Les aspirations de la jeunesse, vivre son rêve éveillé… Téléphone savait être en phase avec son temps, et ce n’est pas pour rien si beaucoup qui étaient ados dans ces années-là gardent encore aujourd’hui une tendre nostalgie à l’écoute de ces chansons. Même si ce n’est pas mon album préféré du groupe, Un autre monde reste le disque testament d’une époque. Un album sorti il y a 40 ans.
© Jean-François Convert – Mai 2024
Merci pour ce compte rendu anniversaire, et oui le plus récent des albums de Téléphone a 40 ans, déjà…
Pour compléter ce qui est dit, Un autre monde n’est pas le seul titre de l’album à avoir bénéficié d’un clip. Il y a aussi eu Electric cité, réalisé par Francois Sevehon, alias Francky Boy, le même qui a fait la pochette de l’album (apparemment cest lui qui a proposé à Telephone de realiser ce clip pour un budget de 50.000 francs de l’époque, somme relativement dérisoire compare a ce quavait coute le clip Un autre monde).
Autre complément : In paris n’est pas le seul titre en anglais à figurer sur certains pressages étrangers. On peut aussi trouver Electric city, qui comme vous l’aurez deviné est la version anglaise d’Electric cité, figurant sur le 33 tours sorti au Canada (en lieu et place de la version française). Une fois encore, on est en droit de préférer la version avec le texte français…
merci pour ces précisions 🙂
Je n’avais jamais eu connaissance du titre In Paris jusqu’à maintenant.
Et franchement, entre le pitoyable accent typiquement français et le texte particulièrement ridicule, c’est vraiment un immonde fond de tiroir même pas digne d’une face B.
Il se trouve que par le plus grand des hasards j’ai réécouté ce disque ce matin.Même s’il a bercé mon adolescence ( moins que dure limite) l’album avec du recul est très inégal ( des titres très quelconques (comme « t’as qu’ces mots, oublie ça ou loin de toi) et a son eighties avec tous ses charmes mais aussi ses défauts plus audibles.( la batterie électronique sur taxi las).
Pour avoir vu les Insus à Vienne (excellent concert), on mesure le chemin accompli par le groupe avec un son plus mature, plus enrichi témoin de leurs riches parcours après téléphone.
tout à fait d’accord
j’ai vu les Insus à Fourvière (Lyon) : https://www.francetvinfo.fr/culture/musique/rock/quot-crache-ton-veninquot-et-quot-hygiaphonequot-les-insus-a-lyon-avant-l-039-album-live-et-le-documentaire_3291261.html