‘New Strife Lands’, le troisième opus du groupe lyonnais Kitch est sorti avant l’été. Un savant mélange de genres musicaux.
La musique de Kitch est inclassable et c’est ce qui la rend intéressante. On avait perçu des influences plutôt psyche et prog dans leur premier album Henger sorti en novembre 2018. Ce troisième opus brouille un peu plus les pistes et se révèle un patchwork foisonnant de styles musicaux que de prime abord on n’imaginerait pas se côtoyer sur un même disque.
Le morceau d’ouverture Etambot nous plonge d’emblée dans une atmosphère mystérieuse avec effets sonores psychédéliques. On enchaine sur une ambiance légèrement flippante dans Anytime avec une voix en intro qui ressemble à celle d’une petite fille. On se croirait presque dans un thriller…. puis le morceau part sur des contrées prog mais surprend en se terminant presque trop rapidement alors qu’on s’attendait à une longue coda.
La surprise c’est aussi un élément clé de la musique de Kitch. Chaque titre rompt volontairement avec le précédent. Ainsi, Cracky verse dans le gros son avec riff funk-metal quelque part entre les Red Hot Chili Peppers et Rage Against the Machine, mais avec un interlude-final très psyche-rock.
Charismatik poursuit sur un mode lancinant et hypnotique avec encore cette voix qui sonne énigmatique au milieu de guitares rugueuses et d’un clavier aux sonorités entre electro et hip-hop.
Après Coursive et ses effets sonores qui semblent poursuivre le leitmotiv entamé au début de l’album avec Etambot, le planant Stolen Cage s’aventure sur des terres floydiennes avec mélodie entêtante et guitare slide arienne :
Palan prolonge la démarche des bruitages en intermèdes, tandis que le bien nommé Trippy nous embarque d’abord dans un trip vaporeux avant de tourner sur un riff qui n’est pas sans rappeler Voodoo Child, et un chant encore une fois très Red Hot, puis un final en crescendo sur un autre riff qui évoque celui de Set the Controls for the Heart of the Sun.
À nouveau un interlude sonore avec Embellie puis la très belle ballade acoustique Could Be prouve que Kitch sait aussi proposer du mélodique épuré. Une sorte d’oasis lumineuse au sein de l’album aux couleurs plutôt sombres.
Syzygie mêle air de piano dans le style classique-romantique et effets sonores synthétiques que n’auraient pas renié les références du genre Richard Wright, Keith Emerson ou Rick Wakeman. The only one solution est la deuxième ballade pop mélodique de l’album, mais sur un tempo plus enlevé que Could Be.
Un nouvel intermède avec Cabaner, puis Absent Again revient dans un mode funk-hip-hop-metal à la Red Hot / RATM. Sur ces morceaux, Kitch sonne très nineties :
Mac II continue dans le gros riff lourd et le chant épileptique, et après le court Guindeau aux effets sonores psychédéliques avec sons à l’envers, Etrave constitue un final en apothéose en mode imposant et lyrique.
Un point d’orgue quasi-symphonique pour un album qui nous aura transporté dans un voyage musical dont l’atmosphère et la démarche ne sont pas sans rappeler par moments Bluffer’s Guide to the Flight Deck, le chef-d’œuvre de Flotation Toy Warning. Mais ne cherchons pas à enfermer Kitch dans des influences figées. Les références citées ne sont là que pour donner quelques repères, et la musique du quatuor lyonnais s’affiche comme constamment évolutive. C’est ce qui en fait tout son charme.
© Jean-François Convert – Août 2022