Le 15 juillet 1977 arrivait dans les bacs ce huitième album studio de Yes. Leur dernier grand album à mon goût.
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Le rock progressif en perte de vitesse
En 1977, le rock progressif n’est déjà plus vraiment à la mode. La déferlante Punk des deux côtés de l’Atlantique (principalement Londres et New York) relègue les Genesis, Yes, King Crimson et consorts au statut de dinosaures du rock. Cela n’empêche pas ces groupes jugés has been de sortir d’excellents albums, comme par exemple Animals, un des meilleurs disques de Pink Floyd à mon goût (qui d’ailleurs ressort en septembre avec un nouveau mix).
C’est le cas également de Yes avec Going for the One que pour ma part je considère comme leur dernier grand album. Les disques suivants perdront à mon sens de leur créativité et s’orienteront plus vers un style mainstream, avant de verser carrément dans le rock FM au cours des années 80. On sent d’ailleurs un peu déjà ce léger virage dans Going for the One avec notamment des morceaux plus courts.
Des morceaux au format plus classique
Sur la trilogie Close to the Edge – Tales from the Topographic Oceans – Relayer, les titres les moins longs avoisinaient les 10 minutes, et les pièces épiques parcourant une face entière de vinyle étaient la norme. Ici, le morceau le plus long qui clôt l’album, Awaken, ne remplit pas la deuxième face, et côtoie le plus court, Wonderous Stories, sorti en single :
Une très belle ballade folk dont le rythme et l’ambiance me rappellent la première partie de I’ve Seen All Good People. Mais plutôt que d’enchainer les changements de tempos, métriques, et tonalités, choses qu’on retrouvait souvent chez Yes, Wonderous Stories reste dans un format chanson classique.
De même, Going for the One et Parallels baignent dans une ambiance rock, voire country-rock pour le morceau-titre, avec sa guitare slide. Il n’y a réellement que deux morceaux, le planant et mystique Turn of the Century avec ses envolées lyriques, et Awaken parsemé de piano baroque et d’arabesques à la guitare, qui sonnent vraiment « épique » et « progressif ». Une couleur prog-rock qui est quand même distillée subtilement au gré de l’album comme par exemple l’orgue d’église qu’on entend sur Parallels et Awaken, et qui a été enregistré à la chapelle Saint-Martin située à Vevey, en Suisse (les autres enregistrements ont été effectués aux Mountain Studios de Montreux).
Le retour de Rick Wakeman
Cet orgue grandiloquant est représentatif du style de Rick Wakeman qui revient dans le groupe après l’avoir quitté en 1974. Il avait été remplacé par Patrick Moraz sur Relayer, mais ce dernier est ensuite parti rejoindre les Moody Blues en 1976. Le virtuose blond fait donc son retour au sein de Yes, mais ce sera de courte durée : sur cet album, et le suivant, Tormato. Il participera plus tard aux différents albums et tournées de réunion du groupe ou de la formation « dissidente » (Anderson, Bruford, Wakeman, Howe). Il faut reconnaitre qu’il n’est pas toujours évident de s’y retrouver dans la carrière enchevêtrée de Yes…
Embed from Getty ImagesWakeman n’est crédité à la composition sur aucun morceau de l’album, à la différence des 4 autres membres (Anderson, Howe, Squire et White) qui apparaissent tous comme co-auteur d’au moins un titre. En revanche, le claviériste a co-signé avec Anderson une pièce inédite intitulée tout simplement Vevey, interprétée en solo par Wakeman, et disponible sur le coffret Yesyears et sur la réédition de Going for the One sortie en 2003.
Un visuel qui rompt avec les précédents
L’impression de transition dans la discographie de Yes est renforcée par sa pochette qui tranche avec ce qu’on avait connu jusqu’alors. De Fragile à Relayer, l’iconographie du groupe était aux mains de Roger Dean qui illustrait les albums par des dessins à l’imagerie fantasmagorique et drainant un imaginaire pictural en phase avec la musique épique gravée sur les microsillons.
Signe de changement, la pochette de Going for the one est créée par Hipgnosis, le célèbre collectif auteur de nombreux visuels d’albums, dont ceux de Pink Floyd. Seul le fameux logo du groupe reste la création de Roger Dean. Les tours que regarde l’homme nu de dos sont celles du Century Plaza à Los Angeles.
Lors de sa sortie, la maison de disques a assuré la promotion de l’album par une campagne de publicité extérieure. Howe se souvient qu’un panneau d’affichage avec la pochette de l’album sur Sunset Boulevard à Los Angeles couvrait les fesses et les cuisses de l’homme avec un pantalon. Il était étonné que quelqu’un ait pu s’offusquer de l’image originale, en particulier les « proxénètes, dealers et femmes faciles » qui fréquentaient la rue. (source : Wikipedia)
Les clichés à l’intérieur du disque semblent avoir été pris vers Montreux, là où a été enregistré l’album.
Un album qui au final marque pour moi la fin de la grande période de Yes. Cela ne m’empêche pas d’écouter de temps à autre des morceaux ultérieurs à ce disque, mais j’y retrouve rarement la dimension épique et lyrique qu’on entend jusqu’à Going for the One. Un album, sorti il y a tout juste 45 ans aujourd’hui.
© Jean-François Convert – Juillet 2022