Tout le monde a entendu au moins une fois cette chanson. Mais plus difficile de savoir à qui l’attribuer, et encore moins de quel album elle est issue. Petite revue de détail de ce tube intemporel.
Sommaire
Aux commandes : le bassiste de Deep Purple
En 1974, Deep Purple, (deuxième groupe de la trinité génitrice du hard rock avec Led Zeppelin et Black Sabbath) est dans une période incertaine (qualifiée de “Mark III”) et s’est séparé l’année précédente de deux de ses piliers : le chanteur Ian Gillan (remplacé par David Coverdale) et le bassiste Roger Glover (remplacé par Glenn Hughes). Cette formation transitoire ne fera pas long feu, et se séparera en 1976, avant une reformation du line-up de la “Mark II” (Blackmore-Lord-Paice-Gillan-Glover) en 1984. Entre-temps, Blackmore et Glover rejoueront ensemble au sein de Rainbow, dont Glover deviendra même le producteur.
Mais en 1973, Roger Glover a purement été limogé par Ritchie Blackmore, guitariste génial mais au tempérament irascible, et pas toujours compatible avec la cohabitation d’autres talents dans son entourage. C’est par exemple le bassiste qui a eu l’idée du titre du morceau légendaire du groupe : Smoke on the Water, dont l’histoire relate l’incendie du Casino de Montreux.
Ainsi, à cette moitié des seventies, Glover se retrouve sans groupe. Il va mettre sur pied un projet ambitieux, faisant appel à de nombreux collaborateurs.
Un album-concept doté d’un casting cinq étoiles…
Le 18 novembre 1974 sort le disque au titre improbable The Butterfly Ball and the Grasshopper’s Feast plus connu sous son nom abrégé de Butterfly Ball. Il est produit par Glover, et quasiment entièrement écrit et composé par lui, à part 3 chansons co-signées avec Eddie Hardin, et 2 autres avec Ronnie James Dio et Mickey Lee Soule.
La couleur musicale générale de l’album oscille entre pop et rock, harmonies vocales et riffs soul, orchestrations foisonnantes et rythmiques efficaces. On pense à Queen alors en plein essor, aux Beatles et Beach Boys, et cet esprit mi-comédie musicale, mi rock psyché.
Les textes sont à la fois gentiment fraternels et délicieusement acidulés. Un mélange du rêve hippie et d’une Alice sous psychotropes. Comme si Lewis Caroll avait pris la route de Kerouac et s’était arrêté à Haight-Ashbury.
Quant aux chant, c’est un défilé des grandes voix du moment, et dont plusieurs gravitent autour du cercle des membres de Deep Purple et Rainbow :
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Ronnie James Dio, qui l’année suivante deviendra chanteur de Rainbow, puis en 1979 de Black Sabbath, en remplacement de Ozzy Osbourne. Dio est notamment célèbre pour avoir été l’un des premiers à populariser le geste des « cornes » dans le metal. Il n’en est pas à l’origine pour autant.
Outre le tube de l’album, il interprète deux autres magnifiques chansons :
Le mélancolique Sitting a dream :
Et le final lyrique Homeward, avec ses chœurs d’enfants dont on peut penser que Roger Waters s’inspirera sur The trial :
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Glenn Hughes, qui a justement remplacé Glover au sein de Deep Purple, et chante ici Get Ready :
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David Coverdale, qui a pris la place de Ian Gillan chez Deep Purple. Il interprète Behind the smile :
Et d’autres chanteurs ou chanteuses moins connu(e)s, mais tout aussi talentueux(ses), dont, entre autres:
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Mickey Lee Soule, au patronyme en parfaite adéquation avec le style du morceau qu’il interprète, No Solution, prouvant au passage la diversité musicale de l’album :
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Liza Strike, qui chante Fly away, dans la plus pure tradition des voix féminines des seventies (elle figure l’année suivante sur l’album Say it ain’t so de Murray Head) :
Judy Kuhl qui enchaîne avec Aranea, à l’exotisme psychédélique, légèrement désuet :
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Jimmy Helms, et sa voix soul et bluesy sur Waiting et sa ritournelle caractéristique au synthé Moog:
…connu surtout pour une chanson
Malgré tous ces excellents morceaux, et l’aspect oeuvre-concept, c’est essentiellement la chanson Love is all qui va rester à la postérité. Les raisons sont multiples : son rythme ternaire entraînant, son côté ballade mi-rock mi-pop, ses chœurs gospelisant, et son texte qui fait inévitablement référence au All you need is love des Beatles (dont les paroles reprenaient en boucle à la fin “love is all you need”).
Le passage valse au milieu du morceau ajoute un charme à l’ensemble, et tranche avec la voix puissante de Dio sur le reste de la chanson. La mélodie accrocheuse est sans doute en grande partie responsable de son succès, mais pour le public de l’hexagone, le titre phare du Butterfly Ball possède en plus une aura particulière…
Célèbre en France pour ses diffusions sur Antenne 2
Dans le concept initial, il était prévu un long-métrage d’animation en parallèle de l’album, qui en aurait été la bande son. Finalement, le projet n’a pas complètement abouti, et seule la chanson Love is all a été illustrée en dessin animé.
Ce court-métrage d’animation réalisé par le studio Halas et Batchelor, d’après les dessins de Alan Aldridge (plus d’infos dans cet article détaillé) est particulièrement connu en France pour avoir été utilisé à partir de 1975 sur la chaîne Antenne 2, qui le diffusait comme interlude pour pallier les « difficultés techniques ». Sa diffusion était donc aléatoire, ce qui a contribué à le rendre mythique en cette époque où les magnétoscopes n’étaient pas chose courante dans les foyers français.
Autour de la chanson
La version live de 1975
La version live de 1999
Sources
- Wikipedia
- Article de Nath-Didile
- Article de Julien Ferté
- Idée inspirée par mon ami Jean-François Lixon
© Jean-François Convert – Juin 2019
En déboulant sur FIP par ce 3 décembre glacé, »Love is all » m’a fait ressurgir quelques madeleines et me retrouver sur votre blog…que je découvre en même temps que tout ce qui se cache autour et derrière cette ballade en dessin animé psychédélique!Bravo et félicitation pour cet article et votre blog que je vais suivre de près, car il me semble, au vu de vos autres articles(Ry Cooder que je n’ai pas encore lu) et votre ratelier guitaristique (ahhh la National!)que nous ayons quelques affinités électives.
Merci 🙂
C’est mon enfance de mes 9 ans , c’était magique pour moi . Merci pour ce travail de recherche … d’ailleurs c’etayma chanson préféré !! Y’avait pas de phono à la maison lorsque j’étais enfant. GUERyN
Bien écrit et super intéressant !! Merci !
Bonjour.
Je découvre seulement ce jour votre blog: il est magnifique!
Et quel bonheur d’apprendre ces divers riches éléments sur cette chanson mythique qui, moi aussi, me renvoi invariablement à ma propre enfance. J’avoue que, parfois, je me demandais pourquoi elle ne passait pas plus souvent à la TV.
MErci encore pour votre érudition en partage et belle vie à vous.
Stéphane
C’est Gillan pas Gillian
merci. j’ai corrigé 🙂
Depuis 1945 , » love is all « demeure toujours plein d’intérêts sur tous les concepts :tant musicaux que cratifs, graphiques à cette période mon entourage musicaux masculin n’en avait que pour Deed Purple et comme tous les français le texte était insuffisement compris ) conclusion jà ce jour j’écoute toujours cette classiical comédie délirante .
My butterfly est l’enfant de cette riche période .,elle possède les routes artistiques semées par cette oeuvre unique !
Emue , j’avais écris 1945 alors que 1975 pardon au clavier !!!!