Le 3 juin 1982, l’album ‘Dure Limite’ de Téléphone arrivait dans les bacs. Un disque enregistré sous tensions.
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Enregistrement difficile mais disque joyeux
Après le succès des trois premiers opus du groupe, Téléphone cherche à sortir hors des frontières hexagonales et vise notamment à conquérir le marché américain. Cela se traduit par un changement de label : fini EMI, place à Virgin. Les quatre musiciens partent enregistrer de l’autre côté de l’Atlantique. Face à leur désir de rêve américain ils vont vite déchanter : la version internationale un temps imaginée est abandonnée car les adaptations tentées par Jean-Louis Aubert et Lou Reed ne sont pas jugées satisfaisantes. De plus, les frenchies sont malmenés par le producteur Bob Ezrin et les tensions au sein du groupe commencent à apparaitre.
Paradoxalement, l’album a une ambiance plutôt gaie, en tout cas plus que son prédécesseur, Au cœur de la nuit. La raison sans doute à des titres comme Jour contre jour, Juste un autre genre ou Le Chat, écrite, composée et chantée par Corine Marienneau. Mais surtout, LE tube du disque, et encore aujourd’hui un des morceaux les plus connus de Téléphone : Ça (c’est vraiment toi)
Atmosphère festive et envie de déconnade, le morceau cartonne. Tout comme l’album qui est un très grand succès, en occupant la première place du classement de ventes d’albums en France pendant sept semaines. Il s’est vendu à plus de 700 000 exemplaires et est certifié disque de platine.
Le tube de Louis Bertignac
L’autre hit de l’album est bien sûr Cendrillon, écrit, composé et chanté par Louis Bertignac. Le guitariste avait déjà signé seul 2000 Nuits sur Au cœur de la nuit, mais ce conte de fée qui vire au cauchemar sur la perte de l’innocence deviendra l’un des morceaux les plus célèbres du groupe et un favori du public en concert. Bertignac affirmera plus tard l’avoir écrite en pensant à Romy Schneider.
En plus de la ritournelle qui évoquerait presque une comptine pour enfants, et des paroles simples mais efficaces, le guitariste signe de très beaux solos, joués de son propre aveu sur Telecaster. Bertignac réservera toujours à Cendrillon une place de choix dans ses futures tournées solo, et écrira même un couplet supplémentaire.
L’avant-dernier album du groupe
Les autres morceaux sont tout aussi intéressants, et selon les critiques de l’époque « les textes d’Aubert montrent un niveau inédit de maturité et de réflexion sociopolitique ». On trouve en effet dans Ex-Robin des bois, une satire politique sur la désillusion des militants socialistes un an après l’élection de François Mitterrand. Côté musiques, Le Temps offre un rythme hypnotique et de très belles parties de guitares, Serrez verse dans l’énergie punk, Le Chat joue en mode feutré avec shuffle ternaire et saxophone plaintif, tandis que Juste un autre genre surfe sur un riff qui fait mouche un peu comme celui de Ça (c’est vraiment toi).
Quant au morceau-titre qui ouvre l’album, avait-il un sens prémonitoire ? Le groupe commençait-il à atteindre la limite ? Quoiqu’il en soit, Dure limite marquait pour Téléphone à la fois le passage d’un cap important en terme de production studio, et peut-être aussi le point de non retour même inconscient qui aboutira à l’album final peu de temps après. Un disque charnière mais presque annonciateur de la future scission du groupe. Un disque sorti il y a tout juste 40 ans aujourd’hui.
© Jean-François Convert – Juin 2022