Jeff Beck : “There and back” a 40 ans

Sorti en juin 1980, cet album confirmait le virage fusion de Jeff Beck. Retour sur un disque ou se côtoient atmosphère et virtuosité.

Un album dans la lignée des deux précédents

Accentuant encore plus le côté rock-fusion, There and back est le troisième album de Jeff Beck sous son nom seul, après Blow by blow en 1974, et Wired en 1976. Les autres disques parus avant 1980 sont soit au nom du Jeff Beck Group, soit au sein du trio Beck Bogert & Appice, soit en duo avec Jan Hammer pour un album live en 1977.

Et justement, le claviériste tchèque signe les 3 premiers morceaux de ce nouvel opus qui ouvre les eighties: Star Cycle, Too Much to Lose et You Never Know. Il y joue les claviers et claviers-basses, formant ainsi un trio avec le batteur Simon Phillips. Pour les 4 titres suivants, le bassiste Mo Foster et le pianiste Tony Hymas font passer au quatuor, et le dernier morceau, bien nommé The Final Peace, offre un duo Hymas-Beck, ainsi que le seul titre de l’album où le guitariste est crédité à la composition. Une merveille de guitare planante :

Un toucher inimitable et un son à la fois flottant et toujours d’une extrême justesse. C’est le nouveau style de jeu de Jeff Beck : plus de mediator, uniquement les doigts, et la paume de la main constamment posée sur la barre de vibrato, en même temps que l’auriculaire contrôle le bouton de volume… tout un art.

Une nouvelle technique de jeu

Jeff Beck avait déjà joué des passages de certains morceaux avec les doigts auparavant, comme par exemple dans cette vidéo de 1974, mais il alternait mediator et fingerpicking. A partir de 1980, il va de plus en plus laisser de côté les plectres pour ne finir à jouer qu’aux doigt dans la deuxième moitié des eighties. On peut le voir utiliser encore le mediator de temps à autres lors de concerts en 1981 et 1983 par exemple, mais en 1986, il joue Cause We’ve Ended As Lovers aux doigts, alors qu’il le jouait au mediator en 1981 :

Il raconte qu’un jour il a fait tomber son mediator sur scène et qu’il ne le retrouvait plus, ce qui l’a incité à ne plus jouer qu’aux doigts ! Il a également reconnu plus sérieusement que cette technique lui permettait d’obtenir des sonorités impossibles au mediator, et qu’il trouvait dommage de ne pas se servir de tous les doigts de sa main droite.

Quelle qu’en soit la raison, il adopte ce nouveau style qui va réellement devenir sa marque de fabrique, et reste encore aujourd’hui LE son Jeff Beck. Un jeu de guitare extrêmement précis, aérien et aux sonorités souvent hallucinantes, que j’ai pu savourer en live il y a 2 ans. Il avait d’ailleurs joué en autres Star Cycle :

► Retrouvez ma chronique de son concert à Vienne en juillet 2018

Atmosphère et virtuosité

L’album mixe une dextérité indéniable avec des couleurs ambient-rock avant l’heure.

Des morceaux comme Scatterbrain avaient déjà montré la vélocité du guitariste et son attrait pour les tempos effrénés. Ici, c’est Space Boogie qui défile à toute allure avec un Simon Phillips impressionnant aux baguettes :

Tout au long du disque, le guitariste exprime une large palette musicale, mêlant ambiance lounge et phrasé bluesy criard (The Golden Road), ou alternant mélodies arabo-andalouses et slide sur un riff southern rock (El Becko).

Côté atmosphère prenante, outre le somptueux The Final peace, c’est le morceau The Pump qui nous plonge instantanément dans une ambiance cinématographique. Et le réalisateur Paul Brickman ne s’y est pas trompé, en le choisissant pour figurer dans son film Risky Business avec Tom Cruise, sorti en 1983. Un titre très apprécié des fans, et devenu un grand classique du répertoire en live de Jeff Beck. Ce dernier le présentait parfois en faisant référence au film :

There and back constitue une belle transition dans la carrière de Jeff Beck : entre le jazz-rock des seventies et le son plus moderne des eighties, qui va culminer avec Flash cinq ans plus tard. Une façon très classe d’aborder les années 80 et qui va donner des idées à pléthore de shredders… mais ceux ci n’auront pas toujours le bon goût du maître. Bien plus que nombre d’albums de hard-rock instrumental indigestes, ce disque quadragénaire ce mois-ci garde encore aujourd’hui toute sa fraîcheur, et s’écoute tout naturellement avec une impression de modernité.

© Jean-François Convert – Juin 2020

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2 commentaires sur “Jeff Beck : “There and back” a 40 ans

  1. Merci pour cette belle chronique.

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  2. Merci pour cette chronique d’un album intemporel qui ne m’a jamais quitté depuis ces 40 années.

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