Il y a 35 ans sortait la réédition remixée du 1er album d’Alan Parsons

En novembre 1987 arrivait dans les bacs la nouvelle version augmentée de ‘Tales of mystery and imagination’, le premier album du Alan Parsons Project sorti originellement en 1976.

La version originale de 1976

En 1976, Alan Parsons a déjà un sacré CV à son actif : après avoir débuté aux studios Abbey Road comme assistant son sur les derniers enregistrements des Beatles (le fameux ‘Rooftop concert’ et Abbey Road), il est ensuite devenu un ingénieur du son reconnu, notamment par sa participation sur deux opus majeurs de Pink Floyd : Atom Heart Mother et The Dark Side of the Moon. Pour ce dernier, on peut presque considérer qu’il a en partie produit/réalisé l’album, tant son empreinte a marqué le disque par sa qualité sonore et certaines idées apportées au concept global.

Fort de ce bagage conséquent qui force le respect (en incluant également des albums de Paul McCartney ou Al Stewart), il décide de se lancer lui aussi en tant que musicien en créant le Alan Parsons Project avec l’écossais Eric Woolfson, pianiste et compositeur de session rencontré aux studios Abbey Road.

Eric Woolfson et Alan Parsons

Ce dernier a composé et écrit plusieurs morceaux inspirés des nouvelles et des poésies de l’auteur américain Edgar Allan Poe, entre autres : The Tell-Tale Heart (Le Cœur révélateur), The Fall of the House of Usher (La Chute de la maison Usher), (The system of) Doctor Tarr and Professor Fether (Le Système du docteur Goudron et du professeur Plume), The Cask of Amontillado (La Barrique d’amontillado) ou encore The Raven (Le corbeau).

© Denys Legros

Le parti-pris littéraire oriente spontanément le disque vers un concept-album, et l’univers fantastique de l’écrivain est propice à une musique aux accents prog-rock avec des influences floydiennes très présentes au niveau des ambiances sonores, des voix, des guitares. Le duo Woolfson-Parsons s’adjoint l’aide du musicien-arrangeur et compositeur Andrew Powell qui complète les compositions de Woolfson par des orchestrations classiques. Sur la pochette du disque, les morceaux sont tous signés Woolfson-Parsons et la pièce classique The Fall of the House of Usher est créditée Woolfson-Parsons-Powell.

À l’origine, le disque s’intitulait simplement The Alan Parsons Project comme s’il ne devait s’agir que d’un One Shot. Mais son succès le rendra disque d’or, et le Alan Parsons Project deviendra un groupe dont l’identité sera réellement entérinée à partir de l’album suivant I Robot.

Dès ce premier opus, le Alan Parsons Project jette les bases de plusieurs idées musicales qui reviendront de façon récurrente dans les albums suivants : une introduction instrumentale lente et mystérieuse (A Dream Within a Dream), des effets sonores novateurs (The Raven est le premier morceau de rock où figure un Vocoder digital), des ritournelles entêtantes qui tournent en boucle (Arrival, Pavane, les arpèges de A Dream Within a Dream), le mélange d’arrangements rock et d’orchestrations classiques, et un panel de plusieurs chanteurs. On entend ainsi John Miles tout auréolé du récent succès de son premier album Rebel sorti la même année, avec l’énorme tube Music, mais aussi Parsons lui-même, l’acteur Leonard Whiting, Terry Sylvester, ou Arthur Brown qui livre dans The Tell-Tale Heart une performance vocale rappelant Ian Gillan.

La version augmentée de 1987

Dix ans plus tard, Parsons décide de retravailler Tales of mystery and imagination pour sa sortie en format CD. Il explique dans les notes du livret qu’à l’inverse de la démarche entreprise à l’époque pour Sgt. Pepper des Beatles, dont l’édition CD reprend tel quel le mixage stéréo de 1967, lui souhaite au contraire faire bénéficier à son disque des avantages des nouvelles technologies, et ainsi lui apporter quelques modifications tendant à l’améliorer, mais tout en gardant l’esprit originel de l’œuvre. Une démarche similaire à celle que fera Georges Lucas dans les années 90 avec ses versions de Star Wars où des effets ont été rajoutés pour palier à ce qui n’avait pas pu être fait à l’époque, faute de moyens techniques.

N.B. Il est amusant de noter qu’en 2017, Sgt. Pepper passera lui aussi à la moulinette de remixage pour s’offirr une seconde jeunesse, et que dans la foulée, l’Album Blanc, Abbey Road, Let it Be et très récemment Revolver emboiteront le pas.

Cette édition de 1987 reprend ainsi l’enregistrement original mais en y apportant des éléments supplémentaires, le plus notable étant une narration introductive à chacune des faces, récitée par Orson Welles. Décédé en 1985, l’acteur et réalisateur américain n’a jamais rencontré ni Parsons ni Woolfson, mais leur avait envoyé son enregistrement après avoir reçu le script de narration pour l’album. Il semble que Welles leur a envoyé une cassette peu après la sortie de l’album en 1976. On peut donc en déduire que cette idée avait germé dans la tête du duo bien avant 1987 (à noter que la narration dite par Leonard Whiting sur le dernier morceau To One in Paradise était présente dès l’édition de 1976).

Orson Welles lors de l’émission The Tonight Show en 1976

Le premier passage narré par Welles est tiré d’une œuvre obscure de Poe : le n° XVI de ses Marginalia (de 1845 à 1849, Poe a intitulé « Marginalia » certaines de ses réflexions et de ses fragments). Le deuxième passage semble être une paraphrase partielle ou un composite d’une œuvre de Poe, principalement d’un recueil de poèmes intitulé Poems of Youth (contenu dans Introduction to Poems – 1831 dans une section intitulée Letter to Mr. B———–) ; la partie « Shadows of shadows passing » provient des Marginalia.

La version CD permet de lier les deux faces et de n’avoir ainsi aucun blanc entre les morceaux du début jusqu’à la fin de l’album. Mais l’édition 1987 est également parue en vinyle. En 2007, une édition Deluxe a regroupé la version originale de 1976 et la version remixée de 1987. L’édition CD « standard » est celle de 1987, et souvent celle par laquelle le public découvre l’album, comme ça a été mon cas en 1995 (merci Jérôme).

En plus de la narration de Welles, ce nouveau mixage apporte quelques nouvelles parties instrumentales, notamment de synthétiseurs ou de guitares, un des passages les plus notables étant le solo joué par Ian Bairnson sur The Raven. Les autres différences concernent la reverb ou la façon dont les instruments sont répartis sur l’espace stereo. Les deux vidéos ci-dessous listent ces différences en comparant les deux versions :

Depuis que je l’ai découvert ainsi, je ne peux plus écouter cet album autrement. Pour moi, il doit y avoir cette voix d’Orson Welles qui semble sortir d’outre-tombe et qui colle si bien à l’univers d’Allan Poe. Il doit y avoir ce solo de guitare sur The Raven et qui lui donne une dimension encore plus dramatique. Il doit y avoir ces sons imposants de synthétiseurs, et ce mixage so eighties avec une reverb exagérée.

Sentiment subjectif bien sûr, et qui serait peut-être différent si j’avais découvert la version de 76 en premier. Mais je pense tout de même que Tales of mystery and imagination est un bon exemple d’une œuvre musicale qui a gagné à avoir été retravaillée et être ressortie dans une version « augmentée ». C’était il y a 35 ans ce mois-ci.

© Jean-François Convert – Novembre 2022

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