‘I Robot’ du Alan Parsons Project sortait il y a 45 ans

Le 1er juin 1977 arrivait dans les bacs le deuxième album du Alan Parsons Project. ‘I Robot’ établissait le schéma étalon de tous les futurs albums du groupe.

Le début d’un « groupe » ?

Quand en 1976, Alan Parsons s’associe à Eric Woolfson pour produire et enregistrer Tales of mystery and imagination, inspiré des écrits d’Allan Poe, est-ce que le duo imagine fonder un « groupe » qui va perdurer ? Pas sûr. On peut supposer qu’il ne s’agissait que d’un « projet » unique lié à ce disque ambitieux qui mélange musique classique, concept-album, et sonorités pop-rock.

Eric Woolfson et Alan Parsons

En revanche, avec I Robot qui sort l’année suivante, on sent plus le début d’une réelle discographie homogène, surtout quand on le compare aux futurs opus. Tales of mystery and imagination était vraiment une œuvre à part : un réel concept narratif qui sera renforcé en 1987 avec la version remixée contenant la voix d’Orson Welles, et surtout une grande part de musique classique, notamment avec une pièce de Debussy réorchestrée par Andrew Powell (le prélude de l’opéra La Chute de la maison Usher). Et côté arrangements, certains musiciens récurrents étaient déjà là (Bairnson, Patton…) mais les chanteurs attitrés des futurs albums n’étaient pas encore présents.

Alors que sur I robot va apparaitre une voix qui restera familière sur toute la discographie du Alan Parsons Project, celle de Lenny Zakatek :

À l’avenir, c’est lui qui assurera le chant sur les morceaux au rythme enlevé, tendance funky ou rock (One More River, You Lie Down with Dogs, Damned If I Do, Games People Play, I Don’t Wanna Go Home, You’re Gonna Get Your Fingers Burned, Step by Step…). Une empreinte vocale reconnaissable et qui donnera à l’auditeur un repère sur les différents albums. Par la suite, Il sera rejoint par les récurrents Elmer Gantry, Chris Rainbow, et bien sûr Eric Woolfson, ainsi que le bassiste David Patton qui assurera également le chant principal à plusieurs reprises.

Ces voix singulières, marquantes, et instantanément identifiables, donneront l’identité sonore et vocale du Alan Parsons Project en tant que « groupe ».

Un canevas de référence pour la suite

Cette marque de fabrique ne concerne d’ailleurs pas uniquement le chant et s’étend aux autres morceaux. Chaque titre de l’album entérine une sorte d’étalon pour tous les futurs albums du groupe :

  • L’introduction forcément instrumentale, planante, mystérieuse, voire quasi mystique… gimmick qu’on retrouve ensuite dans tous les albums. C’est le lever de rideau incontournable d’un disque du Alan Parsons Project ! Ici c’est le morceau-titre, plus tard ce sera Voyager, Lucifer, Sirius… et même quand un album débutera par une chanson, il y aura tout de même une intro pour bien signifier « l’ouverture » du disque, par exemple avec les premières mesures de Maybe a price to pay sur The Turn of a friendly card.
  • Des rythmiques dans l’air du temps (nous sommes en 1977) qui sonnent parfois très funk-disco. C’est le cas sur I Wouldn’t Want to Be Like You ou Breakdown. On retrouvera ce style par exemple dans I Don’t Wanna Go Home.
  • Le leitmotiv instrumental obsédant qui deviendra l’archétype représentatif du Alan Parsons Project : le motif musical du morceau-titre I Robot annonce les futurs Mammagamma, Hawkeye, The Gold Bug, Hyper-Gamma-Spaces… la ritournelle elle aussi incontournable d’un album du Alan Parsons Project !
  • La ballade classico-romantique avec violons appuyés, orchestre symphonique, et envolée lyrique parfois un peu boursouflée : Don’t Let It Show est précurseur des Shadow of a Lonely Man, Time, Silence and I, Old and Wise, Limelight
  • Le final emphatique (certains diront pompeux) avec mélodie en boucle reprise par la guitare. Ce procédé qui clot le dernier morceau Genesis CH.1 V.32 sera repris dans entre autres The Turn of a Friendly Card (Part Two) et Silence and I.

Une musique entre prog et rock FM

Autant Tales of mystery and imagination avait encore cette approche expérimentale et hors format radiophonique, autant à partir de I Robot, les albums du Alan Parsons Project vont commencer à lorgner du côté des charts. Même si les instrumentaux I robot, Nucleus, Genesis Ch. 1 V. 32 et les chœurs inquiétants de Total Eclipse (composé par Andrew Powell et ne figurant qu’une chorale) apportent la touche « rock progressif », à l’inverse les chansons sont quasi-destinées au dance floor, à l’instar de I Wouldn’t Want to Be Like You que Lenny Zakatek reprendra à son compte lors de ses apparitions solo :

De même, Some other time, Day After Day (The Show Must Go On), Breakdown et Don’t Let It Show semblent plus appartenir à la catégorie tubes des années 80 avant l’heure, que d’un rock progressif complexe des seventies. Même The voice qui tente quelques expérimentations sonores ne peut s’empêcher de virer disco sur le pont. Ce constant grand écart entre art-rock et pop grand public fera la recette de toute la discographie du Alan Parsons Project.

I Robot a bénéficié de deux rééditions, l’une en 2007 (avec 5 morceaux bonus) et l’autre en 2013 (avec cette fois 14 morceaux bonus) :

Une pochette singulière

La conception de la pochette est l’œuvre de l’agence Hypnosis (qui a signé entre autres les pochettes des albums de Pink Floyd), et la photo a été prise au terminal 1 de l’Aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle contre l’avis de la direction de l’aéroport. Les personnes figurant sur la photo sont les assistants de Storm Thorgerson, patron du collectif Hypnosis, et auteur des plus célèbres pochettes de l’histoire du rock. Outre Pink Floyd, il a également réalisé celles d’albums de entre autres : AC/DC, Genesis, Queen, Led Zeppelin, Mick Taylor, Mike Oldfield, T.Rex, Yes, Red Hot Chili Peppers

Le cerveau du robot est symbolisé par un atome, et la photo d’Alan Parsons à l’intérieur de la pochette est exactement dans le même angle et la même pose que la tête du robot. Comme si le robot révélait son humanité… à moins que ce ne soit l’inverse…

La pochette intérieure

Un album concept

Tous les albums du Alan Parsons Project s’articulent autour d’un concept central. I Robot s’inspire du recueil de science-fiction Les Robots (I, Robot en version originale), écrit par Isaac Asimov, explorant des thèmes philosophiques concernant l’intelligence artificielle. Woolfson a eu l’occasion d’échanger avec Asimov lui-même qui était enthousiaste à propos de cette idée.

Les droits d’adaptation étant déjà détenus par une société de production audiovisuelle, le titre de l’album a été subtilement modifié par rapport au titre du roman, en I Robot, sans la virgule ! Et le thème et les paroles sont plus d’ordre général sur les robots, plutôt que spécifiques à l’univers d’Asimov.

Les membre du groupe relookés à la mode Asimov, par © Denys Legros

Les notes de pochette indiquent : « L’histoire de l’essor de la machine et du déclin de l’homme, qui a paradoxalement coïncidé avec sa découverte de la roue… et un avertissement que sa brève domination de cette planète prendra probablement fin, parce que l’homme a essayé de créer un robot à son image. » Le titre du dernier morceau, Genesis Ch.1 v.32, suit cette thématique en impliquant une continuation de l’histoire de la création, puisque le premier chapitre de la Genèse ne compte que 31 versets.

De quoi réfléchir à l’évolution de notre société et sa technologie. Son progrès continuellement accéléré, au détriment peut-être de notre survie future ? Finalement, le thème central de cet album I Robot reste on ne peut plus d’actualité, 45 ans après sa sortie.

© Jean-François Convert – Juin 2022

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