Après des années 80 un peu ternes musicalement, sous la houlette de Phil Collins, le guitar-hero anglais revenait aux sources avec cet opus sorti le 7 novembre 1989. Un retour en grâce qui fête ses 30 ans aujourd’hui.
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Des années 80 un peu datées…
En 1989, Eric Clapton n’est plus le God des sixties. Plutôt un guitariste légèrement hasbeen en cette époque où U2, Cure ou Depeche Mode occupent le devant de la scène. Il a bien joué au Live Aid en 1985, participé aux concerts de charité du Prince Charles. Il a même rejoint Dire Straits au stade de Wembley le 11 juin 1988 pour un concert mémorable en l’honneur des 70 ans de Nelson Mandela, alors encore emprisonné. Mais voilà, faire partie du gratin mondain des stars du rock de cette période (Elton John, Sting, Phil Collins, Tina Turner, Paul McCartney…) ne suffit pas à être perçu comme étant dans le vent par le public. Tout ce microcosme du show bizz est catalogué dans les dinosaures du rock, et beaucoup pensent qu’ils ne vont pas tarder à tirer leur révérence et être balayés par les nouveaux arrivants, même 2-3 ans avant l’explosion du grunge.
Il faut dire que les choix artistiques de ces musiciens de légende des sixties et seventies n’ont pas toujours été du meilleur goût dans les eighties : abondance de synthés, boite à rythmes ou batteries triguées, production dégoulinant de sonorités bien marquées pour épouser le moule radio, et ne parlons pas des apparences vestimentaires ou capillaires. Clapton est loin d’être le pire en la matière, mais les costumes Armani l’ont quelque peu éloigné de ses influences blues originelles, et ses albums produits par Phil Collins (Behind the sun en 1985 et August en 1988) sonnent un peu artificiels.
Son expérience comme guitariste de Roger Waters après que celui-ci ait sabordé le Floyd, n’avait pas été très concluante non plus. La bande originale de L’Arme Fatale offrait quelques interventions sympathiques à la guitare, mais rien qui ne puisse rester à la postérité. Ce sont surtout la version de Knockin on heaven’s door par Randy Crawford sur l’opus 2, et It’s probably me avec Sting sur le 3, dont on se souvient encore aujourd’hui.
Et Clapton lui-même relie les années 80 à sa dépendance à l’alcool (qui avait débuté dans la deuxième moitié des seventies), comme il l’explique dans le film Life in 12 bars.
Bref, on ne s’attendait pas forcément à cet album qui débarque le 7 novembre
Un retour à l’esprit du blues
Produit par Russ Titelman, et bien que bénéficiant d’un son propre, plutôt pop et de belles mélodies, l’esprit de l’album est plus blues que les précédents. Les guitares sont mises en valeur, il apparaît que Clapton amorce un nouveau changement de cap. Dès le premier titre Pretending, la wah accroche tout de suite l’oreille, et on retrouve le soliste des grands jours
Le disque entier baigne dans une ambiance “old school” : la reprise de Houng Dog, tube d’Elvis (avec aboiements de chien bien imités !), le blues lourd et puissant Before you accuse me de Bo Diddley, le jazzy Hard Times de Ray Charles avec deux solos parfaits de maîtrise et de finesse (saxo et guitare), Running on faith et ses chœurs gospel…on sent le désir d’un retour aux sources.
Un casting de pointures
Plusieurs morceaux bénéficient d’invités prestigieux : George Harrison sur Run so far (la chanson est composée par le Beatle), Chaka Khan sur Pretending et No Alibis (sur cette dernière est aussi présente Daryl Hall aux chœurs), le duo Womack & Womack sur Lead me on, ou encore Phil Collins (mais cette fois pas à la production) sur Bad Love, morceau qui là aussi donne l’occasion à Clapton de montrer qu’il a encore les doigts agiles. Un riff une fois de plus à la wah, et qui rappellerait presque l’intro mythique de Layla.
Mais la plus belle collaboration de l’album reste sans hésitation celle avec Robert Cray sur Old love. Chacun a écrit les paroles d’un couplet, et leurs guitares se répondent à merveille. L’ambiance blues est bien là, et slowhand brille à nouveau à la six-cordes comme il ne l’avait pas fait depuis longtemps. De plus, c’est avec un autre guitariste talentueux, ce qui n’est pas sans rappeler là aussi, ses duos avec Duane Allman près de 20 ans auparavant.
Cray joue également sur Before you accuse me, et on entend d’ailleurs Clapton le nommer juste avant son solo : “Robert ”. A noter que les fans de Dire Staits remarqueront la présence du claviériste Alan Clark sur 6 titres, ce qui n’a rien d’étonnant quand on sait que le musicien a accompagné Clapton durant ses tournées de 1987, 1988 et 1989, tout simplement en emboîtant le pas de Mark Knopfler.
Un album beaucoup joué en live
Journeyman est disque d’or en France, et Clapton est ainsi découvert par la jeune génération. Dans la foulée, le guitar-hero embraye sur une tournée et une série de 24 concerts au Royal Albert Hall, qui donnent lieu à la sortie du live 24 nights en 1991. Celui qui fut surnommé Dieu dans les années 60 revient en grâce en ce début des années 90.
Tout semble sourire à nouveau au musicien anglais avec un succès auprès du public et de la critique. Mais un terrible drame va rompre cette période dorée : son fils Conor âge de 4 ans, meurt accidentellement le 20 mars 1991.
Il en résultera le très beau Tears in heaven, figurant sur la bande originale du film Rush (qui sort le 14 janvier 1992), et que le père meurtri joue en quasi-avant-première publique sur le live acoustique MTV Unplugged (enregistré le 16 janvier 1992). Ce concert est surtout connu pour la version acoustique de Layla. Mais l’album Journeyman n’est pas en reste :
Before you accuse me donne dans les accents delta blues (tout comme Walkin’ Blues et Malted Milk) et est à ma connaissance une des premières fois où on voit Clapton jouer sans mediator (il a depuis utilisé le jeu aux doigts à de nombreuses reprises)
Running on faith privilégie la partie slide plutôt que les arpèges. A noter qu’il existe une vidéo de la première prise de ce morceau.
et enfin Old love offre un superbe solo de guitare acoustique, ainsi que de piano par Chuck Leavell :
Plusieurs des morceaux de Journeyman ont continué à être joués en concert dans les années 2000 et 2010, et même encore cette année, comme par exemple Pretending, Running on faith et Before you accuse me le 16 mai au Royal Albert Hall :
Une preuve que le chanteur-guitariste anglais apprécie particulièrement cet album, sorti il y a tout juste 30 ans aujourd’hui.
© jean-François Convert – Novembre 2019
D’ailleurs Billy Gibbons lui offrira une superbe Hamiltone.
C’est Stevie Ray Vaughan qui me poussera vraiment à me mettre à la guitare ! Mais je suis très loin de son jeu.
Saoul Clapon peut jouer comme un dieu mais moi sobre je suis comme un mec saoul 😀
oui effectivement SRV a apporté un souffle nouveau. Quand il a émergé vers 1983-84, Billy Gibbons disait de lui « il y a un petit jeune du Texas qui je crois va mettre tout le monde d’accord! »
Je n’avais jamais vu le clip de Bad Love. J’ai cru que c’était Jean Rochefort ! 😀
Effectivement de nouveaux groupes et de nouveaux style apparaissent mais il y a un autre guitare qui va aussi contribuer à éclipser Clapton de la scène blues : Stevie Ray Vaughan.
Merci pour cet article