‘Elvis’ : biopic tape-à-l’œil mais avec de bons moments

Mes impressions sur le film ‘Elvis’ que j’ai vu avant-hier soir au cinéma. Une mise-en-scène qui donne le tournis, mais des passages musicaux bien sentis.

WARNER BROS FRANCE

Des personnages bien campés

Le biopic est toujours un pari risqué. Peut-être encore plus quand il aborde le monde la musique. En plus de la reconstitution d’époque, il faut une bande son à la hauteur et des acteurs capables d’imiter les artistes qu’ils incarnent. Autant dire qu’avec Elvis, le challenge plaçait la barre très haut. Sur ce point, pari réussi pour Austin Butler. En plus de reproduire la gestuelle, l’élocution, et le regard de Presley, l’acteur s’offre le luxe d’interpréter lui-même certains morceaux du King of Rock’n’roll. L’illusion est réaliste et on croit vraiment à cet Elvis-là.

Idem pour Tom Hanks qui visiblement s’est glissé dans la peau du Colonel Parker avec gourmandise. Lui qui d’habitude joue plutôt les hommes vertueux et héroïques, il se retrouve ici à incarner le manager le plus détesté de toute l’histoire du rock.

Elvis: Colonel Tom Parker Really Was That Bad | Den of Geek
à gauche Tom Hanks dans le film de Baz Luhrmann, à droite Andreas Cornelis van Kuijk, dit Thomas Andrew Parker, Tom Parker ou « Colonel Parker »

Une mise en scène un peu boursouflée

Le réalisateur Baz Luhrmann a d’ailleurs choisi de raconter l’histoire du King à travers les yeux de son impresario, un peu comme l’avait fait Mark Knopfler dans ses chansons Back to Tupelo et Gator Blood. Un parti-pris narratif qui induit des séquences façon spot publicitaire où l’acteur s’adresse directement au spectateur. Un récit non chronologique avec moult flash-backs, digressions cinématographiques, et même un intermède en bande dessinée…

Cette réalisation autant boursouflée que le maquillage impressionnant de Tom Hanks, c’est le style de Baz Luhrmann, à qui l’on doit entre autres Romeo + Juliette ou Moulin Rouge : une mise en scène qui en met plein les yeux et les oreilles, au risque parfois de l’overdose, comme Elvis avec les cachets de Dr Nick. Un montage façon clip qui semblait plus destiné à un sujet sur les eighties, et pas mal d’esbroufe dans les effets visuels (mouvements de caméra à donner le vertige, inscriptions textuelles qui se mêlent au décor, article de journal qui s’anime, etc…). Une forme qui finalement colle bien avec le fond : le leitmotiv qui revient sans cesse dans la bouche de Hanks/Parker est « le public aime les bêtes de foire, il faut les entourlouper en leur piquant leur argent tout en leur donnant le sourire »… Luhrmann donne parfois l’impression d’appliquer l’adage que son film voudrait dénoncer…

Une reconstitution soignée

Mais reconnaissons-lui la parfaite maitrise de son sujet. L’atmosphère de Memphis dans les années 50 est incroyablement bien restituée. On y croise BB King qui ne joue pas encore sur ES-335 mais arbore une Esquire, Sister Rosetta Tharpe elle aussi pas encore sur SG et interprétée par la chanteuse Yola, Arthur ‘Big Boy’ Crudup, incarné par Gary Clark Jr… On remarque les deux guitaristes attitrés du King : Scotty Moore et James Burton et sa Telecaster rose Paisley. Question guitare, beau clin d’œil au modèle Hagstrom Viking II qu’Elvis utilise pour le fameux ‘Comeback Special’ en 1968.

Elvis Movie: Fact Vs. Fiction & Why Austin Butler Deserves an Oscar! -  YouTube
à gauche Elvis Presley pour l’émission « Comeback Special » en 1968, à droite Austin Butler dans le film de Baz Luhrmann

L’émission de télévision qui relance la carrière musicale du King après des années de films sirupeux est au centre du film. Mais curieusement, on n’y voit pas les session assises où Elvis improvisait avec ses vieux compères le guitariste Scotty Moore et le batteur DJ Fontana.

► Cet article nous en raconte plus sur cette émission culte

Le long-métrage de Baz Luhrmann se concentre plus sur cette période de la carrière de Presley : la fin des années 60 et les années 70, avec les shows en résidence à Las Vegas, et la déchéance du King jusqu’à sa mort en 1977, il y a 45 ans. Personnellement, j’aurais préféré qu’on s’attarde plus sur les fifties et la naissance du rock’n’roll. On aperçoit Little Richard et Fats Domino, on entend parler de Mahalia Jackson, mais Bill Haley n’est même pas évoqué, et la séance d’enregistrement de That’s Allright Mama à peine survolée. L’accent est vraiment mis sur la charnière fin sixties début seventies : les assassinats de Luther King et Bobby Kennedy, ou le drame d’Altamont apparaissent en filigrane des négociations entre Parker, Elvis, et Binder, le nouveau producteur qui n’arrivera pas à réaliser la tournée mondiale que souhaitait pourtant le chanteur. Une fois encore, le Colonel Parker aura le dernier mot, en « maitre de l’entourloupe ». En revanche, la rencontre avec Nixon en 70 ne figure pas dans le film.

Et pour finir, quelques images d’archives, avec le véritable Elvis Presley en personne, suivies de la fameuse phrase « Elvis has left the building« , avant un générique avec les tubes du King… mais en version remixée façon hip-hop… Un choix qui constitue une faute de goût pour ma part.

Certes, on peut comprendre le souhait d’ancrer le film en 2022 et d’amener les nouvelles générations à la musique d’Elvis, mais cela aurait été tellement plus classe de terminer sur un That’s Allright Mama original, ces quelques vers qui ont changé la face du monde il y a près de 70 ans… Un biopic qui finalement donne l’envie de se replonger dans la discographie foisonnante du Roi du Rock ‘n’ Roll. Et c’est déjà pas mal.

© Jean-François Convert – Août 2022

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