Un panel de différents albums de blues-rock, sortis au cours des douze derniers mois, ou en prévision pour les prochaines semaines.










Sommaire
The Freaky Buds : Western smoke – 17/10/25
The Freaky Buds est un quartet de blues-rock originaire de France, connu pour son mélange de racines blues traditionnelles et d’influences rock modernes. Avec ce nouvel album Western smoke enregistré et produit par Kid Andersen au mythique Greaseland Studio à San Jose en Californie, le groupe confirme sa direction musicale avec un blues authentique au son brut. La filiation revendiquée de R.L. Burnside à The Red Devils transpire chaque morceau. Dès l’ouverture Strugglin’ & Shufflin’ on est transporté dans les plaines désertiques outre-Atlantique où on s’attend à croiser des cactus et serpents à sonnette.
La couleur se teinte parfois légèrement de country (Devils Night), mais le blues revient toujours en premier plan, au point de rendre hommage à l’une de ses figures tutélaires, Muddy Waters (19 Years Old avec en invité Alabama Mike). Les rythmes ternaires pesants sont aussi de la partie (The Freeloader) tout comme les boogies plus rapides (Nothing to Lose), les rocks chaloupés un brin funky (Get It On The Right Track, The Comeback, Guilty), ou au contraire droit devant (I Lost my Crown, Devil Woman), sans compter les shuffles impassibles (Mud On My Knees). L’harmonica et la guitare répondent en écho à la voix, un triangle parfait, soutenu par la rythmique solide et puissante.
Du blues made in France mais qui sonne comme les mentors dont il se réclame.

The Wine Street Shuffle does Earl Hooker – 12/9/25
Philippe Quinette à la contrebasse, Aliocha Thévenet à la guitare et Marc Delmas à la batterie composent un trio instrumental qui s’est donné pour objectif de transmettre avec fidélité les influences du blues de Chicago. Pour son premier album, The Vine Street Shuffle met en lumière le compositeur Earl Hooker, légende du blues, cousin de John Lee Hooker, accompagnateur de Muddy Waters, qui a laissé de nombreux standards repris par les plus grands guitaristes de Buddy Guy à BB King ou Led Zeppelin.
Un des morceaux Frog Hop – The Leading Brand (Earl Hooker Medley) propose ainsi un medley du bluesman, tandis que You Gotta Lose donne l’occasion au trio d’inviter Neal Black au chant et à la guitare, ainsi que l’incontournable Laurent Cokelaere (County Jels, Jessie Lee & the Alchemists…) à la basse électrique.
Un disque qui nous transporte à Chicago dans les fifties, célébrant le blues électrique de Chess Records, celui d’Elmore James, Albert King, Big Bill Broonzy et Willie Dixon, celui qui a inspiré les Rolling Stones, Jeff Beck, the Animals et Eric Clapton. The Vine Street Shuffle does Earl Hooker est l’occasion de redécouvrir le répertoire de ce guitariste légendaire décédé en 1970 qui laisse de nombreux standards, a côtoyé les plus grands artistes, jammé avec Jimi Hendrix, et grâce à sa guitare double manche et sa technique spectaculaires à la slide influencé nombre de guitaristes de blues et de rock. Montez le son, fermez les yeux, et plongez dans les années 50 et 60 avec cet album qui compte douze titres électriques sans une note de trop.

Steve Tallis : Memory Ghost – 19/9/25
Steve Tallis est né à Perth en 1952. Musicien nomade, auteur, chanteur et guitariste, il a parcouru l’Australie, l’Europe et l’Afrique pour façonner une œuvre hors-catégorie — un blues ritualiste nourri d’influences populaires et ethniques, délivré avec une intensité vocale et instrumentale peu commune. Le 19 septembre 2025, il a fêté 63 ans de carrière avec un objet rare : Memory Ghost, un coffret triple CD enregistré en prise directe, sans retouche, « comme un unique battement de cœur ».
Né d’une session live au studio Rob Grant, ce coffret réunit 66 titres : près de 4 heures de musique captée en prise directe, en mono. Le disque se déploie en trois volets complémentaires : Duo (avec Gary Ridge), Snakes of Desire (formation électrique) et Solo. L’accent est mis sur la spontanéité, l’enregistrement en une seule prise, la captation de l’émotion plutôt que la recherche de la perfection.
Une performance qui prend une dimension cathartique et presque chamanique. Le versant vaudou du blues n’est jamais très loin.
Jessie Lee & The Alchemists : Legacy – 4/7/25
Avec un titre d’album signifiant « héritage », le groupe Jessie Lee & The Alchemists a voulu rendre hommage aux artistes qui l’ont influencé. La chanteuse-guitariste Jessie Lee Houillier, le guitariste Alexis Didier et le claviériste Laurian Daire ont puisé dans les souvenirs de leurs débuts lorsqu’ils interprétaient régulièrement des reprises avant de composer leurs propres morceaux. Les11 titres de ce troisième opus regorgent donc de citations envers leurs mentors : les arrangements à la Humble Pie ou Allman Brothers, des ballades inspirées par Derek and the Dominos et des ambiances soul-gospel dignes d’Aretha Franklin.
Les morceaux ont été éprouvés en live, et enregistrés dans le même esprit au studio bien nommé Midilive. L’ouverture de l’album annonce la couleur : « I’m gonna play the blues for you »… mais on s’écarte rapidement du schéma bluesy classique pour s’envoler vers d’autres sphères avec guitares harmonisées façon Allman–Betts.
Au sein des ces hommages et évocations, on trouve même une adaptation du tube You’re the One That I Want, rendu populaire par John Travolta et Olivia Newton John dans la comédie musicale Grease. Mais la chanson est tellement transfigurée et se démarque tant de l’originale qu’elle se fond dans les compositions du groupe qui la fait sienne.
La formule que j’avais déjà appréciée sur leurs deux précédents albums, ainsi qu’en concert est confortée sur Legacy : la voix puissante et gorgée de soul de Jessie qui excelle également à la six-cordes, le jeu virtuose, inspiré, et souvent hallucinant de Alexis ‘Mr AL’ Didier, les interventions subtiles toujours à propos de Laurian Daire, le tout reposant sur une rythmique qui n’a plus rien à prouver (le bassiste Laurent Cokelaere et le batteur Stéphane Minana). Question guitares, le final de What I’m need offre un excellent duo entre Alexis et Jessie. Et l’album se referme sur la superbe ballade On the other side avec ses chœurs gospel et sa guitare slide aérienne.
Avec Legacy, Jessie Lee & The Alchemists confirme sa place de groupe phare du mouvement blues-soul-rock en France, et prouve que les frenchies n’ont rien à envier à leurs homologues anglo-saxons.

Lone Wolf & Rice Fab – 6/6/25
Le blues réduit à son épure la plus radicale : une voix, une guitare, un harmonica, parfois un orgue (Story of a man, Crossroad Sign) ou une percussion (Searchin’ Blues), des fois en pur solo guitare-voix (Hey Mr Blues). Le duo est né de façon singulière : pendant le Covid, Thierry Gautier alias Lone Wolf (guitare et chant) et Fabrice Leblanc alias Rice Fab (harmonica) se sont mis à faire les petites annonces de musiciens, chacun de leur côté, comme ça, juste pour voir. Ils ont alors réalisé que non seulement ils partageaient des goûts communs mais qu’en plus ils étaient voisins !
Après une bonne année de concerts en Bretagne, les compositions se sont enchainées naturellement. Les enregistrements des 14 titres de ce premier album se sont étalés sur 3 ou 4 séances, la première prise étant souvent la bonne. Une année de plus, et le résultat est dans les bacs depuis début juin pour faire vibrer les amateurs de delta-blues façon Robert Johnson et consorts.
BB & The Bullets : High Tide – 12/9/25
Fort d’une expérience scénique en interprétant des titres d’Albert King, BB King, Muddy Waters ainsi que quelques classiques de Stevie Ray Vaughan et d’autres blues, le groupe néo-zélandais BB & The Bullets a acquis une solide réputation dans le circuit chez eux, mais aussi à l’international.
Cet été, le trio a publié en single sa reprise de I Want You (She’s So Heavy) des Beatles. C’était un avant-goût du premier album High Tide, paru le 12 septembre chez Dixie Frog / Rock & Hall. Les 12 titres alternent reprises de standards (The thrill is gone, Born under a bad sign…) et compositions originales dont le morceau-titre ou l’ouverture de l’album, Something In The Water :
Un power-trio qui ne révolutionne pas le genre mais porte haut le flambeau du blues-rock.
Le Barda : Punch and Badass vol.2 Clash – 21/2/25
Le Barda c’est Olivier Barda, un autodidacte qui a commencé à jouer dans la rue en one-man band dès le lycée puis est parti en longs voyages sac au dos. Sur la route, ce baroudeur a développé la pratique de plusieurs instruments en même temps (chant, guitare, harmonica, tambourin et kick) et a enregistré 5 albums autoproduits sous le nom de Zitoune. Avec des influences revendiquées d’artistes australiens tels Xavier Rudd et John Butler, il a développé sa propre technique de jeu de guitare à plat. Contrairement à Ben Harper ou d’autres, il ne joue pas en slide, mais plutôt dans un style proche de Jeff Healey. Il réaccorde sa guitare selon l’accordage du Dulcimer, qu’il réapprend à jouer de la main gauche tout à l’envers, à faire des barrés avec le petit-doigt, mais son pouce n’étant plus coincé derrière le manche, il se retrouve donc avec 5 doigts pour faire des accords !
Pour cet album (son premier en véritable studio, les précédents étant tous « faits maison »), Le Barda opte pour la formule trio (avec tout de même quelques overdubs) et livre 8 titres qui respirent l’ouest sauvage, les feux de camps de cow-boys, et les chevauchées dans les grands espaces. Jack Fire ouvre en mode incantatoire soutenu par une guitare à résonateur, Son of a Bitch, sans doute le morceau le plus rock de l’album offre un solo virtuose, les chœurs dans Clash sonnent comme du Morricone, Pile of shit suscite visuellement des images de batailles de saloon ou de rodéo festif, Stranger nous dépeint ce qui ressemble à un cavalier solitaire (« l’étranger ») perdu dans des étendues désertiques, Rumbadass fait retentir des cuivres et une rythmique type mariachi comme si le clin d’œil se faisait aussi en direction des westerns spaghetti, Fight Your Oldself nous propulse en pickup ou plutôt locomotive à vapeur si on reste dans l’ambiance d’époque, et en parlant de locomotive, son sifflement introduit le morceau de clôture Mini-Train qui part au grand galop au son d’un banjo trépidant, un harmonica qui laisse la place à une flûte de pan, et des « yeepee » plus vrais que nature, pour un final plein de tension.
Olivier Barda qualifie son style musical de « Western Badass », un univers bien typé et que la pochette du disque symbolise parfaitement.

Roger Godfrey : Never too late – 2024
« Jamais trop tard » annonce le titre de l’album… Effectivement, Roger Godfrey enregistre son premier opus à 80 ans ! Son talent ne s’est pas révélé à cet âge, car cela fait 6 décennies que l’américain vibre aux sons du blues et du rock. Installé à Aix en Provence depuis 46 ans, il a enfin réalisé son rêve en enregistrant à Nashville dans le célèbre studio Black Bird, qui a vu passer des stars du Rock et de la Country comme Dolly Parton, Miley Cyrus ou encore Taylor Swift.
Never too late reflète le style de musique que Godfrey aime jouer depuis toutes ces années : classic rock, country, blues… 10 morceaux qui font bien évidemment la part belle aux guitares.
Même s’il est sorti il y a plus d’un an, il n’est jamais trop tard pour découvrir cet album, à écouter sur de longues routes droites, par exemple dans le sud de la France pour aller y rencontrer Roger Godfrey

The Honnet Brothers : D & A – 6/2/26
Deux frères, un aux claviers (orgue Hammond et synthé basse), l’autre à la batterie, jouent une musique mêlant jazz, funk et world music dans cet album D & A (pour Davy et Anthony, leurs prénoms). 10 titres (dont certains en jeux de mots comme La Trape Couillon ou Rosé Piss In…) qui accueillent des invités prestigieux : Fred Wesley, Philippe Sellam Jean Marie Ecay, Stéphane Édouard, et le grand Robben Ford qui apporte sa touche bluesy sur le single IV Chord Junky, enregistré en studio, mais en conditions « live », à l’ancienne :
Les Honnet Brothers seront en concert le 27 mars au café de la Danse, avec en invité spécial Robben Ford !

Almanak : Sugar Dandies – 11/10/25
Après presque 20 ans d’existence, le groupe jurassien Almanak est de retour avec la sortie de son quatrième album, Sugar Dandies. Huit titres qui oscillent entre shuffle nerveux agrémenté de cuivres (les deux premiers morceaux), funk nonchalant avec synthé façon mini-moog (Grit and Grime), swamp blues avec harmonica poisseux et guitare virtuose (The Mouth full of Wasps), longue ballade soul langoureuse au saxo sensuel virant au blues progressif avec solo expert de six-cordes (Bad Roll Over), blues-rock incandescent avec slide rugueuse (Butterball), jazz-rock funky et son incontournable clavinet et sa guitare wah-wah (Hometown), et enfin instrumental sexy avec intro et final humoristique (La tarte aux Pâtissons).
Les textes évoquent, entre autres, la météo ou les recettes de cuisine (notamment le dernier en français La tarte aux Pâtissons, ode à une spécialité gastronomique bien de chez nous), le tout enrobé dans un cocktail non dénué d’humour. D’ailleurs la présentation de l’album « De l’amour, du groove et des pyjamas en soie sauvage » témoigne de l’auto-dérision dont fait preuve le groupe, qui n’a pas hésité à « revêtir sa plus belle tenue d’apparat pour la pochette ».
Release Party prévue le 11 octobre à St Claude
© Jean-François Convert – Octobre 2025