‘Tres Hombres’ de ZZ Top et son tube ‘La Grange’ ont 50 ans

Le 26 juillet 1973 arrivait dans les bacs ce troisième album de ZZ Top avec l’un des morceaux les plus connus du groupe : ‘La Grange’.

« in the fine Texas tradition »

Avant de devenir les barbus rigolos des eighties, voyageant à bord de voitures rutilantes et accompagnés de filles à la plastique tout aussi parfaite, les trois texans de ZZ Top ont d’abord joué dans les seventies un rock sudiste authentique fortement imprégné de blues et de boogie. Ce troisième album Tres Hombres qui sort en 1973 emprunte au folklore tex-mex, aussi bien dans le titre que dans l’imagerie intérieure du disque : un festin appétissant qui semble provenir d’une taverne sur les rives du Rio Grande.

Billy Gibbons, Dusty Hill et Frank Beard revendiquent haut et fort leurs origines texanes. Que ce soit par la pochette originale estampillée « in the fine Texas tradition » et son bol de chili con carne fumant, ou celle de l’édition remaster 2006 avec les trois compères hilares affublés chacun d’un Stetson emblématique du terroir local.

On note au passage que sur cette photo, Hill et surtout Gibbons sont encore loin d’arborer leurs futures longues barbes qui les rendront célèbres. Gibbons a déclaré dans une interview qu’il a mis 7 ans à obtenir la longueur de barbe que l’on connait.

Du blues, de la bière, et des motards venus de l’enfer

Mais l’intérêt est surtout dans la musique de ce disque qui offre le meilleur du trio dans sa période des années 70. L’atmosphère respire le sud dès l’ouverture Waitin’ for the bus, chanson narrant le quotidien d’un ouvrier, avec son harmonica moite et sa wah-wah suintante. L’enchainement direct avec le titre suivant Jesus Just Left Chicago n’était pas prémédité et résulte d’une coupe hasardeuse de l’ingénieur du son au moment de compiler les morceaux pour la tracklist définitive de l’album. Mais l’effet obtenu a tellement plu au groupe que les deux chansons sont toujours restées indissociées, que ce soit en concert ou même lors des passages radio.

Ce deuxième morceau s’inscrit parfaitement dans la culture sudiste qui aime mêler le blues (« la musique du diable ») et le gospel (« la musique de dieu »). C’est donc tout naturellement qu’après un titre aux références bibliques arrive sans prévenir une ode aux « buveurs de bières et démons de l’enfer ». On imagine aisément le milieu dans lequel gravite la musique de ZZ Top, et l’image des bikers vrombissants tels des mi-hommes mi-démons surgissant de l’enfer est un cliché qui a la vie dure depuis au moins L’équipée sauvage jusqu’au comics Ghost Rider en passant par l’aura malsaine des Hells’ Angels ou l’utopie hippie d’Easy Ryder.

Rock’n’roll et vitesse

Le goût pour les sensations fortes et la vitesse incontrôlée se retrouve aussi dans Master of Sparks qui raconte l’histoire vraie vécue par Billy Gibbons et son ami R.K. Bullock : avec un ouvrier, ils ont soudé une cage à balles en acier avec un siège et une ceinture de sécurité à l’intérieur. Ils ont placé la cage dans la benne d’un camion et, la nuit, après avoir atteint une vitesse de 97 km/h sur l’autoroute 6 près de Houston (également connue sous le nom de Jack Rabbit Road), ils ont fait rouler la cage à l’arrière, l’infortuné narrateur et son ami faisant un tour à l’intérieur. La cage a produit une traînée d’étincelles sur la route mais, écrasée, elle s’est arrêtée de rouler. Toujours en mouvement à grande vitesse, la cage, désormais en forme d’œuf, s’est écrasée contre une clôture. Les deux occupants s’en sont sortis relativement indemnes et se sont vus décerner le titre de « Maître des étincelles » par la foule en délire ! (source : Wikipedia)

Ce même sentiment de vitesse se ressent avec Move me on down the line à l’ambiance très stonienne. Un pur moment de rock’n’roll au tempo rapide mais non dénué de mélodie, qui annonce les futurs Got me under pressure, Stages ou Decision or Collision. Et ce son de guitare qui n’était pas encore celui saturé d’harmoniques des années 80, à part peut-être sur un titre…

Un tube intemporel

Bien que Billy Gibbons soit souvent cité parmi les joueurs de Les Paul, il a aussi régulièrement tâté de la Stratocaster, et cet album Tres Hombres en regorge : le déjà cité Jesus Just Left Chicago, les arpèges langoureux de Hot, Blue and Righteous, le riff hypnotique de Sheik, ou encore celui bluesy de Have You Heard? Mais aussi et surtout le solo du fameux La Grange.

En terme de production, c’est sans doute le morceau qui sonne le plus « moderne » de l’album avec son break de batterie qu’on jurerait étonnamment produit par une boite à rythmes (même si ce n’est pas le cas), et le son de guitare dans le deuxième solo qui semble provenir des eighties… mais 10 ans auparavant ! Cette façon de faire « siffler » les cordes en cherchant toutes les harmoniques possibles, Billy Gibbons en a fait sa marque de fabrique. La légende prétend que le guitariste utilisait une pièce d’un Peso en guise de mediator (tout comme Brian May jouait parfois avec une pièce de six Pence).

Paradoxalement, ce « son moderne » sert un morceau on ne peut plus « roots ». Un riff largement inspiré de Boogie Chillen de John Lee Hooker, des paroles qui évoquent sans doute une maison close perdue dans le désert, et un leitmotiv qui tourne sur un seul accord (bien que transposé pour le premier solo). Bref, pas de fioritures, l’esprit du blues primal à son zénith, et un morceau devenu un quasi-hymne pour tous les bikers du monde entier.

Et même si en studio c’est très vraisemblablement une Strat sur le solo, Billy ne manquait jamais l’occasion de faire rugir sa Les Paul ‘Pearly Gates’ sur scène. Et certaines versions live donnaient souvent l’occasion de digressions diverses et d’inclusions d’autres morceaux avant de revenir au riff iconique.

Il y a comme ça des morceaux qui traversent le temps. C’est le cas de La Grange. Et même tout l’album Tres Hombres n’a pas vieilli, il s’écoute encore aujourd’hui comme s’il venait de sortir. C’était pourtant il y a un demi-siècle.

© Jean-François Convert – Juillet 2023

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1 commentaire sur “‘Tres Hombres’ de ZZ Top et son tube ‘La Grange’ ont 50 ans

  1. Superbe chronique sur un album indémodable. Le meilleur des ZZT selon moi.

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