Le 12 novembre 1971 arrivait dans les bacs ce troisième album de Genesis. Le premier avec Phil Collins et Steve Hackett, et donc le line-up historique.
Sommaire
Une comptine qui vire au meurtre…
« Nursery Cryme » est un jeu de mot avec « Nursery rhyme » qui signifie « comptine enfantine ». Et le morceau-phare The musical box parle justement d’une comptine et d’une ritournelle jouée par une « boite à musique », sauf que l’histoire bascule dans le cauchemardesque avec le scenario improbable d’une petite fille décapitant son camarade en jouant au croquet. C’est d’ailleurs ce drame qui est illustré sur la pochette. Un univers so british ou l’horreur s’accompagne de douceur et d’insouciance…
Avant ses versions scéniques ultérieures avec des masques soit de renard soit de vieillard, la chanson était interprétée « à découvert » par Peter Gabriel, notamment lors du passage à la télévision belge en 1972 :
Trois pièces épiques
Un peu comme Trespass avait Looking for someone, Stagnation et The knife, l’album Nursery Cryme s’articule autour de trois morceaux à l’architecture complexe : The musical box, The Return of the Giant Hogweed et le final The Fountain of Salmacis. Des récits empreints de légendes, de mythologie, d’allégories… le tout sur fond de musique qui s’écoute comme du classique mais avec des instruments électriques. Le principe même du rock progressif.
En 1971, le ‘prog-rock’ est en pleine ascension et atteindra son apogée les deux années suivantes. Les textures sonores de cet album doivent beaucoup à l’acquisition récente par le groupe du Mellotron Mark II. Une rumeur dit que Robert Fripp affirme que c’est celui qu’il aurait utilisé avec King Crimson en 1969 lors de l’enregistrement de leur premier album In The Court of the Crimson King.
Tony Banks utilise le preset « violons » sur The Fountain of Salmacis et sur Seven Stones, ainsi que les cuivres combinés au travers de l’effet fuzz sur The Return of the Giant Hogweed. A noter que Banks joue de la guitare au début de The Musical Box, et que paradoxalement l’idée d’acheter le Mellotron a été suggérée par le guitariste nouveau venu Steve Hackett.
Un nouveau line-up
Nursery Cryme marque en effet l’arrivée de deux nouveaux membres au sein de Genesis : Steve Hackett remplace Anthony Phillips à la guitare, et Phil Collins prend la place de John Mayhew derrière les fûts. Mais le batteur de jazz ne va pas se contenter de tenir la rythmique. Il assure les chœurs, et chante même la voix principale dès le deuxième morceau de l’album : For Absent Friends. Fait notable, il n’est pas crédité à ce titre sur la pochette, alors qu’il le sera deux ans plus tard pour More fool me sur Selling England by the pound.
C’est aussi une des forces de Genesis : le groupe ne propose pas uniquement de longues pièces épiques et complexes, mais aussi de courtes ballades pop comme ce For Absent Friends, et également Harlequin ou Seven Stones. Quant à Harold The Barrel, il apporte la touche d’humour anglais indissociable de la musique d’outre-manche.
Les débuts du « vrai » Genesis ?
Je me suis déjà exprimé dans cette chronique sur les dénominations des différentes « ères » de Genesis. Mais on ne peut nier que Nursery Cryme marque les débuts de la formation du groupe la plus créative : les cinq membres qui ont enregistré parmi les plus belles œuvres de toute leur carrière. De la même manière qu’il y a eu le Pink Floyd à quatre avec Waters-Gilmour-Wright-Mason, il y a le Genesis à cinq avec Gabriel-Banks-Rutherford-Hackett-Collins.
Lors de cette émission pour la télévision belge que beaucoup de fans considèrent comme un des meilleurs témoignages de leurs prestations « live » de l’époque, ils interprètent les trois grands morceaux de l’album :
Pour être tout à fait honnête, je dois avouer que Nursery Cryme est le disque de leur première période auquel j’ai mis le plus de temps à accrocher.
Foxtrot m’avait instantanément marqué avec son côté flamboyant et bien sûr Supper’s ready en tant qu’apogée du groupe. Trespass offrait à mon goût plus de mélodies faciles à se rappeler avec un esprit presque folk-pop fin sixties. J’avais trouvé en The lamb lies down on Broadway une sorte d’équivalent de The wall. Et Selling Enland by the pound reste à jamais mon album préféré de Genesis, notamment à travers le chef d’œuvre qu’est Firth of fith.
Mais celui-ci était un peu plus austère, en tout cas à la première écoute. J’ai appris à l’apprécier, et maintenant je l’aime beaucoup. Un demi-siècle après sa sortie, il reste un pilier du rock progressif et se doit de figurer dans toute discothèque digne de ce nom.
© Jean-François Convert – Novembre 2021
Pour ma part, je ne fais aucun détail en l’occurrence : tout comme le Pink Floyd, les Beatles, le Velvet Underground ou Led Zeppelin, Genesis fut un groupe de génie qui sonorisa une partie de ma jeunesse…