Le 31 août 1970, ce 3ème album confortait la carrière solo du Loner.
Sommaire
Un succès sur la durée
Après un premier album éponyme en 1968, puis Everybody Knows This Is Nowhere en 1969 où il est accompagné du groupe Crazy Horse, et après avoir rejoint le trio Crosby, Stills & Nash à Woodtsock et pour Déjà vu (► chronique de l’album), Neil Young publie en 1970 ce troisième opus sous son nom seul, bien qu’il soit accompagné sur la plupart des morceaux par Crazy Horse, mais également par Jack Nitzsche, Stephen Stills, Greg Reeves et un petit jeune de 19 ans qui fait ses débuts en studio : Nils Lofgren. Ce dernier rejouera avec Young sur Tonight’s the night (► chronique de l’album), et plus tard avec Bruce Springsteen (à partir de 1984).
Déjà, la dualité acoustique/électrique, folk mélodique/grunge précurseur est bien présente. Des ballades typiques americana (Lonesome me, Tell me why, I believe in you) et des morceaux plus hargneux (Southern man, When You Dance I Can Really Love) composent ce disque qui installe véritablement Neil Young dans le succès, juste avant Harvest qui sortira en 1972. After the goldrush est bien placé dans les charts, en bénéficiant de l’effet Déjà vu, sorti quelques mois plus tôt.
L’album est ensuite devenu culte, car moins connu que Harvest, mais avec de nombreuses pépites ayant la faveur des fans, notamment reprises sur scène par l’artiste, soit en solo, soit avec CSN.
L’un des premiers manifestes écologistes
Le morceau-titre, que j’ai eu la chance d’entendre en ouverture de concert en 2016, évoque la fuite en vaisseau spatial après que l’humanité a épuisé toutes les ressources de la planète. A l’origine, l’album complet devait accompagner un scénario de l’acteur Dean Stockwell (qui joue, entre autres, le frère de Harry Dean Stanton dans Paris, Texas). Mais le projet de film n’a pas été financé et fut abandonné. L’histoire se passait à Topanga Canyon englouti sous l’eau après un tremblement de terre.
Un pamphlet anti-sudistes
Southern man dénonce l’esprit du vieux sud américain. Le chanteur canadien fustige les relents ségrégationnistes qui règnent encore dans certaines campagnes reculées, et n’hésite pas à dépeindre ses habitants comme de piètres bouseux. Lofgren est au piano et Young tire de sa guitare un solo strident et poisseux.
Le loner en rajoutera une couche deux ans plus tard avec Alabama. En 1974, Lynyrd Skynyrd, tête de file du rock sudiste, riposte avec Sweet home Alabama en défendant fièrement les couleurs du sud. Le morceau sera mal compris et jugé raciste et anti Neil Young, alors qu’il s’agit plus d’une boutade, le groupe et le chanteur ayant à plusieurs reprises affiché un respect mutuel non feint.
En revanche, il est amusant de savoir qu’en guise de clin d’œil, Lynyrd Skynyrd a glissé la voix de Neil Young chantant « southern man » juste après le vers « I heard mister Young talk about her » (« j’ai entendu monsieur Young en parler » [au sujet de l’Alabama]). C’est très très bas dans le mix, mais cela a été révélé par le guitariste Ed King sur son forum. Tendez-bien l’oreille à 0:55 sur le canal gauche
Un des plus beaux morceaux de Neil Young
L’album renferme un véritable joyau : Birds est une magnifique ballade, avec un refrain aux harmonies vocales divines. C’est pour moi une des plus belles chansons du songwriter canadien. Les voix de Young, Whitten et Molina donnent vraiment l’impression de voler
Le Loner a joué le morceau plusieurs fois en concert, mais sans les chœurs. Paul Weller et Linda Ronstadt, entre autres, l’ont repris
Une pochette énigmatique
Beaucoup se sont demandés qui était cette vieille dame passant derrière le chanteur sur la photo de couverture. Fallait-il y voir un message ? En fait, il s’agit d’un cliché pris par Joel Bernstein dans les rues de Greenwich Village, alors que Neil Young s’y promenait en compagnie de Graham Nash, qu’on peut voir sur le côté droit de la photo, lorsqu’on l’affiche en entier :
L’image a ensuite été traitée avec un effet de solarisation (peut-être en lien avec le thème central de l’album et du morceau-titre ?) pour donner cet aspect un peu irréel, mélangeant image vintage en noir et blanc, et impression futuriste. Une façon de symboliser l’irradiation et d’alerter sur les dangers du nucléaire, et même de la pollution en général, causée par l’activité humaine.
Un message qui garde toute sa force, et reste malheureusement d’actualité, un demi-siècle après sa sortie.
© Jean-François Convert – Août 2020