Hier soir, France 3 diffusait le célèbre western de Sergio Leone, mais en version longue avec plusieurs scènes rajoutées.
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Regardera, regardera pas…
En regardant le programme télé hier soir, je vois que le troisième chaine diffuse Le bon, la brute et le truand… et au départ je me dis « non je ne vais pas le regarder une énième fois. »… et puis le réflexe, j’allume le poste, le film a déjà commencé, et je tombe sur une des (nombreuses) fameuses répliques du film : « quelle ingratitude, quand je pense au nombre de fois où je t’ai sauvé la vie »… dite par Clint Eastwood, elle présente le personnage « Le Bon ». Mais instantanément, quelque chose me frappe : alors que le dialogue est bien en VF, sur l’écran apparait « The good » et non « Le bon » comme j’ai l’habitude de l’avoir vu sur mes multiples visionnages depuis environ 40 ans.
Intrigué par ce qui semble être une version différente de celle diffusée habituellement, et aussi il faut bien le reconnaitre, vite happé par le magnétisme de la musique, des dialogues, des images et tout le reste, je m’installe dans le canapé pour regarder ce film que je connais par cœur…
La version longue
Mon intuition se confirme assez rapidement quelques minutes plus tard dans une scène qui ne m’est pas autant familière que les autres : après son passage chez l’armurier, Tuco retrouve ses anciens complices après une longue tirade où il se plaint d’être tout seul dans la vie. La première chose qui me frappe immédiatement est la voix : ce n’est pas la même ! Je comprends alors que je suis en train de regarder la version longue avec les scènes rajoutées et post-synchronisées après les décès des doubleurs français.
Je me souviens avoir déjà vu ces scènes coupées dans l’édition DVD sortie en 2003 que m’avait prêtée mon ami Jérôme. Mais elles étaient présentées isolément en bonus, de sorte que je n’en avais pas gardé un souvenir impérissable. Là, elles sont directement intégrées dans le montage global, ce qui porte la durée du film à près de 3h, alors que je l’avais toujours connu autour des 2h30 approximativement.
à gauche la version originale sortie en salles en 1966, d’une durée de 2h36, à droite la version longue rééditée en DVD en 2003 et diffusée hier soir, d’une durée de 2h58
Outre celle avec Tuco citée précédemment (la première « nouvelle » séquence dans le film), on découvre les scènes suivantes :
- Après que Blondin ait échappé une première fois à Tuco, et avant que celui-ci ne se lance sur sa piste en le traçant grâce à ses cigarillos, on voit Sentenza arriver dans un camp sudiste où il recueille des renseignements sur Bill Carson en échange d’une bouteille de whisky.
- Pendant la traversée du désert que Tuco fait subir à Blondin, il y a une scène supplémentaire où Tuco s’arrête pour se mouiller les pieds et manger, tandis que Blondin tente de boire et que Tuco le prive à nouveau d’eau. C’est juste avant que n’arrive la diligence de Bill Carson.
- Peu après, aux commandes de cette même diligence, Tuco arrive à un avant-poste sudiste et demande à un officier s’il y a un hospice dans les environs. L’officier est joué par le même acteur qui incarnera le chef de gare dans la séquence d’introduction de Il était une fois dans l’ouest.
- En repartant de la mission, et avant qu’ils ne croisent la cavalerie yankee, on voit Tuco et Blondin sur la diligence en route pour le cimetière. Tuco jette un œil à la carte pour trouver le meilleur itinéraire. De son côté, Blondin observe des soldats morts au champ d’honneur.
- Avant l’évasion de Tuco dans le train, une courte scène montre Blondin et Sentenza se reposant au bord d’une rivière. Blondin abat un homme qui a tenté de le tuer puis découvre que Sentenza est accompagnée de cinq complices.
- La conversation avec le capitaine alcoolique est rallongée d’un passage
- Plus tard, un passage où le même capitaine est à l’agonie est légèrement plus long.
La vision de ces scènes au sein de l’histoire globale m’a procuré une sensation ambivalente : d’un côté, elles ne fonctionnent pas du tout avec le reste du film, en raison des voix différentes, les trois doubleurs français originaux Deschamps, Atlas et Bertrand étant tous décédés avant 2003 (il est à noter que sur la version originale, Clint Eastwood et Eli Wallach se sont eux-mêmes doublés dans la version américaine en dépit du vieillissement de leurs timbres vocaux. Lee Van Cleef, décédé en 1989, est quant à lui doublé par le comédien Simon Prescott). Mais de l’autre côté, elles précisent un peu mieux l’enchainement des recherches, et surtout plusieurs d’entre elles appuient le discours pacifiste de Leone.
Un plaidoyer contre la guerre
En dehors de son cynisme cinglant et de ses protagonistes avides, perfides et sadiques (bien malin qui pourrait prétendre que « le bon » l’est vraiment) Le bon, la brute et le truand est un vibrant plaidoyer contre les horreurs de la guerre. Outre la célèbre scène de l’orchestre qui joue pour couvrir la torture de Tuco, évoquant ainsi ce qui se pratiquait dans les camps d’extermination nazis, ou le poignant passage de la mort d’un soldat à la fin, les visions de charniers, de morts, blessés et estropiés sont justement renforcées dans plusieurs de ces nouvelles scènes.
A travers une banale aventure tournant autour d’un magot, Sergio Leone dénonce l’absurdité et l’inhumanité de la guerre, en utilisant des images chocs, mais aussi au travers de certaines répliques qui l’air de rien ne sont pas là que pour le bon mot.
« J’avais encore jamais vu crever autant de monde »
(Blondin dans la scène avant l’explosion du pont)
Un de mes films préférés
Quel bonheur d’avoir revu ce film, avec finalement à chaque fois la découverte de nouveaux petits détails, notamment le fait que les acolytes de Sentenza sont joués par les mêmes acteurs que dans Et pour quelques dollars de plus, dont entre autres le père qui se bat en duel contre l’indien dans la chapelle, ou encore un court passage de guitare quand Tuco et Blondin conduisent la diligence, qu’il ne me semble pas avoir entendu dans la Bande originale. Et puis je ne m’étais jamais fait la réflexion, mais Eastwood est quand même très loin d’être « blondin »… il est plutôt châtain foncé non ?
Quand à Lee Van Cleef, il parait plus jeune que dans Et pour quelques dollars de plus pourtant tourné un an auparavant. Soit il est teint en gris dans le premier film, soit il est teint en noir dans le deuxième… oui je sais je m’attache à des détails insignifiants… C’est comme de réaliser que la voix française de Tuco (Claude Bertrand) est en fait aussi celle de l’homme à l’harmonica… et de Baloo, O’Malley et Petit Jean !
Et bien sûr, ce film ne serait rien sans sa musique mythique, de son thème ultracélèbre (sans doute l’une des musiques de westerns les plus connues au monde) au baroque Ectasy of gold en passant par le lyrique Story of a soldier. Un film qui fait partie des mieux placés dans mon panthéon cinématographique personnel, et que j’ai à nouveau pris beaucoup de plaisir à revoir pour terminer ce mois de juillet.
© Jean-François Convert – Juillet 2023
Pour moi, en plus des doublages, y’a autre chose qui semble différent. Ca peut paraitre secondaire, mais le bruitage des coups de feu ne sonne pas comme dans un western « spaghetti ». Quand on entend le coup de feu, y’a une sorte de « double son », alors que dans cette version, les coups de feu sonnent ‘à l’américaine », dans un son unique. Mais je me trompe peut-etre ?
Il est tout à fait possible que certains sons aient été refaits ou remixés pour la réédition du DVD et donc pour cette nouvelle version qui est la version courante et officielle qui est utilisée à chaque rediffusion
Très bon film, dialogues formidables, mais point de vue armement c’est du grand n’importe quoi !
J’ai vu un reportage sur le « camp de la mort » où étaient emprisonnés les soldats pendant cette guerre. Affreux, cruel, et je n’ai pu que faire le rapprochement avec ce film. Je suis sûre que c’est de ça dont parle Leone. Ce que je prenais pour de la fiction m’est apparu bien réel. Et c’étaient de vrais criminels de guerre.
Deux invraisemblances monumotales que personne n a jamais relevés : Carson révèle au bon le nom de la tombe. On se demande bien pourquoi. A la fin alors qu’il lui suffisait d attendre tranquillement qu ils sortent le magot et les tuer après la brute balance une pelle. N importe quoi.
Oui c’est vrai je me suis fait la même réflexion pour la fin
Pour Carson et le bon, on peut supposer que Carson en train d’agoniser est prêt à tout dire au premier venu pour avoir de l’eau. Ne voyant pas revenir Tuco tout de suite, il tombe sur Blondin et dans son délire avant de mourir il lui révèle la tombe en espérant avoir immédiatement de l’eau en retour
1/Carson lui révèle le nom de la tombe car blondin lui a donné de l’eau. Ce qui ne le sauvera pas.
2/ c’est vrai. mais il lui donne une pelle pour qu’ils creusent plus vite. (il le dit d’ailleurs)
1/ comment lui donnerai-t-il de l’eau alors qu’il n’en a pas lui-même ?
Très beau film que je conseille à regarder et regarder.
Tout est parfait, histoire, décor, acteurs,lieux.
Toujours un plaisir de revoir ce film.
La version longue est sympa mais le changement de doublage contraint pertube légèrement.
Pour ma part c’est les séquences après l’explosion du pont qui me chagrine.
Au réveille Blondin et Tuco (côté Union) voit le camp vide (plus de canons, soldats, rien).
Il traverse la rivière se retrouve côté confédérés et là c’est le grand n’importe quoi.
Les gars sont partis en laissant des tas de cadavres, des canons, des munitions…
Alors que le sud était il me semble quand même très limité en terme d’équipements.
Soit les nordistes étaient dirigés par des psychopathes du rangement, soit les sudistes étaient de gros dégueulasses (pire que blondin 😉)
Les scènes rajoutées sont laides et sans intérêt.
La modification du montage de ce film, ainsi que celle de sa colorimétrie, constitue une grave atteinte au droit d’auteur.
Je suis d’accord pour la colorimètrie. En revanche pour le montage il me semble qu’il suit les indications originelles de Leone qui avait été contraint de raccourcir son film
Bah, cela demeure néanmoins un petit chef d’œuvre d’ironie et de détente, malgré les invraisemblances et un scénario improbable : quels décors quels dialogues minimalistes si rafraîchissants quelle esthétique poussiéreuse…..
C est la première fois depuis que je suis adulte que je revois la version française et je me suis fait la même remarque sur les doublages.
Par ailleurs beaucoup des seconds rôles sont présents dans les 4 westerns Mais ça on le savait déjà. En tout cas bravo pour votre analyse.
Merci 🙂