Le blues venu d’ailleurs

Quand on pense blues, on pense forcément Mississippi ou Chicago. Et pourtant, nombre de musiciens d’autres contrées jouent ce genre musical, et n’ont rien à envier à leurs homologues d’outre-atlantique. Plusieurs exemples qui sortent en ce moment ou sont sortis récemment, et qui prouvent que le blues est cosmopolite.


de gauche à droite : Bjorn Berge © Farger, Manu Lanvin © Tamara Pienko, Katarina Pejak © DR, Hat Fitz & Cara © DR,   Delgrès © Mélanie Elbaz, Cotton Belly’s © DR

Bjorn Berge : Le blues qui vient du froid

Ce blues-là vient du froid, mais il est loin d’être glacial. Au contraire, Bjorn Berge joue des riffs torrides, avec une voix chaude et sensuelle, mais au timbre quand même un peu guttural, à l’instar de ses homologues scandinaves. De quoi faire monter le thermomètre bien au-delà des températures moyennes de sa Norvège natale.

Sur son dernier album Who Else ?, sorti le 1er février chez Blue Mood Records, dès le premier titre, l’ampli est chauffé à blanc, et la slide rugit de plaisir. A mi-chemin entre Stevie Ray Vaughan, ZZ Top, et Gary Moore, un blues-rock qui déménage.

Bjorn Berge est actuellement en tournée et passe par la France le 30 mars.

Manu Lanvin : Le blues à la sauce frenchy

Depuis longtemps, les français ont su montrer qu’ils savaient jouer le blues : de Bill Deraime à Patrick Verbeke, en passant par Paul Personne. Et ce dernier vient justement donner la réponse à Manu Lanvin sur son dernier album Grand Casino, sorti le 15 février chez Verycords.

D’autres invités prestigieux viennent accompagner le fils de l’acteur, qui s’est fait un prénom depuis déjà un bon bout de temps : Taj Mahal, Popa Chubby , Beverly Jo Scott. Les compos originales côtoient les reprises, dont deux adaptations très libres des classiques Satisfaction et Highway to hell.

Un blues tantôt en anglais, tantôt en français qui se déguste en live. Et d’ailleurs, il parcourt l’Europe, avec son groupe “The Devil Blues”.

Hat Fitz & Cara : Le blues des antipodes

Dans la catégorie « pont entre 2 rives », Hat Fitz & Cara ont fait se rejoindre deux points plutôt éloignés du globe : elle, irlandaise, et lui, autochtone du bush australien. Le mariage de sa voix celte et de son shuffle boueux donne ce cocktail inédit, où la verdoyance irlandaise plane sur l’aridité du désert de l’hémisphère sud.

Une guitare, une batterie, 2 voix : du blues épuré, à l’apparence sommaire, mais plus sophistiqué qu’il n’y parait.

Leur album précédent avait déjà été un coup de cœur, ce nouvel opus Hand it over, sorti le 29 janvier, le confirme : l’avenir du blues passe par le mélange des cultures. Et pour le prouver, le duo australo-irlandais est actuellement dans les pays scandinaves, histoire de rendre sa musique encore plus cosmopolite. Espérons qu’ils feront une halte dans l’hexagone avant de regagner leur contrée “de l’autre côté”.

Big Daddy Wilson : Le blues qui retourne au pays

Histoire singulière que celle de Big Daddy Wilson : né en Caroline du Nord aux Etats-Unis, il découvre le blues….en Allemagne ! Un parcours atypique que j’avais découvert à l’occasion de la chronique de son disque Neckbone Stew, il y a 2 ans.

Avec son nouvel album Deep in my soul (Ruf Records / Socadisc Distribution) prévu pour le 18 avril, il revient à sa terre natale et embrasse ses racines afro-américaines. Comme il le chante dans le morceau-titre : “This is the story of my life”. La boucle est bouclée. Et le teaser ne manque pas d’humour :

Dès la première chanson I know, tout comme dans celle qui donne son nom à l’album, on est immédiatement enveloppé par ce son caractéristique des cuivres, cette chaleur soul si reconnaissable. Pas étonnant quand on sait que l’enregistrement a été finalisé dans l’emblématique Fame Studios à Muscle Shoals. Mais le disque ne s’enferme pas dans un style, et on passe allègrement de couleurs typiquement blues, à des ambiances funk ou reggae.

« C’est le parcours d’un homme qui s’est plongé dans cette belle musique appelée le blues et qui, après 25 ans, est rentré à la maison … »

Après un premier passage en France au mois en mars, Big Daddy Wilson revient nous voir en aout et septembre.

Katarina Pejak : Le blues un peu plus à l’est…

L’Allemagne ne semblait pas être un pays propice à découvrir le blues, et pourtant l’Europe de l’Est recèle des talents, comme par exemple Katarina Pejak. Née à Belgrade, elle vit maintenant entre Nashville et la Serbie. Cette auteure-compositrice-interprète et pianiste combine les genres de la musique roots américaine, en les filtrant à travers ses origines balkaniques et une formation musicale classique.

Son nouvel album Roads that cross est sorti le 15 février chez Ruf Records

A noter que Katarina Pejak a plusieurs fois partagé la scène avec la chanteuse soul finlandaise Ina Forsman et la guitariste blues-rock américaine Ally Venable Band, qui ont toutes deux sorti un album récemment. A elles trois, elles forment le Ruf’s Blues Caravan :

Delgrès : Le blues qui revient aux origines

L’histoire du blues est malheureusement liée à celle de l’esclavage, et avant d’être une musique américaine, elle a d’abord été africaine et a traversé les Antilles et les Caraïbes.

Delgres, trio caribéen (guitare-batterie-sousaphone ), joue un blues d’aujourd’hui, chanté le plus souvent en créole. Le morceau Mo Jodi, s’inspire de l’héroïsme d’un personnage incontournable de la lutte contre l’esclavage dans les Antilles françaises, Louis Delgrès, qui donne son patronyme au groupe.

La musique revient aux origines primales et brutes du blues avec une guitare dobro jouée en slide, un chant plus souvent scandé, et cette basse singulière assurée par le sousaphone, sorte de tuba-contrebasse comme on en trouve dans les fanfares de carnaval, aux Antilles ou à La Nouvelle-Orléans.

L’album du même nom est sorti fin aout chez [PIAS] France, mais une réédition augmentée “extended gold” est parue ce 15 mars. L’occasion de découvrir des morceaux bonus, comme par exemple Se Kon Sa. Parallèlement, le trio a sorti le single Vivre sur la route, en collaboration avec Jean-Louis Aubert, et continue sa tournée à travers toute la France.

Cotton Belly’s : Le blues transatlantique

Si on devait faire la synthèse de toutes ces pérégrinations, le groupe Cotton Belly’s situé en France joue un folk-blues mâtiné de swing et de swamp-rock, qui relie les deux côtés de l’Atlantique. Des musiciens qui tentent d’échapper à la grisaille de leur banlieue parisienne en s’immergeant dans les contrées du Mississippi, dont leur dernier album, qui sort ce 29 mars chez L’autre distribution, tire son titre Missi.

Car on l’oublie souvent, mais la musique américaine est elle-même issue en grande partie du folk irlandais importé par les colons partis pour le nouveau monde. Et c’est un juste retour des choses que des artistes de la “vieille Europe” se réapproprient ces genres musicaux que sont le blues, le rock, le folk…

“Mon idée du paradis est un endroit où la Tyne rencontre le Delta, où la musique folklorique rencontre le blues.”

Mark Knopfler

C’est l’histoire récurrente des musiques depuis plusieurs décennies, et bientôt siècles : un allez-retour constant de part et d’autre de l’atlantique, entre ancien et nouveau monde, en même temps qu’un métissage avec l’Afrique, l’Amérique Centrale et du Sud, les îles, ou encore l’Océanie. Un blues actuel, transatlantique et cosmopolite.

© Jean-François Convert – Mars 2019

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