Il y a 45 ans, The Band faisait ses adieux à la scène

Le film ‘The last waltz’ n’est sorti qu’en 1978, mais le concert a eu lieu le 25 novembre 1976 au Winterland Ballroom de San Francisco.

De gauche à droite : Dr. John, Neil Diamond, Joni Mitchell, Neil Young, Rick Danko, Van Morrison, Bob Dylan et Robbie Robertson, sur le morceau final I shall be released

Le film et l’album

Comme beaucoup, j’ai découvert The Band par ce film et ce concert fabuleux. Diffusé au réveillon de la Saint-Sylvestre 1992, je me souviens l’avoir enregistré sur VHS, puis ensuite sur cassette audio à partir de la télé. Bien des années plus tard, je me suis acheté le double-CD (triple vinyle à l’époque de sa sortie) et j’ai découvert non seulement des morceaux ne figurant pas dans le film, mais aussi les versions intégrales de toutes les chansons qui sont coupées dans le long-métrage pour éviter que celui-ci ne soit trop long justement. Tout ce que j’avais écouté des années durant sur ma cassette audio se retrouvait inclus dans l’album à l’exception de deux passages :

1. ‘Don’t do it’

Ne figurant pas sur l’album, Don’t do it ouvre le film, mais est en fait le dernier morceau joué sur scène par The Band, vers 2h15 du matin, sous forme de rappel, après la fin du concert et les deux ‘bœufs’ qui ont suivi. C’est la dernière fois que le groupe a joué sous cette formation, car lors de se reformation en 1983, Robertson n’y était pas. Le film de Scorsese débute ainsi par la phrase de Robertson annonçant la fin des concerts pour The Band :

« one more song and that’s it ! »

sous-titre français : « une dernière, et après rideau ! »

Cette « dernière valse » était effectivement le souhait du groupe (essentiellement de Robertson) d’arrêter les concerts pour se consacrer exclusivement à l’enregistrement studio, dans le même esprit que les Beatles l’avaient fait en 1966. Et ce concert filmé pour Thanksgiving, le 25 novembre 1976, est sorti en film et en triple-album deux ans plus tard.

2. ‘Further on up the road’

Pour une raison que je ne m’explique pas, ce blues avec Eric Clapton comme invité est le seul morceau figurant sur le film et le disque mais dont aucune des deux versions n’englobe l’autre, comme c’est le cas pour les autres chansons. La version du disque contient des passages qui ne sont pas présents dans le film, ce qui n’a rien de surprenant au regard du reste du concert qui a été édité pour des raisons évidentes de durée. Mais on peut également entendre des solos dans le film qui ne figurent pas sur l’album !

Dans le film, la sangle de Blackie se décroche, et Robertson enchaine sur un solo non prévu, pendant que Clapton raccroche sa guitare (à 1:02 dans la vidéo). Notons au passage que la Strato jouée par Robertson sur ce morceau est différente de celle utilisée sur la majeure partie du concert (voir plus bas) :

Ce passage n’apparaissait pas dans l’édition originale de l’album (qui au passage n’est pas à la même vitesse que le film, ou tout du moins des vidéos YouTube) mais qui comportait en revanche d’autres solos non présents dans le film. Les deux versions, film et album, avaient donc été chacune éditées, mais de façon différente (alors que les autres morceaux n’avaient été édités que pour le film) :

L’édition 40ème anniversaire de The last waltz a corrigé ce manque et a rétabli l’intégralité de la prestation de Clapton avec The Band, couvrant ainsi tout ce qu’on peut entendre dans le film et l’album original :

Plusieurs éditions

Le concert filmé par Scorsese a en effet bénéficié de plusieurs éditions et rééditions. L’album original est sorti en 1978, même année que le film. Triple vinyle, il est devenu double-CD comme c’est souvent le cas (même chose par exemple pour All things must pass de George Harrison). Puis en 2002, un premier coffret 4 CD a permis d’entendre 16 chansons jusqu’ici inédites, ainsi que des prises des répétitions. L’édition 40ème anniversaire a encore étoffé le packaging, et en 2006, le film est l’un des vingt premiers titres sortis au format Blu-Ray par Sony.

Parmi les bonus, on compte Caldonia par Muddy Waters, la version concert de The Weight, l’intégralité des Bœufs 1 et 2, et des performances complétées de Joni Mitchell et Bob Dylan.

Mais si on veut vraiment entendre TOUT le concert joué ce soir-là, il faut se diriger vers les enregistrements pirates. L’un d’eux est disponible sur YouTube (pour l’instant…) et permet de se rendre compte du gros travail de post-production effectué par Robertson. En effet, l’enregistrement ci-dessous constitue un témoignage plus exact, plus brut, et plus complet de l’événement : il contient des chansons absentes du film et des albums officiels, dont Georgia on My Mind, King Harvest, Chest Fever dans sa totalité, et la version sur scène d’Evangeline.

La mise en scène du film

Mais ce qui fait aussi la légende de The last waltz, c’est la façon dont Scorsese a sublimé l’événement. Au départ, le groupe pensait jouer seul, mais après avoir invité Ronnie Hawkins et Bob Dylan (les deux artistes que le groupe avait accompagné), la liste de guests a commencé à déborder sérieusement au point de constituer un who’s who du blues-folk-country-rock-americana de l’époque. Et c’est devenu le concert mythique que l’on connait, au Winterland Ballroom de Bill Graham, où le Band avait fait ses débuts en 1969.

Sauf que là où Scorsese aurait pu se contenter de produire un concert filmé, il a interviewé les membres du groupe dans leur studio Shangri-La, et a inclus deux performances « live en studio » avec The Staples et Emmylou Harris. Pour parachever le tout, Robertson a ensuite composé The last waltz suite qui figure sur l’album, et dont le thème instrumental a servi de générique au film.

Différentes playlists YouTube regroupent des passages du film, mais aucune n’en propose l’intégralité exhaustive. Il faut donc jongler entre plusieurs pour tenter d’avoir quasiment tout le long-métrage :

The last waltz est régulièrement cité parmi les meilleurs films consacrés au rock et à la musique en général, et le magazine Rolling Stone le considère tout simplement comme le meilleur concert filmé de tous les temps. En revanche, le batteur Levon Helm n’a pas été avare de critiques à l’égard du film, jugeant qu’il était trop centré sur Robertson et pas assez sur les autres membres du groupe.

Une guitare mythique

Il est vrai que Robertson a écrit et composé la quasi-totalité du répertoire de The Band et qu’il en a ainsi été le leader naturel dès ses débuts. Dans les passages interviewés par Scorsese, il est souvent à l’honneur, et sur les séquences de concert, il brille notamment par sa guitare devenue légendaire : une stratocatser customisée, qui a sans doute inspiré par la suite les modèles Schecter.

► Plus d’infos et détails sur cette guitare dans cet article

Mes coups de cœur

J’adore tout le concert, mais quelques moments en particulier m’ont fait chavirer dès la première écoute. J’ai découvert Helpless de Neil Young d’abord par The last waltz, de même que Coyote de Joni Mitchell, deux morceaux où je trouve que le groupe est en réelle osmose avec son invité-e. La version de The weight est pour moi la meilleure que je connaisse, peut-être aussi parce que c’est la première que j’ai entendue, mais l’ajout des voix de Mavis Staples et Pop Staples apporte à mon sens beaucoup à l’interprétation.

Lors du visionnage du film, les trois grands moments qui ont instantanément retenu mon attention sont l’émotion intense parcourant Forever young (enchainé à Baby let me follow you down), ainsi que le final I shall be released, et surtout l’incroyable énergie de Van Morrison sur Caravan :

L’écoute du disque quelques années plus tard m’a permis de découvrir non seulement les morceaux en intégralité, mais aussi d’autres pépites comme Tura Lura Lural (That’s an Irish Lullaby) ou I Don’t Believe You (She Acts Like We Never Have Met). Parmi les chansons jouées par le Band seul, j’aime beaucoup The Night They Drove Old Dixie Down, It Makes No Difference et Ophelia.

Mais finalement, pourquoi vouloir ne sélectionner que certains titres, alors que l’ensemble de ce concert est fabuleux. Réécoutons-le d’une traite. Un concert joué, enregistré et filmé, il y a tout juste 45 ans aujourd’hui.

© Jean-François Convert – Novembre 2021

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