Le 20 septembre 2006, Mark Knopfler donnait un concert un peu particulier à l’Opera House de Boothbay Harbor, dans le Maine, aux Etats-Unis.
Sommaire
Un concert inattendu dans un lieu singulier
Nous sommes en septembre 2006. L’activité de Mark Knopfler est plutôt en pause. Après la sortie au printemps de l’album en duo avec Emmylou Harris All the raodrunning, suivi de la tournée européenne et américaine jusqu’à fin juin, notre auteur-compositeur-guitariste préféré a profité de l’été en villégiature. Alors que les fans ne s’attendent pas particulièrement à une actualité de rentrée de la part de notre homme d’habitude plutôt tranquille après une tournée, celui-ci annonce un concert pour le 20 du mois !
Pas d’album à promouvoir, pas de contrat à honorer, pas de planning prédéfini… juste un showcase pour récolter des fonds à destination d’une œuvre de bienfaisance. Mark n’avait pas donné de concert caritatif depuis 2002 avec les 4 dates sous le nom ‘Mark Knopfler & friends’. Alors forcément c’est un événement au sein de la communauté knopflerienne, car ce type de concert est toujours un peu spécial en terme d’ambiance et de contenu. Et le public qui a eu la chance d’être présent ce soir-là n’a vraiment pas été déçu (Gayle, si tu me lis…).
Le concert a lieu à Boothbay Harbor, dans le Maine, au nord de la côte est des Etats-Unis. Les bénéfices sont reversés à la fondation pour le lieu Opera House, où se tient le show. Il s’agit d’un théâtre historique, salle de spectacles destinés à soutenir la préservation du patrimoine.
« L’Opéra de Boothbay Harbor est un centre artistique communautaire dédié à la présentation de programmes de qualité et à la préservation d’un bâtiment historique pour l’enrichissement de la communauté. »
slogan de présentation sur le site officiel
Un concert intimiste
Ce cadre intimiste ne ressemble pas aux grandes salles où a l’habitude de jouer Mark Knopfler. La proximité avec le public l’incite à adapter son set. Et surtout à adopter une formation différente : pas de batteur, la configuration est presque acoustique. Mark va quand même jouer sur des guitares électriques, mais dans une formule réduite : sans batterie et seulement à 4 musiciens. Le chanteur-guitariste est accompagné uniquement de Glenn Worf à la basse et contrebasse, Richard Bennett à la guitare et lapsteel, et Guy Fletcher aux claviers et guitare.
Cette configuration n’est pas totalement inédite dans la carrière de Mark. En effet, il a déjà joué à plusieurs reprises seul avec Guy Fletcher lors de promo radio ou télé. Et avec Emmylou Harris, pour certains plateaux télé au printemps lors de la sortie de leur album, il leur est arrivé de jouer avec seulement Glenn et Richard, sans batterie. Mais à chaque fois, ce n’était que pour une ou deux chansons ; là c’est la première fois pour un concert complet.
1ère incidence : une setlist inhabituelle
- Done with Bonaparte
- Sailing to Philadelphia
- Donegan’s gone
- Rüdiger
- The trawlerman’s song
- Romeo and Juliet
- Song for Sonny Liston
- Marbletown
- Devil baby
- Baloney again
- Postcards from Paraguay
- Whoop de doo
- All that matters
- A place where we used to live
- Wild theme
- If this is goodbye
Débuter le concert avec Done with Bonaparte, inédit ! Mais surtout la setlist va enchainer un festival de titres jamais joués en live : A place where we used to live, Whoop de doo, Marbletown, Postcards from Paraguay (à l’époque ces 2 morceaux n’étaient pas encore apparus dans les concerts), Devil baby… ainsi que les rares All that matters et The trawlerman’s song (joué uniquement en début de la tournée 2005). Et ces morceaux ne seront jamais rejoués sur scène plus tard. Les gens présents dans l’assistance ce soir-là peuvent s’enorgueillir d’avoir entendu des raretés.
2ème incidence : Mark plus affable que jamais
Et cette assistance justement est au plus proche de l’artiste. Les enregistrements pirates laissent transparaitre cette proximité. On a l’impression d’entendre un concert dans son salon. Mark nous parle à l’oreille. Il apporte des explications entre les morceaux, et surtout il est détendu, il plaisante.
Au fur et à mesure du concert, un running gag s’instaure dans les interludes de Mark. Après avoir annoncé ce type de formation comme une « première », il présente The trawlerman’s song comme s’il le jouait pour la première fois en public. Ce qui est faux puisque le morceau a été joué sur les premiers concerts de la tournée 2005. Mais étant donné le peu de fois, on peut considérer que c’est presque une « première ». En revanche, lorsqu’il lance à nouveau « its’ another first this one » durant l’intro de Romeo & Juliet il est clairement rentré dans ce qui va devenir LA blague du concert.
Et quand il ressort la phrase juste avant Marbletown, le public rit, sauf que cette fois il dit vrai ! C’était en effet la première fois que le morceau était joué en public. Mark l’interprète seul, comme sur le disque. Il faudra attendre la tournée 2008, deux ans plus tard, pour connaitre la chanson dans sa forme orchestrale et rallongée. Idem pour Postcards from Paraguay que Mark présente à juste titre comme « encore jamais joué en public », et également Whoop de doo. A force de récurrence de la même annonce au début de chaque morceau, le public ne peut s’empêcher d’éclater de rire. Si on devait résumer le concert de Boothbay en une phrase, ce serait :
« This one is another first, we’ve never played it before ! »
3ème incidence : des arrangements inédits
La formule à 4 implique forcément des façons différentes d’interpréter les morceaux :
- Song for Sonny Liston se voit ainsi joué uniquement à 2, contrebasse et guitare (cependant Mark l’a déjà joué carrément seul sur acoustique sur un plateau télé)
- sur Postcards from Paraguay c’est une guitare acoustique et non la strat comme on aura l’habitude à partir des showcase promo en 2007, puis sur la tournée 2008
- The trawlerman song fait honneur à la ‘Jurassic strat’ (alors que la version studio est très vraisemblablement la Les Paul 58, ► plus d’explications ici)
- Devil baby est sur acoustique (et non sur Les Paul comme à certains concerts)
- Sur If this is goodbye, Mark chante la partie d’Emmylou
- Et surtout, sur Romeo & Juliet, C’est Richard qui joue le solo final. On voit Mark lui faire une accolade de félicitations à la toute fin, tandis que le public sent bien qu’il s’agit là d’une version unique de la chanson :
Tous ces ingrédients font du show de Boothbay un concert vraiment unique dans la carrière de Mark Knopfler. Jamais il n’a autant communiqué avec son public. Celles et ceux qui y étaient ont évoqué un moment vraiment spécial, comparable aux concerts donnés par les Notting Hillbillies à la fin des années 90. Aucune pression, les musiciens détendus, et Mark jouant merveilleusement bien, par exemple sur Sailing to Philadelphia, une des plus belles versions de ce morceau. Un instant un peu hors du temps. C’était il y a 15 ans aujourd’hui.
© Jean-François Convert – Septembre 2021
Très instructif comme d’habitude. Merciiii!
Petite retouche à faire sur le nom de Glenn Worf (et non pas Work).
merci David. c’est corrigé 🙂