Le 19 février 2001, le fou chantant laissait sa Douce France orpheline, et la chanson française perdait l’un de ses plus grands représentants.
J’ai d’abord découvert la chanson française à travers Montand, Piaf, Brel, Brassens, et Ferrat. Je ne suis venu à Trenet que plus tard. Je lui trouvais un côté plus léger, forcément moins engagé que les sus-cités, un esprit rétro, voisin d’un Maurice Chevalier par exemple. J’aimais son côté swing, insouciant, et joie de vivre, mais ne lui trouvais pas la dimension poétique d’un Brassens, un Brel ou une Barbara.
Et puis un jour, j’ai regardé une émission hommage à Renaud présentée par Pascal Sevran. Et j’ai été surpris de l’entendre dire que Trenet était selon lui le plus grand de la chanson française. Tandis que Renaud ne jurait que par Brassens. Bien que je continue toujours de pencher du côté du chanteur énervant (et pour plusieurs raisons), la réflexion de Sevran m’avait intrigué.
Et en fouillant un peu, je me suis aperçu que Brassens lui-même vouait une admiration sans bornes à Trenet et qu’il connaissait la majeure partie de son répertoire par cœur :
Et effectivement, Trenet ce ne sont pas uniquement les mélodies jazzy et dansantes de Y’a d’la joie ou Je chante ; ce n’est pas non plus que le charme désuet de Nationale 7, ce n’est pas seulement l’humour frivole de La Polka du roi, ou le romantisme nostalgique de Que reste-t-il de nos amours ? et ce n’est surtout pas un auteur-chanteur à restreindre aux grands succès que sont La mer ou Douce France, quand bien même elles constituent des chansons parfaitement construites et intemporelles.
Charles Trenet, c’était aussi un amoureux de la langue française, un jongleur des mots, un féru des poètes à qui il aimait rendre hommage dans sa chanson éponyme. Et bien avant Gainsbourg ou le code caché de l’opération Overlord pour le débarquement en Normandie, il a été un des premiers à mettre en musique les célèbres vers mélancoliques de Verlaine :
Et par-dessus tout, on avait constamment l’impression qu’il ne se prenait pas au sérieux, qu’il vivait son existence comme une sorte de plaisanterie. Un constant pied-de-nez à la morosité, mais jamais avec un regard béat ou insipide. Son humour, il le distillait de façon subtile, entre deux vers bien tournés. Il pouvait passer allégrement de la blague presque potache à la poésie la plus douce, dans une même strophe, comme par exemple dans Mam’zelle Clio.
Une chanson que j’ai découverte dans son récital au Printemps de Bourges en 1987, rediffusé à la télévision au début des années 90. Il avait alors 74 ans, et semblait en paraitre 50 de moins. Une mine rayonnante, un regard perçant, une jovialité presque adolescente… une de ses meilleures prestations à mon goût. Et quoi de plus touchant quand il ne se souvient plus des paroles, de Mam’zelle Clio justement, en s’excusant « je ne l’ai pas chantée depuis 20 ans ! »
Un monsieur que j’ai du mal à imaginer « vieux ». Dans ma tête, il reste cet éternel jeune homme, pétillant, affable, et joyeux, à la bonne humeur communicative. A la fois blagueur et poète, un incorrigible adolescent parti il y a tout juste 20 ans. C’est-à-dire justement l’âge qu’il incarne de manière indélébile.
© Jean-François Convert – Février 2021
Vous avez raison de dire que Charles Trenet vaut mieux que l’image d’Epinal qu’il véhicule , pas aussi léger qu’on le croit . j’ai beaucoup aimé l’émission hommage que lui a rendu France 3 vendredi dernier. Je me souviens de cette émission avec Renaud en 1992 qui chanta ce soir là « La folle complainte » .Charles Trenet a inspiré toute la chanson Française du vingtième siècle ! ah ! « le jardin extraordinaire » ma préférée ! quelle poésie !
effectivement, très beau documentaire sur France 3
disponible en replay :
https://www.france.tv/documentaires/art-culture/2259125-charles-trenet-l-enchanteur.html
Très bel hommage à Trenet.Tu lui trouves des talents de poète sûrement mérités qui me rappellent une réflexion de Jean-Jo me répondant à ma remarque sur sa qualité de poète,
» un poète Trenet bof »
J’en ai profité puisque c’était dans le même « défilement » de ta chronique pour lire et bien sûr écouter Verdi. comment connais-tu Rigoletto, la Traviata que j’adore le Trouvère, et d’autres morceaux d’opéra et comment tu sais comparer certains airs de Verdi à Beethoven. Bravo pour l’exploitation de tes recherches, continues. Je pense que tu t’éclates dans cette » occupation « .
merci. oui c’est sûr je me trouve pleinement dans cette passion