Bruce Springsteen : “Born to run” a 45 ans

Avec ce 3ème album sorti le 25 août 1975, Bruce allait enfin devenir Le Boss.

« Le futur du rock’n’roll »

Bruce Springsteen commence à travailler sur l’album en mai 1974. Ses deux précédents disques ont connu un succès d’estime, mais n’ont pas percé au niveau escompté. Celui qui n’est pas encore The Boss vient de faire une rencontre déterminante pour sa carrière : John Landau, critique musical, qui va devenir son manager et producteur pendant plusieurs décennies.

Le 9 mai 1974, Landau assiste au concert de Springsteen au Harvard Square Theater, à Cambridge (Massachusetts). Le 22 mai, dans le journal de Boston The Real Paper, il retranscrit ses impressions avec cette phrase restée célèbre :

« J’ai vu le futur du rock’n’roll et son nom est Bruce Springsteen »

John Landau

Une écriture plus mature

De l’aveu même de Springsteen, Born to run marque un changement dans son écriture. A la différence des deux premiers albums, celui-ci affiche peu de références spécifiques aux lieux du New Jersey. Ainsi les chansons ont pu accrocher une audience plus large.

« C’est l’album où j’ai laissé derrière moi mes définitions adolescentes de l’amour et de la liberté – c’était la ligne de démarcation. »

Bruce Springsteen

Quand il a chante: «c’est notre dernière chance de le réaliser» sur Thunder Road, il se peut que ce soit une allusion à la situation de sa carrière à ce moment-là. Après les relatifs échecs commerciaux des deux premiers albums, Springsteen craignait sans doute d’être abandonné par son label. Il joue le tout pour le tout avec Born to run. C’est sa dernière cartouche, et il frappe dans le mille. Avec ce disque, celui qu’on ne va pas tarder à appeler « The Boss » condense plus ou moins les 20 premières années de rock et de soul en huit chansons, et les propulse sur le devant de la scène.

Des chansons phares

Le morceau-titre reste encore aujourd’hui un de ses plus célèbres, un hymne rock intemporel, et un de mes préférés. J’aime particulièrement cette version de la tournée Born in the USA :

Et l’album se termine par l’épique Jungleland, souvent un des points d’orgue des concerts marathoniens de Springsteen (j’ai eu l’occasion de le voir sur scène et je peux en témoigner). Mais même la version studio est déjà sublime :

Certains entendent une similitude entre l’intro au piano de Roy Bittan avec les arpèges à la guitare National de Mark Knopfler sur Romeo and Juliet, dans l’album Making movies de Dire Straits, enregistré en 1980. Il est à noter que le pianiste du E-Street Band joue sur cet album des Straits. Qui sait si il a eu une quelconque influence durant les sessions ?

Une pochette iconique

La photo de l’album fait partie des plus célèbres pochettes de l’histoire du rock. Bruce accolé à son fidèle saxophoniste Clarence Clemons, malheureusement décédé depuis (en 2011) et à qui le Boss a régulièrement rendu hommage. C’est son neveu Jake qui lui a succédé au sein du E-Street Band.

© Eric Meola

Pendant la tournée qui a suivi l’album, il arrivait régulièrement à Springsteen et Clemons de reproduire la pose sur scène pendant quelques secondes, après un morceau, alors que les éclairages baissaient. Sitôt que le public réalisait ce qu’ils étaient en train de faire, les deux musiciens stoppaient immédiatement la pose.

Devenue tellement symbolique, l’image a été détournée, parodiée, à de nombreuses reprises, un peu comme Abbey Road des Beatles. Par exemple par Cheap Trick Next Position Please (« position suivante svp »), la bande dessinée Kevin and Kell dans l’épisode Born to Migrate, la compilation Born Not to Run de l’émission radio Car Talk, le groupe espagnol Los Secretos avec Algo Prestado, ou encore Born to Add par les marionnettes de Sesame Street

La photo d’origine a été prise par le photographe Eric Meola qui a réalisé 900 clichés en 3 heures !

Il s’est passé plein d’autres choses, mais quand nous avons vu les planches-contact, cette photo nous a sauté aux yeux

Eric Meola

Les autres prises ont été compilées dans le livre Born to Run: The Unseen Photos

Avec cette photo, Springsteen adopte une posture clairement rock n roll : jean, blouson perfecto, T-shirt déchiré, badge à l’effigie d’Elvis (qu’on distingue encore plus sur les autres prises) et guitare en bandoulière.

Une guitare mythique

Et justement, cette guitare est devenue depuis cette album l’instrument emblématique du Boss : une hybride Esquire (le manche) / Telecaster (le corps et les micros).

Les soucieux de détails noteront que la plaque a été modifiée au centre, à l’origine pour accueillir 2 micros supplémentaires, comme expliqué dans cet article ou dans cette chronique radio (épisode 1 et épisode 2). Le trou a été comblé par une image, mais une plaque plus classique prendra place dès la tournée suivante.

Des fans ont fabriqué des répliques de cet instrument mythique :

Bruce a joué sur cette guitare jusqu’en 2005, en y faisant apporter quelques substantielles modifications, comme par exemple des micros « waterproofed » qui puissent survivre à des concerts de 4 heures, gorgés de sueur ! Depuis 2005, elle a été retirée des tournées car devenue trop fragile avec le temps, mais le Boss continue de l’utiliser en studio, tandis qu’il joue sur des copies en concert.

Songwriter et guitariste

Car si Springsteen est vénéré comme un auteur-compositeur émérite (à juste titre), il faut aussi lui reconnaître des talents de guitariste, souvent sous-estimés. Certes, on ne le classe pas dans la catégorie des guitar-heroes, mais son jeu est efficace et plein d’énergie, en témoignent par exemple les solos sur Badlands, Sherry darling, Cover me ou Human touch, les riffs de Cadillac ranch, Darlington county ou Downbound train… (liste non exhaustive)

Quand je l’ai vu en concert en 1993, il introduisait Born in the USA par l’hymne américain, joué à la manière d’Hendrix à Woodstock.

Et sur cet album Born to run, il n’est pas encore épaulé ni par Nils Lofgren ni par Steven Van Zandt, et par conséquent assure à la fois les rythmiques et les solos. Pas de démonstration tonitruante, ni de technique alambiquée, mais Jungleland contient un excellent solo, mêlant énergie rock, et mélodie lyrique.

Un morceau qui clôturait un album clé de la carrière de Springsteen, et même de l’histoire du rock en général. Un disque sorti il y a tout juste 45 ans aujourd’hui.

© Jean-François Convert – Août 2020

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4 commentaires sur “Bruce Springsteen : “Born to run” a 45 ans

  1. Magnifique article !!! Tu fais plaisir aux fans du Boss et alors comme toujours j’apprends plein de choses avec tes chroniques ! Vidéos, photos, anecdotes, histoire et contexte de l’album.. ! Tout y est… J’en aurais bien voulu « un peu plus » parce que oui c’est un album mythique, qui a marqué et marque encore des générations de rockers… Avec cet album le Boss avait quitté sa chrysalide pour devenir une icône… Et nous donner du bonheur pour de nombreuses années… CC

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    1. merci Céline

  2. Un bel article avec de belles photos !!! Wow la planche de la session pour la pochette de l’albu: j’adore ! Une petite erreur toutefois: Jake est le neveu de Clarence, pas son fils.;-)

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    1. merci beaucoup pour la précision, j’ai corrigé 🙂

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