Le 17 décembre 1976 sortait ‘Wind & Wuthering’, le dernier album studio de Genesis avec Steve Hackett, et la fin de leur première période musicale à mon sens.
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Genesis « première période »
Quand je « découvre » la musique de Genesis en 1994, grâce à mon ami batteur Jérôme qui me fait écouter plusieurs disques, deux albums me marquent instantanément : Selling England by the pound, et Wind & wuthering. Bien sûr, après il y a eu Foxtrot, Trespass, The lamb lies down on Broadway, A trick of the tail, et plus tardivement Nursery cryme. Mais ce sont réellement ces deux premières écoutes qui m’ont fait entrer de plein pied dans l’univers de Genesis.
Alors qu’ils sont censés appartenir à deux périodes différentes de l’histoire du groupe, la fameuse « ère Peter gabriel » et la « période Phil Collins », je leur trouve au contraire des similitudes. Le même souffle épique, les mêmes envolées lyriques, les compositions complexes à tiroirs, chacun comportant les deux plus belles pièces du répertoire signé Tony Banks (Firth of fifth et One for the vine). Alors oui, bien sûr, le groupe ne sonne pas de la même façon, tant au niveau de la voix que de l’instrumentation. Mais pour cette dernière, je dirais que c’est plus lié à la production qu’aux compositions elles-mêmes.
D’un point de vue purement musical, je reste convaincu que Wind & wuthering est bien plus proche de Selling England by the pound que de Abacab ou Invisible touch. C’est pourquoi j’ai toujours pensé que la « première période » de Genesis se terminait plutôt au départ de Steve Hackett qu’à celui de Peter Gabriel.
Dernier album avec Steve Hackett
Wind & wuthering est effectivement le dernier album studio de Genesis où figure Steve Hackett qui quitte le groupe l’année suivante à la fin de la tournée. Une tournée immortalisée sur le double live Seconds out qui constitue donc réellement le dernier disque de Genesis avec le guitariste.
Mais de toute façon, Hackett avait déjà manifesté le souhait d’une carrière solo dès 1975 avec son premier album Voyage of the acolyte (où jouent Phil Collins et Mike Rutherford). On peut supposer que le départ de Gabriel l’avait laissé perplexe quant à l’avenir de Genesis, et qu’il avait commencé à envisager de poursuivre l’aventure seul. Il a attendu deux ans plus tard pour véritablement rompre les liens avec le groupe et voler de ses propres ailes (► Plus de détails sur les raisons de son départ sur Wikipedia).
Et pour ce dernier album où il intervient, il participe activement à la composition, notamment dans 3 morceaux sur les 9. On retient souvent son intro à la guitare classique (cordes nylon) de Blood on the rooftops co-signé avec Collins (le batteur-chanteur a composé la musique du refrain, tandis que le guitariste celle des couplets ainsi que les paroles), mais il est également l’auteur du pont de Eleventh Earl of Mar (paroles et musique) et il brille à la guitare avec un solo aérien typique de son jeu sur In that Quiet Earth :
Phil Collins prend la barre
Et cet instrumental In that Quiet Earth, lié au précédent Unquiet Slumbers for the Sleepers…, s’enchaine sur le final Afterglow qui va devenir un classique de Genesis en concert. Composé et écrit par Banks, le morceau permet à Collins d’empiler les voix et d’adopter enfin sa tessiture vocale naturelle, en s’éloignant de celle de Gabriel, dont il s’était approché à la limite de l’imitation sur A trick of the tail.
Chanteur mais toujours batteur
En plus de superposer les parties vocales, il joue également deux fois de la batterie sur ce morceau. On peut l’entendre à partir de 1:15 (à écouter au casque) : 2 batteries, chacune sur un canal de la stéréo, jouant exactement la même chose, une gageure !
Ce jeu à 2 batteries prend bien évidemment tout son sens en concert, où après avoir chanté sur le devant de la scène, Collins peut à loisir rejoindre le batteur Chester Thompson, ayant remplacé Bill Bruford qui avait pris les baguettes sur la tournée de 1976. Les duos de batteries deviennent une signature du groupe à partir de cette deuxième moitié des seventies, et Afterglow est un des morceaux qui met en scène cette particularité de Genesis :
Collins prouve ainsi qu’en prenant le micro, il n’en a pas pour autant abandonné les fûts. Après le départ de Gabriel c’est toujours lui qui continue d’assurer la batterie, en plus du chant, sur les enregistrements studio. Et Afterglow porte la marque d’une de ses signatures rythmiques préférées : le triolet sur la ride, qu’on retrouvera plus tard, par exemple dans Against All Odds (Take A Look At Me Now)
Et le batteur ne ménage pas ses effets sur cet album Wind & wuthering : breaks impressionnants qui débaroulent tous les toms, feu d’artifices des cymbales qui claquent à tout va, et rythmiques qui sont loin du binaire et lorgnent parfois vers le jazz-rock comme sur Wot gorilla? où l’on perçoit une métrique similaire à celle jouée sur le final de Cinema show… tiens, encore un lien avec Selling England by the pound…
Collins est partout : au chant, à l’écriture et la composition, à la batterie… Genesis a trouvé son nouveau leader, ce qui donnera effectivement l’appellation de la « période Collins »
Tony Banks toujours « Monsieur Genesis »
Mais même si Collins devient le frontman du groupe, il serait inexact de le présenter comme le cœur créatif. Il est certes celui que le public reconnait en premier, mais il ne faut pas oublier que la musique de Genesis c’est avant tout Tony Banks. Le claviériste-compositeur signe ou co-signe pas moins de 6 morceaux sur les 9 de l’album, soit plus de la moitié. Et ses trois propres compositions sont tout bonnement le « tube » Afterglow, le rythmé All in a Mouse’s Night, et l’épique One for the vine.
Pour cette dernière, encore un sommet d’écriture et de composition qui mêle de multiples styles musicaux, une structure complexe sur laquelle « Monsieur Genesis » a travaillé durant 1 an, la chanson ayant déjà été pressentie pour A trick of the tail.
À chaque fois que j’entends la partie sautillante du milieu, je pense à Jean-Michel Jarre. Il est amusant de noter que son premier album Oxygene est sorti le 5 décembre 1976, à peine deux semaines avant celui de Genesis. C’est l’époque de l’avènement des synthétiseurs, et Tony Banks n’échappe pas à la mode. Bien sûr, il avait déjà utilisé le Mellotron sur les albums précédents, mais Wind & wuthering marque un tournant dans le son de Banks avec l’arrivée des modèles ARP 2600 et Pro Soloist et du Roland RS-202 qui lui permettent de simuler un orchestre de cordes.
Il en résulte des sonorités souvent plus emphatiques et plus « larges » que sur les albums précédents. Les nappes de synthé deviennent proéminentes et annoncent aussi les sons futurs du groupe.
Michael Rutherford amorce le virage pop
Mais contrairement à ce qu’on aurait pu penser, l’orientation plus « radio-friendly » de Genesis n’est pas forcément venue en premier de Collins ou de Banks. C’est plutôt le discret mais non moins moteur Michael Rutherford qui avec la ballade romantique Your own special way laisse affleurer un parfum pop qui va prendre de plus en plus d’ampleur par la suite. L’album suivant …And Then There Were Three… comportera des singles comme Many Too Many ou Follow You, Follow Me, un style dont on peut entendre les prémices dans Your own special way.
Vidéo amusante que ce passage télé en mars 1977, où le groupe joue en playback, mais où Rutherford tient quand même à passer de la guitare à la basse sur Afterglow. Un commentaire écrit par un Youtubeur est particulièrement cocasse :
- Phil – Are you ready for the vocal cue? Pay attention now.
- Chester – Can you be *really* enthusiastic on the drums?
- Mike – Important! – I know you are miming but don’t forget to change guitars.
- Steve – Remember to laugh at Phil’s jokes
- Tony – Well, you just do what you normally do (but if you can look incredulous that would be great)
Un album qui marquait la fin de la période vraiment rock progressif de Genesis, tout en annonçant subtilement la couleur pop FM des disques suivants. Même si j’écoute de temps à autres quelques morceaux isolés de Duke ou Abacab avec plaisir, ce Wind & wuthering reste pour moi le dernier grand album de Genesis. Un album sorti il y a 45 ans.
© Jean-François Convert – Décembre 2021
J’ai découvert par hasard A trick of the trail, puis Wind & wuthering et ce fut un choc dont je suis toujours amoureux des siècles plus tard. Pour moi, ces deux disques sont des merveilles liées, que je ne peux séparer, la période Gabriel, elle aussi géniale ayant d’autres attraits. And then there were three est plus mélancolique à cause du départ du magnifique Steve Hackett mais reste pour moi le dernier disque du Genesis épique, Duke étant l’album de la mutation, très inégal et que j’écoute moins malgré quelques belles pépites. La suite est une autre histoire (qui m’a aussi captivé dans un autre genre jusqu’à la fin prématurée, à mon goût). Wind est une pure merveille où chaque musicien a parfaitement sa place. Un sommet de finesse et de lyrisme. A dévorer sans modération…
Mon premier album de Genesis, après être passé par « UK » et « Animals ». Ma « confirmation » dans le monde du prog-rock, dont je ne sortirais plus.
Quel choc ! Oui, sans aucun doute, cet album est le point final de la première version de Genesis. Ciselé comme un bijou, il empile de merveilleux morceaux, subtils, énergiques, composés avec soin, et débordants d’émotion. Ma passion pour le groupe a démarré précisément là. Faut dire aussi que ce sont mes années lycée, ça pèse lourd… D’où peut-être le parfum nostalgique que je lui attribue encore. LEs nappes de claviers ont-elles déjà été aussi éthérées ?
Cet album est à une charnière, c’est vrai. Il se peut que ça le rende plus accessible que les précédents. Je me souviens qu’il plaisait beaucoup en 1993 à ma copine de 17 ans (Qui écoutait plutôt Ace of Base ou Mylène Farmer..), comme quoi il reste moins hermétique qu’un « Selling… » ou qu’un « Foxtrot ». Un excellent album pour commencer une découverte du Groupe, pour ensuite reculer dans le temps et se faire l’oreille à du progressive rock de haute volée.
Excellente analyse
merci
C’est parfait