Aujourd’hui, Jeff Buckley aurait eu 55 ans et c’est sans doute sa version de ‘Hallelujah’ qui reste la plus célèbre. Mais la chanson a connu une longue histoire à travers plusieurs artistes.
Sommaire
La version originale de Leonard Cohen (1984)
Hallelujah, qui signifie en hébreu Hallelou « Rendez louange » Yah, Yahweh « à Dieu », est une chanson écrite par Leonard Cohen. Elle a été enregistrée pour la première fois sur son album Various Positions, sorti en1984. Son auteur n’ a jamais vraiment explicité le sens de son texte qui mêle les thèmes de la religion et du sexe. Nombreux sont celles et ceux qui ont tenté une exégèse des paroles, mais souvent en vain. Si on la lit au premier degré, on peut simplement retenir que la chanson raconte l’histoire d’une relation à travers des métaphores.
Le rythme est lent, la voix de Cohen est basse, la tonalité est en Do. Le refrain est soutenu par des chœurs qui sonnent très gospel, en phase avec le titre du morceau.
La version de John Cale (1991)
Sept ans plus tard, l’ex-violoniste-bassiste taciturne du Velvet enregistre une nouvelle version de Hallelujah en modifiant un passage du texte, avec l’accord de Leonard Cohen. Il inverse l’ordre de deux couplets et en supprime un. Et surtout, quelques expressions varient, soit légèrement, soit de façon plus marquée :
- « pilgrim » (« pélerin ») est ainsi remplacé par « somebody » (« quelqu’un »)
- « a crime » (« un crime ») se transforme en « a cry » (« des pleurs »)
- « What’s really going on below » (« Qu’est-ce qui se passe vraiment en dessous », on ne sait s’il fait référence à l’enfer ou aux sous-entendus de la relation) est subtilement réécrit : « What’s real and going on below » (« Ce qui est réel et se passe ci-dessous »)
- Mais le changement le plus radical est « the holy dove » (« la sainte colombe ») chez Cohen qui devient « the holy dark (« le saint des ténèbres ») chez Cale…
Musicalement, John Cale chante la chanson une octave au-dessus de Cohen. La tonalité est toujours en Do. Le rythme un peu plus enlevé, et l’arrangement épuré au possible : piano-voix.
Texte de Cohen
Now I’ve heard there was a secret chord
That David played, and it pleased the Lord
But you dont really care for music, do you?
It goes like this, the fourth, the fifth
The minor falls, the major lifts
The baffled king composing Hallelujah
Hallelujah, Hallelujah
Hallelujah, Hallelujah
Your faith was strong but you needed proof
You saw her bathing on the roof
Her beauty and the moonlight overthrew her
She tied you to a kitchen chair
She broke your throne, and she cut your hair
And from your lips she drew the Hallelujah
Hallelujah, Hallelujah
Hallelujah, Hallelujah
Well, maybe there’s a God above
As for me all I’ve ever learned from love
Is how to shoot somebody who outdrew you
But it’s not a crime that you’re hear tonight
It’s not some pilgrim who claims to have seen the Light
No, it’s a cold and it’s a very broken Hallelujah
Hallelujah, Hallelujah
Hallelujah, Hallelujah
Well people I’ve been here before
I know this room and I’ve walked this floor
You see I used to live alone before I knew ya
And I’ve seen your flag on the marble arch
But listen love, love is not some kind of victory march, no
It’s a cold and it’s a broken Hallelujah
Hallelujah, Hallelujah
Hallelujah, Hallelujah
There was a time you let me know
What’s really going on below
But now you never show it to me, do you?
And I remember when I moved in you
And the holy dove she was moving too
And every single breath we drew was Hallelujah
Hallelujah, Hallelujah
Hallelujah, Hallelujah
Now I’ve done my best, I know it wasn’t much
I couldn’t feel, so I tried to touch
I’ve told the truth, I didnt come here to London just to fool you
And even though it all went wrong
I’ll stand right here before the Lord of song
With nothing, nothing on my tongue but Hallelujah
Hallelujah, Hallelujah
Hallelujah, Hallelujah
Hallelujah, Hallelujah
Hallelujah, Hallelujah
Hallelujah
Texte de Cale
I’ve heard there was a secret chord
That david played, and it pleased the lord.
But you don’t really care for music, do you?
It goes like this, The fourth, the fifth.
The minor fall, the major lift.
The baffled king composing hallelujah
Hallelujah, Hallelujah,
Hallelujah, Hallelujah
Your faith was strong but you needed proof.
You saw her bathing on the roof.
Her beauty and the moonlight overthrew you.
She tied you to a kitchen chair.
She broke your throne, she cut your hair.
And from your lips she drew the hallelujah
Hallelujah, Hallelujah,
Hallelujah, Hallelujah
Maybe i’ve been here before.
I know this room, i’ve walked this floor.
I used to live alone before i knew you.
I’ve seen your flag on the marble arch.
Love is not a victory march,
It’s a cold and it’s a broken hallelujah
Hallelujah, Hallelujah,
Hallelujah, Hallelujah
There was a time you’d let me know
What’s real and going on below.
But now you never show it to me, do you?
Remember when i moved in you?
The holy dark was moving too.
And every breath we drew was hallelujah
Hallelujah, Hallelujah,
Hallelujah, Hallelujah
Maybe there’s a god above.
And all i ever learned from love
Was how to shoot at someone who outdrew you.
It’s not a cry you can hear at night.
It’s not somebody who’s seen the light.
It’s a cold and its a broken hallelujah
Hallelujah, Hallelujah,
Hallelujah, Hallelujah,
Hallelujah, Hallelujah
Hallelujah
La reprise par Jeff Buckley (1994)
C’est sans aucun doute la version la plus célèbre de la chanson, et le morceau le plus connu de Jeff Buckley. Le jeune chanteur d’à peine 30 ans est littéralement habité lorsqu’il enregistre cette reprise pour son album Grace en 1994.
Buckley reprend la version de Cale et non celle de Cohen. Il chante lui aussi une octave au-dessus de l’original. La tonalité est toujours en Do, mais le jeune guitariste la joue en position de Sol avec un capo à la cinquième case. Le tempo est encore un peu plus rapide que celui de Cale. Et la formule piano-voix est ici remplacée par guitare-voix, avec ce son cristallin typique de la Telecaster.
Puis, Jeff Buckley réenregistre la chanson live en studio, mais cette fois un demi-ton au-dessus, c’est-à-dire en Do#, toujours en position de Sol, avec simplement le Capo à la sixième case. Cette seconde version donne lieu au clip vidéo :
La Bande Originale de ‘Shrek’ (2001)
Quand Dreamworks sort son film d’animation Shrek en 2001, le studio fait appel à plusieurs artistes pour la Bande Originale. Parmi les chansons figure Hallelujah, et on entend clairement que le thème principal Fairytale reprend quelques notes de la mélodie du refrain de la chanson de Leonard Cohen, mélodie qui bien évidemment part vers d’autres horizons très rapidement :
Mais on sent que l’influence de Hallelujah est bien là et a dû inspiré fortement les compositeurs Harry Gregson-Williams et John Powell. Quant au morceau lui-même, il figure dans le long-métrage. Il s’agit de la version de John Cale :
En revanche, sur la Bande Originale éditée en CD, la chanson est chantée par Rufus Wainwright, dans une version certes très proche de celle de John Cale : toujours en tonalité de Do, et même arrangement piano-voix.
Les multiples reprises
Hallelujah a été repris un nombre incalculable de fois : il y aurait, sans compter les versions live, plus de 120 reprises ! Le plus souvent, ces reprises s’inspirent soit de l’interprétation de Jeff Buckley en mode guitare-voix, soit de celle de John Cale / Rufus Wainwright avec accompagnement au piano. Ces versions épurées sont en quelque sorte devenues les versions étalon de la chanson. Quasiment personne ne se réfère à l’original de Leonard Cohen avec son rythme pesant et ses chœurs grandiloquents. Même quand elle est reprise à plusieurs voix, c’est souvent plus proche de l’esprit de Buckley que celui de Cohen :
Popa Chubby l’a longtemps reprise en mode blues carré, accompagné par son groupe. Puis ces dernières années, il est lui aussi passé à une formule réduite guitare-voix mais avec aussi son pianiste en renfort. Il conjugue ainsi les deux arrangements, guitare et piano. C’est de cette façon qu’il l’a jouée au concert auquel j’ai assisté en 2018 :
C’est aussi dans cet arrangement qu’elle figure en bonus de l’album Two Dogs, sorti en 2018. Un album pour lequel j’avais justement eu le plaisir de l’interviewer pour franceinfo , et Popa Chubby m’avait avoué que Hallelujah était sa « chanson préférée au monde ! »
C’est sûrement la chanson préférée de beaucoup de gens. Et aujourd’hui, 55ème anniversaire de la naissance de Jeff Buckley, et cette année 20ème anniversaire de la sortie de Shrek, c’était vraiment l’occasion de remettre en valeur ce superbe morceau. Alors, « Hallelou Hallelujah » !
© Jean-François Convert – Novembre 2021